L’article L.341-4 du code de la consommation dispose qu’ »un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ».
Cette disposition est invoquée de manière quasi systématique par les cautions lorsqu’à la suite de la défaillance de l’emprunteur principal, elles sont appelées par les créanciers en remboursement du prêt.
Il en résulte que l’appréciation de la disproportion peut s’effectuer à deux moments précis:
- Soit au moment de la conclusion de la sureté, c’est-à-dire, lors de la signature de l’acte de cautionnement,
- Soit lorsque la caution est appelée, c’est-à-dire, dans le cadre de l’exécution de l’engagement de cautionnement, lorsque le débiteur principal n’a pu satisfaire à ses engagements compte tenu de l’existence d’une disproportion manifeste.
Mais qui doit rapporter la preuve du caractère disproportionné de l’engagement de caution ?
Le texte restant silencieux sur ce point, les tribunaux et la Cour de cassation ont dû y remédier.
Depuis longtemps maintenant, la Cour régulatrice estime qu’il appartient à la caution qui oppose au créancier le caractère disproportionné de son engagement de le prouver (Cass. 1re civ., 7 avr. 1999, n° 97-12.828 : JurisData n° 1999-001539).
Cela peut paraitre quelque peu étonnant dès lors qu’avant d’accorder son concours à son client, la banque s’est nécessairement enquise de sa situation personnelle et patrimoniale de la caution, afin de limiter le risque dans l’hypothèse d’une défaillance de l’emprunteur principal.
Quoi qu’il en soit, la position de la Cour de cassation reste constante sur ce point.
Elle a eu l’occasion de la rappeler à plusieurs reprises (Cass. com., 31 janvier 2012, n˚ 10-27.651, Cass. com., 22 janvier 2013, n˚ 11-25.377)
La Haute juridiction ne fait d’ailleurs qu’appliquer à la lettre les dispositions de l’article 1315 du code civil selon lesquelles : Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation » en l’espèce, l’existence d’une disproportion manifeste.
C’est le débiteur qui allègue la disproportion, donc c’est à lui de rapporter la preuve de celle-ci.
Quid de la charge de la preuve, s’agissant du deuxième temps d’appréciation de la disproportion, c’est-à-dire une fois que le cautionnement est considéré comme manifestement disproportionné à la date à laquelle il a été conclu ?
La Cour de cassation applique là encore les règles de l’article 1315 du code civil, et inverse donc ici la charge de la preuve.
Elle estime que dès lors que c’est au créancier professionnel d’invoquer l’absence de toute disproportion manifeste au moment où la caution est appelée, c’est donc à lui de rapporter la preuve de cette absence de disproportion, et de prouver que le patrimoine de la caution lui permet de faire face à son obligation.
Il s’agit en conséquence de rapporter la preuve d’un fait négatif, ce qui n’est pas toujours chose aisée…
Il aurait été plus simple selon l’auteur d’exiger de la caution qu’elle rapporte elle-même la preuve de son impécuniosité, notamment par la production de son avis d’imposition, démontrant notamment l’absence de toute revenu foncier et donc de tout patrimoine immobilier…
Cela dit, l’article L.341-4 évoque le « patrimoine » sans distinction entre le patrimoine immobilier ou mobilier…
Quoi qu’il en soit, la position de la Cour de cassation est très claire et a même été rappelé à l’occasion d’un arrêt récent rendu le 10 septembre 2014 (n° du pourvoi 12-28.977).
Dans cette affaire, les Hauts magistrats ont approuvé la Cour d’appel de Basse-terre qui avait relevé, après avoir constaté la disproportion de l’engagement souscrit par la caution, qu’il ne ressortait pas des éléments communiqués qu’au moment où cette dernière avait été appelée en qualité de caution, elle avait un patrimoine différent de celui déclaré lors de la souscription de son engagement et avait donc retenu, sans inverser la charge de la preuve, que la caution n’était pas en mesure de faire face à son obligation.
Sans aucun doute, c’est donc au créancier professionnel de rapporter la preuve, lorsque le contrat de cautionnement est manifestement disproportionné lors de sa conclusion au regard des biens et revenus de la caution, d’établir que le patrimoine de celle-ci a évolué et lui permet désormais de faire face à son obligation.
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