Le droit commun de la responsabilité impose à tout requérant d'établir l'existence d'une faute, d'un dommage et d'un lien de causalité entre la faute et le dommage.
La responsabilité médicale n’échappe pas a ces règles et il incombe au patient qui entend engager la responsabilité de son médecin de rapporter la preuve de la faute du praticien, son préjudice en résultant mais également le lien causal existant, ce qui permet d'écarter toutes les hypothèses ou le dommage résulte d'une faute personnelle du patient comme par exemple son refus de suivre de traitement qui lui a été prescrit.
Néanmoins, il existe nécessairement des hypothèses où le lien de causalité entre la faute du praticien et le dommage subi par le patient ne peut être établi avec certitude.
C'est le cas classique par exemple de l'étudiant, victime d'une erreur médicale l'obligeant a être hospitalisé en pleine période de révision universitaire et qui échoue à ses examens de fin d'année.
Quelle part de responsabilité peut être imputée au médecin?
En l'absence de faute médicale, l'étudiant aurait-il réussi avec certitude ses examens?
C'est dans ce type d'hypothèse que la jurisprudence a recours depuis 1965 à la théorie de la perte de chance.
Selon cette théorie, le médecin, qui par sa faute, fait perdre à son patient une chance de guérison ou de survie engage sa responsabilité.
Néanmoins, l'obligation de réparer qui en résulte ne pourra être que partielle par rapport au préjudice final.
On indemnise ainsi le préjudice constitué par la chance perdue.
Néanmoins, la jurisprudence avait tendance à exiger que la faute du médecin ait eu certaines conséquences dans l'apparition du préjudice final.
En d'autres termes, il fallait pour le moins que la faute du médecin ait concourue au préjudice final, même si elle n'en était pas la seule cause; et cette preuve incombait en principe au patient.
Il existait par conséquent une contradiction même puisque précisément, la perte de chance est invoquée lorsque le lien de causalité entre la faute du médecin et le préjudice final ne peut pas être démontré avec certitude !
L’arrêt rendu le 14 octobre 2010 par la Cour de Cassation vient mettre un terme à cette confusion.
La Cour d'Appel avait débouté une famille de sa demande en responsabilité envers un médecin à la suite du décès de leur épouse et mère lié a des complications d’une grippe maligne.
L'arrêt de la Cour a retenu que si le médecin lui avait délivré des soins consciencieux, attentifs et diligents, son hospitalisation serait intervenue plus tôt, mais qu'il était extrêmement difficile de dire si l'évolution de la pathologie eût été différente, que l’administration de l’antibiothérapie aurait été avancée mais qu’aucun élément médical ne permettait de dire que cela aurait évité la dégradation brutale de l'état de santé de la patiente et son décès, dans la mesure ou la cause du syndrome de détresse respiratoire aiguë dont elle était décédée n’avait pu être déterminée, de sorte qu'il était pas établi que la faute du médecin eut fait perdre à sa patiente une chance de survie.
Les Hauts Magistrats cassent et annulent la décision, au visa de l’article L.1142-1,I du code de la santé publique: " la perte de chance présente un caractère direct et certain chaque fois qu'est constatée la disparition dune éventualité favorable, de sorte que ni l’incertitude relative a l'évolution de la pathologie, ni l’indétermination de la cause du syndrome de détresse respiratoire aiguë ayant entraine le décès n’étaient de nature a faire écarter le lien de causalité entre la faute commise par le médecin, laquelle avait eu pour effet de retarder la prise en charge de la victime, et la perte dune chance de survie pour cette dernière."
La Cour de cassation estime ainsi que la prise en charge tardive d’une patiente, en raison de la faute du médecin a diminué ses chances de survie et que ce dommage, qui présente un caractère direct et certain, est par conséquent juridiquement réparable.
Il s’agit d’une position éminemment favorable aux victimes puisque désormais, toute perte de chance est susceptible de constituer un dommage réparable, à condition bien évidemment que le patient établisse que cette chance perdue existait réellement.
La Cour de Cassation ne va cependant pas aussi loin que le Conseil d’Etat qui, dans un arrêt du 26 mai 2014, a renversé la charge de la preuve de la perte de chance en matière médicale en considérant que le doute sur le lien de causalité entre la faute et la chance perdue d'échapper au dommage profite au patient (Conseil d' Etat, 5eme et 4eme sous sections réunies , 26 mai 2010, 306354).
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