Liberté de céder le bail à construction
Le locataire (ou "preneur") à bail à construction a le droit de céder ce bail (Code de la construction, article L251-3). Cette disposition est d'ordre public (Code de la construction, article L251-8).
Nullité des clauses restreignant la faculté de céder le bail à construction
La Cour de cassation a déjà jugé que la clause restreignant la faculté pour le preneur de céder le bail à construction est nulle est sans effet. Il était question en l'espèce d'une clause subordonnant la faculté de céder le bail à construction à l'agrément du cessionnaire par le bailleur :
"la cour d'appel a retenu, à bon droit, que, le bail à construction conférant au preneur un droit réel immobilier, la clause soumettant la cession à l'agrément du bailleur, qui constitue une restriction au droit de céder du preneur contraire à la liberté de cession, est nulle et de nul effet" (Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 24 septembre 2014, 13-22.357, Publié au bulletin).
Cependant, la faculté de céder peut indirectement être restreinte par d'autres clauses, par exemple en imposant l'activité pouvant être exercée dans les constructions, ce qui n'est pas contraire à l'ordre public :
"attendu qu'ayant énoncé à bon droit que s'agissant des droits et obligations des parties, les articles L. 251-1 à L. 251-9 du Code de la construction et de l'habitation, relatifs au bail à construction, opèrent une distinction entre les dispositions supplétives de la volonté des parties et celles qui, déclarées d'ordre public, s'imposent aux parties nonobstant toute stipulation contraire, la cour d'appel, qui a exactement retenu qu'à l'exception des dispositions visées par l'article L. 251-8, les parties conservaient entière leur liberté contractuelle et pouvaient, dans le silence de la loi, insérer une clause imposant des restrictions à l'activité du preneur, a pu en déduire que la commune de Marseille, qui n'avait fait qu'appliquer la convention en opposant un refus au changement d'activité du preneur, n'avait commis aucune faute contractuelle ;" (Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 7 avril 2004, 02-16.283, Publié au bulletin).
Quid de la clause de non-concurrence dans un bail à construction ?
C'est la question qu'a eu à trancher la Cour d'appel de Versailles. Dans cette affaire, le bailleur s'opposait à la cession du bail à construction à un nouveau preneur qu'elle n'avait pas agréé, la cession ayant été prononcée par le Tribunal de Commerce dans le cadre d'une procédure de liquidation judiciaire concernant le preneur initial.
Reprenant la jurisprudence classique de la Cour de cassation concernant la clause d'agrément, la Cour d'appel de Versailles la transpose à la clause de non-concurrence :
"Il résulte de ces textes et principes que le bail à construction en cause est librement cessible, de sorte qu'aucune de ses clauses ne permettrait à la société Immobilière Carrefour, bailleresse, de s'opposer à la cession envisagée.
Au reste, comme le fait valoir la cessionnaire à juste titre, la clause de non-concurrence stipulée au bail interdisant au preneur et à ses locataires toute activité de vente alimentaire ne prévoit pas d'agrément du bailleur ; il n'est pas démontré que la cessionnaire envisage une autre activité que celle de vente de préparations alimentaires telles que des sandwichs, qui n'est pas de nature à contrevenir à cette interdiction ; de surcroît, la société Immobilière Carrefour, qui a, selon son extrait K bis, pour activité l'administration et la gestion d'immeubles, n'explique pas en quoi l'activité de la cessionnaire pourrait lui faire concurrence.
L'ordonnance entreprise n'avait pas à reproduire cette clause, encore moins celle de solidarité inversée, l'obligation du cessionnaire envers le bailleur découlant des dispositions de l'article L. 251-3 précité." (Cour d'appel de Versailles, 19 novembre 2024, RG n° 23/06708).
La Cour d'appel affirme en conséquence qu'aucun clause du bail à construction ne peut permettre eu bailleur de s'opposer à une cession.
Elle ajoute qu'en tout état de cause, la clause de non-concurrence ne prévoit pas d'agrément et ne serait pas violée au vu de l'activité envisagée par le cessionnaire du bail à construction.
Cette analyse paraît cependant discutable, puisque la Cour de cassation légitime les restrictions apportées aux activités pouvant être exercées, ce qui est l'effet d'une clause de non-concurrence.
La Cour aurait été plus fidèle à la Cour de cassation en retenant plutôt que la clause de non-concurrence ne pouvait s'opposer à la cession et qu'il appartenait au bailleur de sanctionner une éventuelle violation selon les voies de droit usuelles, sans aller jusqu'à analyser la clause.
Il n'est toutefois pas exclu qu'il s'agisse d'une infléxion et que la Cour de cassation évolue à son tour pour sanctionner ces clauses de nullité eu égard à leurs effets plutôt qu'à leur objet.
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Goulven Le Ny, avocat au Barreau de Nantes
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