TRANSMETTRE

 

  • Gaz. Pal. 21 mai 2024, n° GPL463r0, p. 1

 

« l’esprit n’est pas un vase qu’il ne faille que remplir. A la façon du bois, il a besoin d’un aliment qui l’échauffe, qui fait naître en lui une impulsion inventive. » Plutarque.

 

Ne savons-nous plus faire de la transmission de notre métier un feu qu’on allume pour que les cabinets aujourd’hui peinent à recruter des collaborateurs ?

 

Le CNB a effectué une enquête recrutement et emploi des avocats en 2023 précisant que seulement 23% des cabinets recrutant n’avaient pas subi de difficultés à trouver un collaborateur. 18% n’avaient pas réussi à recruter.

 

La Conférence des Bâtonniers a déposé le 06 octobre 2023 un rapport de réflexion sur le contrat de collaboration et l’implantation géographique des avocats faisant un constat de crise et de véritables « déserts de la collaboration ». Cette situation se retrouve quelle que soit la taille des cabinets et des barreaux.

 

Bien sûr, cette pénurie s’explique tout d’abord par une critique des conditions d’exercice que subissent trop souvent encore nos confrères collaborateurs. Il reste un lourd travail à faire dans notre profession. Ensuite, la nouvelle génération d’avocats ne souhaite plus aujourd’hui sacrifier sa vie privée au bénéfice de sa carrière professionnelle. L’équilibre entre les deux est un facteur de choix désormais aussi important que le facteur pécuniaire.

 

Mais pour autant, même lorsque les conditions pécuniaires, le souci de l’équilibre avec la vie privée (télétravail, droit à la déconnexion…) et des conditions d’exercice respectueuses sont proposées, le jeune avocat préfère souvent l’indépendance de l’installation à la collaboration.

 

Les jeunes avocats mettent en critères primordiaux pour le choix d’une collaboration : la rémunération, l’organisation du travail, les domaines pratiqués ET la capacité à se former et à apprendre.

 

En effet, la collaboration n’est pas qu’un partage de tâches contre versement d’une rétrocession d’honoraires. La collaboration doit se vivre aussi comme une transmission d’un savoir-faire et d’un savoir tout court.

Pourquoi cette transmission de l’expérience n’est plus valorisée alors même que paradoxalement les étudiants et élèves avocats réclament des formations plus pratiques ?

 

Est-ce d’avoir oublié que les étudiants puis les jeunes avocats ne sont pas des vases qu’on remplit mais des feux qu’on allume ? (Toujours Plutarque et non Johnny Hallyday) 

 

L’attractivité de la collaboration doit se faire en réinvestissant le terrain de la formation.

Promouvoir la plus-value des cabinets, dans la formation initiale, dès l’université, par des rencontres, des stages, de l’alternance. Parallèlement, au sein des cabinets, s’investir auprès des collaborateurs pour leur offrir une formation solide. Les associer à la gestion du cabinet notamment en tant qu’entreprise. Les considérer. Être dans la transmission du savoir-faire et du savoir-être, au-delà de la gestion de l’urgence et de l’agenda.

 

Il suffirait alors d’une étincelle pour voir grandir la flamme.