Dans un contexte où l’équité d’accès aux soins doit être une priorité nationale, les règles de zonage pour l’installation des infirmiers libéraux sont déterminantes. Elles visent à optimiser la répartition géographique des professionnels de santé afin de répondre aux besoins de la population. Cet article propose un tour d’horizon complet sur le sujet, incluant les sanctions encourues en cas de non-respect ou de contournement des règles établies.
Qu’est-ce que le zonage ?
Le zonage est un dispositif réglementaire qui divise le territoire en zones en fonction de la densité de professionnels de santé et de l’offre de soins disponible. Chaque zone est classée selon qu’elle présente un excès, un équilibre ou une insuffisance en matière d’offre de soins.
Ces zonages concernent la majeure partie des professionnels de santé : médecins libéraux, infirmiers libéraux, masseurs-kinésithérapeutes, libéraux, orthophonistes libéraux, sages-femmes libérales, chirurgiens-dentistes libéraux.
Les objectifs du zonage :
- Assurer une couverture sanitaire équilibrée : le but est de prévenir les déserts médicaux et les surconcentrations d’infirmiers dans certaines régions, pour un accès aux soins plus juste.
- Promouvoir l’égalité d’accès aux soins : en incitant les infirmiers à s’installer dans les zones sous-dotées, on vise à réduire les inégalités d’accès aux soins pour les populations.
Le système de zonage repose donc sur une série de mesures incitatives pour encourager l’installation dans les zones sous-dotées, ainsi que des restrictions dans les zones surdotées pour limiter l’afflux de nouveaux professionnels.
Comment fonctionnent les règles de zonage ?
- Classification des zones : Les zones sont classées en « zones surdotées », « zones d’intervention prioritaire », et « zones d’action complémentaire », en fonction des besoins en soins infirmiers et de la densité de population.
- Incitations à l’installation : Des incitations financières et des aides à l’installation peuvent être proposées aux infirmiers qui choisissent de s’installer dans des zones manquant de professionnels de santé.
- Contraintes à l’installation : Dans les zones surdotées, des restrictions peuvent être appliquées pour limiter le nombre de nouvelles installations. Ainsi, pour les zones surdotées, outre le fait de répondre aux conditions générales d’installation prévues par la convention nationale des infirmiers libéraux, l’infirmier qui souhaite s’installer en zone surdotée doit présenter un dossier de conventionnement spécifique. Dans les zones surdotées, l’accès au conventionnement d’un infirmier ne peut être accordé qu’au seul successeur de l’infirmier cessant définitivement son activité en zone sur-dotée (application de la règle d’une arrivée pour un départ).
Implications pour les Infirmiers Libéraux :
- Choix du lieu d’installation : Les infirmiers doivent tenir compte de la classification des zones pour décider de leur lieu d’installation.
- Accès aux aides : S’installer dans une zone sous-dotée peut ouvrir droit à des aides significatives, facilitant ainsi l’installation et le développement de l’activité.
Les Sanctions en cas de non-respect des règles de zonage par les infirmiers :
Le non-respect des règles de zonage n’est pas sans conséquences. Les infirmiers qui choisissent de s’installer dans une zone surdotée sans autorisation préalable peuvent se voir infliger des sanctions financières, voire la suspension de leur droit à pratiquer.
Contournement des règles de zonage par les contrats de remplacement :
L’article R 4312-83 du code de la santé publique énonce :
« Un infirmier ne peut se faire remplacer que temporairement par un confrère avec ou sans installation professionnelle. Dans ce dernier cas, et sans préjudice des règles relatives à l’assurance-maladie, le remplaçant doit être titulaire d’une autorisation de remplacement, pour une durée d’un an renouvelable, délivrée par le conseil départemental de l’ordre auquel il est inscrit. L’infirmier remplaçant ne peut remplacer plus de deux infirmiers en même temps, y compris dans une association d’infirmiers ou un cabinet de groupe. Tout contrat de remplacement est transmis, par l’infirmier remplaçant et l’infirmier remplacé, au conseil départemental ou aux conseils départementaux auxquels ils sont inscrits. ».
Certains professionnels peuvent être tentés de contourner les restrictions d’installation par le biais de contrats de remplacement répétés dans des zones surdotées. Cette pratique, lorsqu’elle est jugée abusive, est sanctionnée par les instances ordinales. Elle peut entraîner non seulement des sanctions disciplinaires, mais aussi l’exigence de remboursement des aides perçues indûment. Le tribunal judiciaire peut également requalifier le contrat de remplacement en contrat de collaboration.
Dans un arrêt en date du 31 janvier 2024, la Cour d’appel de Colmar a notamment précisé que :
« un contrat de remplacement doit nécessairement être conclu pour une durée déterminée, définie par l’indisponibilité du professionnel remplacé, cette clause de durée constituant une clause essentielle du contrat au regard de sa nature et de son objet, alors qu’en l’espèce non seulement le contrat litigieux est conclu à durée indéterminée, sans aucune mention de l’infirmier remplacé, avec, en outre, une clause de garantie de 10 jours de travail minimum par mois stipulée indépendamment de toute nécessité de remplacement, ce dont il se déduit que Mme [S] n’avait pas vocation à remplacer ponctuellement un membre du cabinet, mais à collaborer de manière récurrente à l’activité libérale de celui-ci.
Dans ces conditions, c’est à bon droit que le premier juge a procédé à une requalification du contrat litigieux, en contrat de collaboration dont la validité n’est, comme également rappelé par le juge de première instance, pas mise en cause ». ( CA Colmar, ch. 1 a, 31 janv. 2024, n° 22/02122).
Par ailleurs, la convention nationale prévoit:
« L’infirmier remplacé vérifie que l’infirmier remplaçant remplit bien toutes les conditions nécessaires à l’exercice du remplacement dans le cadre de la présente convention. Il s’engage à porter à la connaissance de son remplaçant les dispositions de la présente convention et à l’informer des droits et obligations qui s’imposent à lui dans ce cadre » (article 11 de la convention en vigueur au 30 mars 2024).
Ceci est régulièrement rappelé dans le cadre des indus notifiés par les CPAM.
Exemples de la notification d’un indu en l’absence d’autorisation de remplacement :
« Par ailleurs, la convention prévoit expressément qu’il appartient à l’infirmière remplacée de vérifier que l’infirmière remplaçante remplit bien les conditions nécessaires à l’exercice du remplacement dans le cadre de la présente convention. Dès lors, la caisse est bien-fondée à faire grief à madame [A] de l’absence d’autorisation de remplacement de madame [J].
Dès lors, en l’absence de respect des dispositions de la convention, l’indu de 28 832,68 € est bien-fondé ». (Cour d’appel de Nancy, Chambre sociale 1re section, 27 juin 2023, n° 23/00196).
Autre exemple:
« Monsieur [O] a fait appel à madame [H] pour le remplacer, notamment du 13 mai 2018 au 21 août 2018.
Pendant cette période, il est établi que madame [H] ne disposait pas de l’autorisation de remplacement prévu à l l’article 5.2.3 de la convention susvisée, l’autorisation obtenue le 22 août 2018 n’ayant pas d’effet rétroactif au jour de sa demande.
Dès lors, les actes exécutés par madame [H] sur la période litigieuse l’ont été en contravention avec les dispositions de la convention et dès lors aux règles de facturation.
En sa qualité d’infirmier remplacé, monsieur [O] était tenu de vérifier que sa remplaçante remplissait les conditions nécessaires à l’exercice du remplacement pendant toute la durée du remplacement, les dispositions de l’article L6315-1 du code de la santé publique relatives à la continuité des soins assurée par les médecins, étant sans emport en l’espèce.
Alors qu’il a admis ne pas ignorer l’absence de renouvellement de l’autorisation de remplacement de madame [H] au 13 mai 2018, il a néanmoins poursuivi l’exécution du contrat de remplacement conclu avec elle, et a facturé les actes réalisés par madame [H].
La caisse ayant réglé à monsieur [O] lesdits actes effectués pendant la période litigieuse, elle est bien-fondée à lui en réclamer le remboursement »..(Cour d’appel de Nancy, Chambre sociale, 26 avril 2022, 21/01731)
Exemple de notification d’un indu en cas de recours à un contrat de remplacement à tort :
« un infirmier libéral n’a pas le droit au paiement des actes réalisés par son remplaçant dans l’hypothèse où ils exercent leur activité concomitamment. Les sommes indûment facturées à ce titre ont le caractère d’abus d’honoraires, justifiant leur remboursement alors même que les actes ont été effectivement réalisés ». ( Ordre des infirmiers de Provence-Alpes-Côte d’Azur et Corse Chambre disciplinaire de première instance Section des assurances sociales , CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE-MALADIE DES BOUCHES-DU-RHONE c. Mme O. , N° SAS-2022-003 , 1er mars 2023).
En tant qu’infirmiers, il est donc vivement conseillé de respecter les règles de zonage.
Conclusion :
Les règles de zonage sont un élément clé pour garantir une répartition équitable des soins infirmiers sur le territoire. Elles représentent à la fois un défi et une opportunité pour les infirmiers libéraux, qui doivent naviguer dans ce cadre réglementaire pour optimiser leur installation et leur pratique professionnelle. En tant que futur infirmier libéral, il est crucial de se renseigner sur ces règles afin de faire des choix éclairés pour votre carrière.
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Vous envisagez de vous installer en tant qu’infirmier libéral ? Prenez le temps de vous informer sur les zones de votre région et les aides disponibles pour faire le choix le plus adapté à vos aspirations professionnelles et aux besoins des patients. Il est vivement conseillé de se renseigner, notamment afin d’être en règle vis-à-vis de vos obligations déontologiques.
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