La Loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice prévoit de confier la mise en œuvre de la procédure de saisie des rémunérations, sous le contrôle du juge de l’exécution, aux commissaires de justice.

Plus précisément, le texte prévoit que tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible pourra, un mois après la signification d’un commandement, saisir entre les mains d’un employeur les sommes dues à son débiteur à titre de rémunération mentionnées à l’article L. 3252-1 du code du travail.

Le commandement sera inscrit sur un registre numérique de saisie des rémunérations, ce qui permettra ainsi à tout autre créancier d’en être informé et de se joindre aux opérations de saisie par voie d’intervention.

Si l’absence de consultation préalable du Conseil National des Barreaux par la chancellerie est fortement regrettable, faut-il pour autant, comme le fait le CNB, parler de déjudiciarisation ?

Depuis quelques années,   la Chancellerie veut renforcer l’efficacité de la saisie des rémunérations.

Un premier pas avait déjà été franchi avec la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 en transférant la compétence en matière de cession et saisie des rémunérations du juge d’instance au juge de l’exécution du tribunal judiciaire.

Désormais, l’objectif de la chancellerie est de faire en sorte que la saisie des rémunérations devienne une saisie «  classique », en rejoignant le droit commun des mesures d’exécutions mobilières et en ne réservant l’intervention du juge qu’en cas de contestation du débiteur.

Ainsi, l’affirmation selon laquelle la procédure de saisie des rémunérations va être « déjudiciarisée » est partiellement erronée dès lors que le juge pourra toujours (et heureusement !) être saisi en cas de contestation.

Cependant, cette réforme pose un sérieux problème au regard des difficultés croissantes et inégalités d’accès à la justice, voire d’impossibilité pour les plus démunis.

De surcroît, le texte prévoit que la contestation ne suspend pas la procédure de saisie des rémunérations, sauf lorsqu’elle est formée dans le mois suivant la signification du commandement, ce qui complexifie encore un peu plus l’accès au juge.

Ne fallait-il pas, au regard de la spécificité de cette procédure, qui touche à « l’intimité financière » du débiteur à savoir son salaire, préserver le contrôle préalable du juge, quitte a donner des moyens humains et financiers plus conséquents pour renforcer la fluidité  et l’efficacité de la saisie des rémunérations ?

Car  l’autre objectif non avoué poursuivi par cette réforme est bien évidemment (et toujours !) la réduction des coûts,  en déchargeant le juge et son greffier de la « gestion » de la procédure de saisie des rémunérations en amont mais également en aval, puisqu’ils ne seront plus en charge du suivi des répartitions.

Ce processus est en cela comparable à celui qu’a connu il y a quelques années la procédure de distribution en matière de saisie immobilière, puisque celle-ci est désormais gérée non plus par le juge des ordres mais par l’avocat du créancier poursuivant, sous le contrôle du JEXI en cas de contestation.

 

Mais le praticien que je suis depuis de nombreuses années peut affirmer que les contestations des projets distribution de saisies immobilières ne sont pas légions, pour ne pas dire quasi inexistantes.

Cela peut donner un aperçu de ce que sera peut-être dans quelques années et après l’adoption de cette réforme, la procédure de saisie des rémunérations….ou pas !

Car encore une fois, la saisie des rémunérations touche à « l’intimité financière » et le salaire est, très souvent la seule source de revenus de débiteur de sorte que l’on peut aussi s’attendre à ce que ces derniers réagissent et saisissent le juge de l’exécution.

Florent BACLE

Avocat au Barreau de Poitiers

Spécialiste en Droit des garanties, des sûretés et des mesures d'exécution, 

Qualification spécifique "Vente et saisie immobilière"