Pour paraphraser Alain, si nous devons penser au bonheur d’autrui, nous ne pouvons bien le faire qu’en essayant d’abord d’être nous-mêmes heureux.

 

Pour la profession d’avocat dont l’objet même est d’aider autrui, cette maxime semble pourtant mal appliquée.

 

La commission « Prospective et innovation » a remis ses conclusions « bien être avocat et bien-être de l’avocat : vers un nouveau paradigme » lors de l’assemblée générale du CNB des 7 et 8 décembre 2023.

 

Si le nombre d’avocats continue à croître en France, nous dit la commission, c’est à un rythme déclinant et surtout avec un triplement du nombre d’avocats de plus de dix ans d’exercice décidant de quitter la profession.

Or ce n’est pas le facteur économique qui en est la cause principale mais bel et bien un mal-être des avocats.

L’augmentation du rythme et de l’intensité du travail, une responsabilité professionnelle de plus en plus mise en cause, une absence de droit à la déconnexion, la faible protection sociale et des équilibres financiers toujours plus difficiles à trouver nous poussent à un stress inquiétant.

 

De manière paradoxale, les outils numériques et de communication qui devaient alléger notre charge de travail et nous libérer du temps pour la réflexion juridique, notre cœur de métier et pour notre vie personnelle, ont créé une nouvelle source d’épuisement.

 

La surcharge d’informations s’ajoute à la surcharge de travail.

 

Qui n’a pas reçu son SMS du dimanche pour vérifier le message whatsapp du samedi 23h pour confirmer l’email de 22h59 ? Qui n’a pas attendu cette semaine devant son ordinateur que le RPVA se débloque enfin ou que le site de l’INPI soit accessible ? Ainsi nous continuons à courir de plus en plus contre le temps dont nous manquons pour tout faire.

 

Mais nous ne trouvons plus normal de sacrifier notre vie personnelle sur l’autel du cabinet. La génération des millenials et la féminisation de notre profession avec ses conséquences sur la parentalité sont passées par là.

 

C’est pourquoi le CNB a voté la résolution de mettre le bien-être dans l’exercice comme priorité de la profession.

Le CNB et les Ordres doivent mettre en place des actions collectives.  

 

En attendant, que faire à titre individuel ?

 

Le RIN prévoit pour les avocats collaborateurs un principe de délicatesse dans l’usage des outils numériques.

 

Nous devrions nous l’appliquer à tous : collaborateurs, associés et individuels.

 

Imposons à nos clients et partenaires un délai raisonnable de réponse. Sachons distinguer entre l’urgent et l’important. Désactivons les notifications. Privilégions les envois différés en dehors des horaires d’ouverture des cabinets. Réfléchissons aux canaux de communication à choisir selon la situation. Séparons notre vie numérique personnelle de notre vie numérique professionnelle. Rétablissons des barrières spatiales et temporelles entre travail et hors travail. Mettons des messages d’absence !

 

Histoire de déjeuner en paix même si les nouvelles sont mauvaises d’où qu’elles viennent.

 

Sophie CHALLAN BELVAL