Cass. 3e civ., 9 janvier 2025, n° 23-16.698 et n° 23-16.764 : https://lnkd.in/eYeTDPHF
En cas de perte de l'immeuble loué, lorsqu'un vice caché l'affectant est caractérisé et que le bailleur s'est abstenu de l'entretenir, le cas fortuit de l'article 1722 du Code civil exonérant le bailleur de son obligation de délivrance ne peut pas être retenu.
COMMENTAIRE
Le bailleur supporte les risques de perte de la chose en cours de bail puisqu'il est débiteur de l'obligation de délivrer le bien loué au preneur.
La responsabilité du bailleur envers le preneur n'est écartée que s'il est établi que la perte est due à un cas fortuit ou de force majeure ou à la faute du preneur (Civ. 1e, 15.11.1966).
L'article 1722 du Code civil dispose ainsi que si la chose louée est totalement perdue par cas fortuit pendant le bail, ce dernier est résilié de plein droit sans indemnité pour le preneur.
Une ancienne jurisprudence, favorable au bailleur, considère que l'extrême délabrement de l'immeuble loué qui empêche le locataire de jouir du bien équivaut à une perte par force majeure (Civ. 1e, 3.10.1961) : dans ce cas, le bailleur ne peut pas être sanctionné par des travaux réparatoires ordonnés en justice si ces travaux sont disproportionnés au regard de la valeur de l'immeuble (Civ. 3e, 3.6.1971).
En l'espèce, un hôtel restaurant, loué au moyen d'un bail commercial, s'est vu frappé par un arrêté municipal de fermeture. Un expert judiciaire a été saisi et a rapporté :
- que l'origine des désordres était principalement du à un défaut de conception structurelle du bâtiment construit à la fin du XIXe siècle consistant en l'absence de contreventements et de liaisons entre le mur de façade et les planchers entrainant un défaut de stabilité et exposant ses occupants à un grave danger, et
- que le bailleur n'avait pas entretenu le bâtiment le laissant se délabrer au fil des années.
L'expert estimait que le coût de réfection de l'immeuble s'élevait à 1.200.000 € alors que sa valeur vénale était de 320.000 €.
Mais la Cour de cassation a aussi jugé que le bailleur doit être débouté de sa demande de résiliation du bail pour perte de la chose louée au sens de 1722 lorsque la dégradation du bien est due à un défaut d'entretien imputable au bailleur, lequel ne peut dès lors prétendre que la remise en état est hors de proportion avec la valeur du bâtiment (Civ. 3e, 30.9.1998).
Dans le même sens, elle a jugé qu'un vice caché (ainsi de la fragilité structurelle de l'immeuble) affectant le bien loué ne saurait être assimilé à un cas de force majeure lequel a nécessairement une origine extérieure à la chose louée (Civ. 3e, 2.4.2003).
C'est dans cette veine que les juges du Quai de l'Horloge ont censuré ici les juges du fond qui avaient fait fi de ces deux arrêts interprétant l'article 1722 du Code civil pour violation de ce texte.
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