Depuis la loi du 17 juin 2008 et l’arrêt rendu le 28 novembre 2012 par la Cour de cassation (Cass. 1re civ., 28 nov. 2012, n° 11-26.508), on sait que l’action du prêteur immobilier contre l'emprunteur défaillant se prescrit par deux ans, en application de l’article L.137-2 du code de la consommation.

Cependant, l'article L.137-2 du Code de la Consommation ne détermine pas le point de départ de cette prescription…

L'article L.137-1 du même code exclut l'application des dispositions du régime général de la prescription relatives à l'aménagement conventionnel de la prescription (article 2254 alinéa 1er du Code Civil), en ce qui concerne la durée de la prescription et les causes de suspension ou d'interruption de celle-ci.

Cependant, l'article L.137-1 ne régit toujours pas le point de départ du délai de prescription…

Les dispositions générales régissant spécialement le point de départ du délai de prescription (articles 2225 à 2227 du code civil) sont inapplicables au contrat de prêt immobilier.

L'article 2224 du même code pose la règle générale selon laquelle les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Et l'article L.137-2 du Code de la Consommation déroge à la règle générale posée par l'article 2224 du Code Civil uniquement en ce qui concerne la durée du délai de prescription.

Dans ces conditions, quel est le point de départ du délai de prescription de l’article L.137-2 du code de la consommation ?

S’agit-il, comme en matière de crédit à la consommation, du premier impayé non régularisé ?

S’agit-il de la déchéance du terme ?

Ou bien peut-on considérer que, lorsqu’une dette est payable par termes successifs comme c’est le cas pour un prêt immobilier qui se rembourse par fractions à échéances périodiques, la prescription se divise comme la dette et court contre chacune de ses parties à compter de son échéance ?

C’est en ce sens que la Cour de cassation a statué dans un arrêt rendu le 28 juin 2012 sur le fondement des dispositions de l’article 2233 du code civil.

Attendu que pour rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la créance du Crédit immobilier, la cour d'appel, après avoir retenu que le prêt litigieux n'est pas un contrat à exécution successive mais un contrat instantané puisque la totalité des fonds a été libérée, que les échéances de remboursement du prêt s'échelonnaient en l'espèce du1er janvier 1990 au 1er octobre 2007 et que la déchéance du terme n'était pas intervenue avant la dernière échéance, a énoncé que c'est à compter de cette échéance, soit le1er octobre 2007, que la prescription a commencé à courir, de sorte que lors de la délivrance du commandement de payer aucune prescription, qu'elle soit décennale ou quinquennale, n'était acquise ;

Attendu qu'en statuant ainsi alors qu'à l'égard d'une dette payable par termes successifs, la prescription se divise comme la dette elle-même et court à l'égard de chacune de ses fractions à compter de son échéance, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

La Haute Cour s’est fondé sur les dispositions de l’article 2233 du code civil dans sa rédaction issue de la loi n°2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile selon lesquelles :

La prescription ne court pas :

1. A l'égard d'une créance qui dépend d'une condition, jusqu'à ce que la condition arrive ;

2. A l'égard d'une action en garantie, jusqu'à ce que l'éviction ait lieu ;

3. A l'égard d'une créance à terme, jusqu'à ce que ce terme soit arrivé.

 

Par un arrêt très récent du 7 janvier 2014 (RG n°13/02189), la Cour d’Appel de Poitiers a adopté ce même raisonnement.

En l’espèce, la banque avait fait délivrer un commandement de payer valant saisie immobilière par acte du 25 mai 2010.

En application de l’article 2244 du code civil, la Cour estime que le délai biennal de prescription a été interrompu par la délivrance de ce commandement à cette date et que la créance de la banque est éteinte par prescription, en vertu de l’article 1234 premier et dernier alinéa du même code, en ce qui concerne les mensualités échues avant le 25 mai 2010.

En revanche, la créance afférente aux mensualités échues à partir du 25 mai 2010 et le capital restant dû après déchéance du terme n’était pas prescrit au jour de la délivrance du commandement.

La Cour a donc déclaré valable le commandement de payer valant saisie immobilière tout en limitant le montant de la créance de la banque aux échéances échues postérieurement à la délivrance du commandement ainsi qu’au capital restant dû après déchéance du terme.