Un arrêt rendu le 31 mars 2011 par la Cour de cassation vient préciser l’un des trois critères posé par la loi pour qu’un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à réparation au titre de la solidarité nationale.

L’article L.1142-1. II du code de la santé publique dispose que :

« Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire ou de la durée de l'incapacité temporaire de travail »

Pour que l’ONIAM indemnise, l’accident médical, l’affection iatrogène ou l’infection nosocomiale doit donc :

  1. d’une part, être directement imputable à un acte de prévention, de diagnostic ou de soins,
  2. d’autre part, être d’une gravité suffisante notamment au regard des pertes de capacités fonctionnelles et psychiques,
  3.  enfin, avoir eu des conséquences anormales au regard de l’état de santé du patient comme de son évolution prévisible.

C’est sur ce dernier point que la Cour de cassation vient préciser les conditions d’indemnisation de l’ONIAM dans l’arrêt du 31 mars.

En l’espèce, un patient avait subi une opération chirurgicale et était décédé des suites de complications hémorragiques liées à cette intervention.

Ses ayant droits ont déposé une demande d'indemnisation auprès de l'ONIAM, qui a refusé d’intervenir, de sorte qu’une action judiciaire a été engagée.

La Cour d'appel de Paris les a déboutés de leur demande, en considérant que « compte-tenu de ses antécédents vasculaires connus, et même si ces derniers ont seulement contribué à la réalisation du dommage, (le patient) était particulièrement exposé à la complication hémorragique survenue dont les conséquences, si préjudiciables soient-elles, ne sont pas anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci ».

La Haute juridiction approuve ce raisonnement et rejette le pourvoi après avoir indiqué : « qu'ayant constaté que, selon les experts, compte tenu de ses antécédents vasculaires, Christian C. était particulièrement exposé à la complication hémorragique survenue dont les conséquences, si préjudiciables fussent-elles, n'étaient pas anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, en a exactement déduit que l'indemnisation du dommage subi par le patient ne relevait pas de la solidarité nationale ; d'où il suit que ces griefs ne sont pas fondé ».

Ainsi, dès lors que le préjudice subi par le patient n’est pas anormal au regard de son état antérieur, son indemnisation ne relève pas de la solidarité nationale.

Au soutien de leur recours, les demandeurs au pourvoi avaient tenté de faire valoir le fait que le dommage directement imputable à l’acte de soins n’était pas en relation causale, certaine et directe avec l’état de santé initial du patient.

Ils s’appuyaient en cela sur les rapports des experts, lesquels n’avaient pas conclu en l’existence d’une causalité certaine entre les antécédents vasculaires connus du patient et la complication hémorragique postopératoire.

La Haute Cour ne les a cependant pas suivis dans leur raisonnement.

Elle a préféré considérer que « l’exposition particulière » du patient aux complications hémorragiques, compte tenu de ses antécédents médicaux, suffisait en quelque sorte à expliquer les conséquences du dommage et qu’il n’était donc nul besoin de caractériser avec certitude le lien de causalité médical entre l’état antérieur du patient et le dommage subi.

Il s’agit là d’une interprétation particulièrement restrictive des textes qui va sans nul doute réduire un peu plus le champ d’indemnisation de l’ONIAM, au détriment des patients victimes d’accident médical, d’affection iatrogène ou d’infection nosocomiale.