La jurisprudence a admis que les salariés licenciés pour motif économique pouvaient engager une action en responsabilité extracontractuelle à l’encontre de tiers aux fins d’obtenir la réparation de leurs préjudices résultant de la perte de leur emploi.
Depuis un arrêt du 28 septembre 2010, la Cour de cassation a considéré que les salariés pouvaient agir contre un tiers sur le fondement de la responsabilité extracontractuelle lorsque celui-ci a contribué à la dégradation de la situation économique de l’employeur entraînant ainsi leur licenciement (Cass. soc., 28 sept. 2010, n° 09-41.243).
La Haute juridiction a confirmé cette solution dans une affaire où la société mère du Groupe avait, d’une part, privé l’employeur de moyens de financement du PSE faisant perdre une chance aux salariés de bénéficier de mesures susceptibles de favoriser leur reclassement et d’autre part, « avait pris des décisions dommageables pour la société X..., qui avaient aggravé la situation économique difficile de celle-ci » (Cass. soc., 8 juil. 2014, n° 13-15.845 et n°13-15.573 - voir Cass. soc., 13 juin 2018, n° 16-25.873 à 16-25.883).
Cette action est admise en dehors d’une situation de coemploi (Cass. soc., 24 mai 2018, n° 16-22.881 à 16-22.908).
Cette action de droit commun est donc de la compétence du Tribunal judiciaire si la contestation ne naît pas de la procédure collective.
Dans ce dernier cas, l’action sera portée devant le Tribunal de commerce par le biais des organes de la procédure à laquelle les salariés pourront intervenir volontairement (Cass. soc., 13 juin 2018, n° 16-25.873).
Récemment, la Haute juridiction a eu l’occasion de compléter sa jurisprudence.
Selon la Cour, si les salariés obtiennent une indemnité qui répare le préjudice de la perte d’emploi, ils ne peuvent pas engager une action en responsabilité délictuelle à l’encontre d’un tiers au titre du même préjudice (Cass. soc. 27-1-2021 n° 18-23.535).
En effet, une société avait pris le contrôle d’une autre société au moyen d’un montage financier (LBO).
La société contrôlée avait fait l’objet de l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire.
Certains salariés avaient été licenciés pour motif économique et ont obtenu une indemnité de licenciement et une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse afin de réparer le préjudice lié à la perte de leur emploi et à la perte de chance d’un retour à l’emploi.
Parallèlement, les commissaires à l'exécution du plan de la société en redressement ont mis en oeuvre une action en responsabilité délictuelle à l’encontre d’une banque pour octroi de crédits ruineux.
Les salariés licenciés sont intervenus volontairement à ladite instance afin d’obtenir la réparation de leurs différents préjudices liés à la perte de leur emploi et à la perte de chance d’un retour à l’emploi.
La Cour d’appel de Paris, approuvée par la Cour de cassation, a débouté les salariés de leurs demandes au motif que leurs préjudices avaient déjà été réparés par le versement d’une indemnité de licenciement et d’une indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Ils ne pouvaient donc pas être indemnisés deux fois pour le même préjudice.
Cet arrêt témoigne de l’exigence d’identifier un préjudice distinct de celui de la perte de l’emploi sous peine de voir le salarié débouté de ses demandes à l’encontre du tiers.
En conclusions, le salarié peut soit soutenir l’existence d’une situation de coemploi résultant de la compétence du Conseil de prud’hommes soit engager une action en responsabilité délictuelle contre le tiers.
Dans cette seconde hypothèse, s’il a déjà obtenu une indemnité de licenciement et une indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, il devra veiller à identifier un préjudice spécifique.
Pas de contribution, soyez le premier