Bail emphytéotique ou bail emphytéotique administratif ?

Le bail emphytéotique est en principe un contrat de droit privé, relevant du Code rural (Code rural et de la pêche maritime, articles L451-1 à L451-13).

Ce régime a été adapté pour créer le bail emphytéotique administratif, relevant du Code général des collectivités territoriales (Code général des collectivites territoriales, articles L1311-2 à L1311-4), le législateur ayant adapté le bail emphytéotique au régime du contrat administratif :

  • La cession du droit réel n’est plus libre, mais nécessite l’agrément du bailleur.
  • Le droit réel ne peut être hypothéqué que pour la garantie des emprunts en financement de l’ouvrage situé sur le bien loué.
  • Les litiges relatifs à ces baux sont de la compétence du juge administratif, étant précisé que l'administrativité du contrat entraîne également l'application de principes jurisprudentiels bien connus, notamment la résiliation même sans texte pour motif d'intérêt général ou la modification unilatérale dans l'intérêt général.
  • Le financement par crédit-bail n’est licite que si le contrat de crédit-bail comporte des clauses permettant de préserve les exigences du service public.

Se pose alors la question de la qualification, qui a récemment été précisée par la Cour de cassation (Voir sur le blog : Le bail emphytéotique conclu pour une opération HLM est un bail emphytéotique administratif), mais aussi du traitement des situations ambigües.

 

Bail emphytéotique, résilation pour motif d'intérêt général et clause résolutoire

Les tribunaux sont parfois amenés à traiter des situations d'ambiguïté. Dans une espèce, un Tribunal judiciaire a été saisi d'une affaire où la communauté de commune, bailleresse, avait résilié pour motif d'intérêt général. 

L'association locataire expliquait que selon elle, il était question d'un bail emphytéotique de droit privé et non d'un bail emphytéotique de droit administratif, si bien qu'il ne pouvait pas être résilié pour motif d'intérêt général.

La communauté de commune avait en effet adopté une posture peu cohérence en saisissant le Tribunal Judiciaire (compétent pour un bail emphytéotique) en lieu et place du juge administratif (compétent pour la résiliation pour motif d'intérêt général d'un bail emphytéotique administratif).

Le juge des référés du Tribunal Judiciaire va botter en touche, expliquant que sa compétence est limitée à constater l'acquisition de la clause résolutoire et qu'aucune clause du bail ne prévoyait la résiliation pour motif d'intérêt général :

"Néanmoins, les parties sont en désaccord sur la qualification du bail emphytéotique, l'association "BILLARD-CLUB BC 60 COCOBEN" maintenant qu'il s'agit d'un contrat de droit privé pour lequel la résiliation unilatérale pour motif d'intérêt général est impossible. Toutefois, le juge des référés est uniquement compétent pour constater la résiliation d'un bail en application d’une clause résolutoire et non pour apprécier les conditions permettant le prononcé de la résiliation. Aucune clause stipulée dans le bail emphytéotique permettant une résiliation n'a été appliquée par le bailleur, le juge des référés étant incompétent pour se prononcer sur une résiliation unilatérale pour motif d’intérêt général et en l'absence de toute décision judiciaire de résiliation du bail ou de résiliation amiable, l'occupation par l'association "BILLARD-CLUB BC 60 COCOBEN" ne saurait être qualifiée de "sans droit ni titre" en sorte que le trouble manifestement illicite allégué par la COMMUNAUTÉ DE COMMUNES DU CANTON D'ERSTEIN n'est pas caractérisé." (Tribunal judiciaire de Strasbourg, 12 décembre 2024, n°24/00399).

 

Sécuriser la résiliation du bail emphytéotique à la rédaction

Face à cette ordonnance du juge des référés, les rédacteurs pourraient être tentés d'insérer une clause résolutoire que le bailleur puisse saisir le juge des référés.

Cette solution n'en est pas une, puisque la clause résolutoire n'a pas sa place dans un bail emphytéotique : "il est de droit constant que ne peut être prononcée la résiliation d'un bail emphytéotique par application d'une clause résolutoire de plein droit. Dès lors, cette clause sera réputée non-écrite." (Cour d'appel de Bordeaux, 2 décembre 2024, n°22/05237 ; voir sur le blog : La clause de résiliation de plein droit insérée dans un bail emphytéotique est réputée non-écrite).

La précaution première est de procéder, en amont de la rédaction, à une analyse précise et circonstanciée de la qualification du contrat pour déterminer le cadre applicable et le rédiger en intégrant, ou non, les spécificités d'un bail emphytéotique administratif.

S'il s'agit d'un bail emphytéotique administratif, nul besoin de saisir le juge des référés judiciaires pour faire constater l'acquisition de la clause résolutoire.

 

Le cabinet est à votre écoute pour vous accompagner :

  • Dans la revue de titres d'occupation et de baux à droits réels tels les baux emphytéotiques ou à construction, et plus généralement dans la définition du montage juridique de votre opération afin de s'assurer de leur conformité et de leur efficacité au regard de l'évolution jurisprudentielle ;
  • Vous accompagner dans la rédaction, l'analyse ou la cession de vos baux emphytéotiques, commerciaux ou contrats de sous-location ;
  • Cartographier et mesurer les risques induits, ainsi que les mesures correctives à apporter s'agissant de contrat déjà conclus ;
  • Vous assister dans la résolution des litiges qui en découlent, le cas échéant.

Goulven Le Ny, avocat au Barreau de Nantes

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