Les centres de santé sont des structures sanitaires de proximité, dispensant des soins de premier recours et, le cas échéant, de second recours. Ils assurent une prise en charge pluriprofessionnelle, associant des professionnels médicaux et des auxiliaires médicaux (Article L 6323-1 du code de la santé publique).
Face aux récentes vagues de déconventionnement, notamment celle rapportée par l’Assurance Maladie en juillet 2023 concernant 13 centres de santé, une explication s’impose sur l’impact des mesures de déconventionnement en urgence des centres de santé.
Le décret n° 2023-587 du 10 juillet 2023 vient préciser les modalités de mise en œuvre du déconventionnement en urgence des centres de santé. Il vient modifier l’article R. 162-54-10 du code de la sécurité sociale.
L’article R. 162-54-10 prévoit que:
En cas de violation particulièrement grave des engagements conventionnels d’un professionnel de santé, d’un centre de santé, (…) notamment dans les cas de nature à justifier, en présence d’un préjudice financier pour l’assurance maladie, le dépôt d’une plainte pénale en application du quatrième alinéa de l’article L. 114-9, le directeur de la caisse primaire d’assurance maladie dans le ressort de laquelle exerce l’intéressé, alerté le cas échéant par le directeur de tout autre organisme d’assurance maladie concerné, peut décider de suspendre les effets de la convention à son égard pour une durée qui ne peut excéder trois mois.
Par ailleurs, le 28 mars 2024, la CPAM indiquait avoir contrôlé 200 centres de santé depuis 2021 et en avoir déconventionné 21 en 2023. La CPAM précise également qu’en janvier 2024, l’Assurance Maladie a mis en place de nouvelles task-forces nationales dont les objectifs sont de :
- coordonner les actions de contrôle ;
- centraliser les investigations, permettant une vue d’ensemble des activités du réseau ;
- impulser et harmoniser les actions contentieuses entreprises.
Dans cet article, nous revenons sur les évolutions récentes en matière de déconventionnement en urgence des centres de santé.
Quelles sont les étapes de la procédure de déconventionnement en urgence des centres de santé ?
La procédure de déconventionnement en urgence se déroule en plusieurs étapes qui sont précisées à l’article R 162-54-10 du code de la sécurité sociale :
- Notification et motivation : le directeur de la caisse communique au centre de santé un courrier indiquant les faits reprochés, la mesure de suspension envisagée et sa durée. Il transmet ces éléments au directeur général de l’union nationale des caisses d’assurance maladie.
- Droit de réponse : Un délai est accordé au centre de santé pour présenter sa défense, soit par écrit, soit lors d’une audition. Le centre de santé dispose d’un délai de huit jours à compter de la date de notification du courrier pour demander à être entendu, assisté le cas échéant de la personne de son choix. Il peut également, dans ce délai de quinze jours, présenter des observations écrites
- Audition par la CPAM : La demande d’audition doit être effectuée dans un délai de huit jours à compter de la notification du courrier et l’audition doit avoir lieu dans un délai de 15 jours à compter de la notification du courrier
- Décision : Après examen des éléments, une décision est prise quant au déconventionnement en urgence. Cette décision est prise très rapidement. En effet, à compter de la date de réception des observations écrites ou du lendemain de l’audition du centre de santé, le directeur de la caisse prend sa décision dans un délai de quinze jours. En l’absence de réponse au courrier de notification dans un délai de quinze jours, le directeur de la caisse prend également sa décision dans un délai de quinze jours
- Nature de la décision prise. Le directeur peut décider :
- Soit d’abandonner la procédure: sans préjudice de la poursuite, le cas échéant, de la procédure de déconventionnement classique prévue au premier alinéa de l’article L. 162-15-1. Dans ce cas, il en informe le centre de santé dans les meilleurs délais ;
- Soit suspendre les effets de la convention à l’égard du centre de santé, pour une durée maximale de trois mois: sous réserve d’avoir recueilli l’avis du directeur général de l’union nationale des caisses d’assurance maladie. La décision prend effet à compter du lendemain de sa notification.
Quels recours possibles contre la décision de déconventionnement en urgence ?
La décision de déconventionnement en urgence peut faire l’objet d’un recours devant le tribunal administratif:
- Demande d’annulation de la décision : les centres de santé peuvent demander l’annulation de la décision dans un délai de deux mois à compter de la notification. La procédure étant longue devant le tribunal administratif (plus d’un an), il est vivement conseillé de solliciter la suspension de la décision par le biais d’un référé-suspension
- Demande de suspension de la décision : la décision de déconventionnement en urgence peut également être contestée par le biais d’un référé suspension. Le référé-suspension, ne peut être effectué qu’après avoir déposé une requête en annulation. Deux conditions doivent être réunies pour obtenir la suspension de la décision dans l’attente du jugement du tribunal administratif sur la requête en annulation : démontrer l’urgence et l’existence d’un doute sérieux quant à la légalité de la décision.
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La loi n° 2023-1268 du 27 décembre 2023 visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels vient modifier l’article L6323-1-12 du Code de la santé publique, et compléter le dispositif:
- Lorsqu’il est constaté un manquement compromettant la qualité ou la sécurité des soins, un manquement du représentant légal de l’organisme gestionnaire à l’obligation de transmission de l’engagement de conformité ou au respect des dispositions législatives et réglementaires relatives aux centres de santé ou en cas d’abus ou de fraude commise à l’égard des organismes de sécurité sociale ou des assurés sociaux, le directeur général de l’agence régionale de santé le notifie à l’organisme gestionnaire du centre de santé et lui demande de faire connaître, dans un délai qui ne peut être inférieur à huit jours, ses observations en réponse ainsi que les mesures correctrices adoptées ou envisagées. Le directeur général de l’agence régionale de santé informe également les instances ordinales compétentes de tout manquement compromettant la qualité ou la sécurité des soins.
- Le directeur général de l’agence régionale de santé peut également prononcer des injonctions
- Une amende administrative peut être prononcée à l’encontre de l’organisme gestionnaire ou du représentant légal du centre de santé. Le montant de l’amende administrative ne peut être supérieur à 500 000 euros.
Il est également prévu :
" En cas d’urgence tenant à la sécurité des patients ou lorsqu’il n’a pas été satisfait, dans le délai fixé, à l’injonction prévue au I, le directeur général de l’agence régionale de santé peut prononcer la suspension immédiate, totale ou partielle, de l’activité du centre et, lorsqu’elles existent, de ses antennes".
Les procédures sont donc multiples et complexes. Les délais sont également extrêmement courts.
Le déconventionnement, bien que parfois nécessaire pour garantir la qualité et l’intégrité des soins, devrait être envisagé comme un dernier recours par l’Assurance Maladie.
Les impacts d’une telle mesure sont profonds, non seulement pour les centres de santé eux-mêmes mais également pour les patients. Retirer un centre du système conventionné peut créer un vide, mettant en péril l’accès aux soins pour les patients les plus vulnérables.
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