Une récente décision rendue par le tribunal administratif de Nice illustre l’engagement de la responsabilité d’une commune du fait d’une carence fautive du maire dans l’exercice de ses pouvoirs de police et de la lourde charge qui pèse sur les maires aujourd’hui.
Pour mémoire, le maire est chargé de la police municipale (article L2212-1 du CGCT). Elle a pour objet d’assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques (article L2212-2 du CGCT). Toute carence dans l’exercice des pouvoirs de police du maire engage la responsabilité de la commune.
En 2015, des intempéries ont touché la commune de Biot inondant plusieurs quartiers de la ville, dont un EHPAD et causant la mort de 3 résidentes par noyade. La petite fille d’une résidente, estimant la commune responsable de la mort de sa grand-mère, a engagé sa responsabilité devant le tribunal administratif de Nice. Elle sollicitait le versement d’une somme de 140 000 euros en indemnisation des préjudices subis par la défunte et elle-même.
Le tribunal administratif a fait partiellement droit à sa demande en condamnant la commune à verser :
- 20 000€ aux héritiers de la victime au titre du préjudice d’angoisse de mort que la résidente a subi au moment de son décès correspond aux souffrances morales endurées par une personne prenant conscience de sa mort imminente par noyade
- 5 000 euros à la petite-fille de la victime au titre du préjudice moral
- 3 000 euros au conjoint de la petite-fille au titre du préjudice moral
- 3 000 euros aux deux arrière-petites-filles de la victime au titre du préjudice moral
Pour retenir la responsabilité de la commune, le tribunal a pris en compte l’expérience politique de Madame le maire au regard du nombre d’années durant lesquelles elle a été élue, que ce soit en tant que conseillère municipale, adjointe au maire ou maire ainsi que l’existence d’un PPRI :
« la maire de Biot, élue depuis 2014 mais également élue municipale depuis de nombreuses années jusqu’à être adjointe au maire entre 2006 et 2008, ne pouvait ignorer le risque auquel était soumis à sa commune et devait avoir connaissance de l’existence d’un tel plan communal de sauvegarde, obligatoire pour les communes identifiées par un plan de prévention des risques d’inondation » or, « il résulte de l’instruction et n’est pas contesté par la commune de Biot qu’aucune alerte à l’EHPAD Le Clos Saint-Grégoire ne sera faite au cours de la journée et que ce n'est qu'à 21h30 que la maire déclenchera le plan communal de sauvegarde et réunira la cellule de crise »
Sauf que c’est précisément aux alentours de 21h30 qu’une vague est entrée dans la maison de retraite, inondant le rez-de chaussée et causant la mort de la résidente.
Le tribunal administratif de Nice estime ainsi que « dans ces conditions, alors que la maire de Biot disposait des informations lui permettant d’évaluer et de mettre en œuvre des mesures de prévention et de sécurité adaptées aux circonstances, notamment en alertant la maison de retraite du Clos Saint Grégoire conformément aux préconisations du PCS de la commune, la maire de Biot a commis une faute de nature à engager la responsabilité de la commune en s'abstenant de prendre les dispositions nécessaires pour assurer la sécurité des usagers de cet établissement en méconnaissance des pouvoirs de police lui incombant ».
Le constat est sévère s’agissant du lieu de causalité : « la faute de la maire de Biot, qui s’est abstenue de prendre les dispositions nécessaires pour assurer la sécurité des résidents de cet établissement, a fait perdre une chance sérieuse à Mme C. de ne pas être victime de cette inondation ».
Si en défense, la commune soulevait qu’elle devait être exonérée de toute responsabilité arguant que les événements météorologiques représentaient un cas de force majeure, le juge administratif n’a pas été du même avis jugeant que les inondations avaient certes été exceptionnelles au regard de leur ampleur mais n’étaient « ni imprévisibles, au regard de l’alerte qui avait été diffusée à la maire de la commune, reçue par elle dès 12h46, et indiquant notamment que les précipitations seraient par moment fortes en fin d’après-midi et en soirée, que des lames d’eau étaient prévues assez fréquemment entre 60 et 100 mm et localement de l’ordre de 100 à 150 mm et qu’il lui appartenait de prendre les mesures qui s’imposent en pareille situation, ni irrésistibles compte tenu de l'existence de mesures de protection susceptibles d'être prises pour réduire le risque d'inondation et ses conséquences, notamment pour les résidents de l’EHPAD Le Clos Saint-Grégoire ».
La décision a été publiée sur le site du tribunal administratif de Nice : TA de Nice 15 janvier 2025, n°2001668
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