Le crédit à la consommation a pris depuis plusieurs années une place capitale dans l'économie et son champ d'application ne cesse de s’étendre. Encore récemment, les prêts consentis par acte authentique par exemple étaient exclus du champ des crédits à la consommation mais la modification des dispositions de l’article L. 311-3 du code de la consommation en a décidé autrement. Certains crédits sont exclus du champ d'application du code de la consommation à raison de la qualité de l'emprunteur. C'est le cas notamment des personnes morales puisque l’article L. 311-1 4ème défini l'emprunteur comme une personne physique. D'autres crédits sont exclus du champ d'application du code de la consommation à raison de leur finalité professionnelle. Il n'existe aucune exclusion explicite dans les dispositions de l’article L. 311-3 du code de la consommation et cette exclusion est en fait implicite. En effet, il résulte de la définition de l'emprunteur consommateur de l’article L. 311-1 2ème qu’est "emprunteur ou consommateur, toute personne physique qui est en relation avec un prêteur, dans le cadre d'une opération de crédit réalisée ou envisagée dans un but étranger à son activité commerciale ou professionnelle". La jurisprudence exigeait alors que la destination professionnelle du crédit fasse l'objet d'une stipulation expresse. Dans un arrêt rendu notamment le 27 mai 2003 JurisData n°2003-019173, la 1ère Chambre Civile de la Cour de Cassation avait ainsi décidé : "Attendu que si, au termes de ce texte, sont exclus du champ d'application de la réglementation le prêt, le contrat et les opérations de crédit destinées à financer les besoins d'une activité professionnelle, la destination formelle d'un crédit, même affectée à un compte professionnel, ne peut résulter que d'une stipulation expresse". Récemment, cette jurisprudence assez exigeante s'est quelque peu infléchie s’agissant d’une convention de compte courant. Dans un arrêt du 6 janvier 2011, la Cour de Cassation a dit : « Mais attendu que si la destination professionnelle d'un crédit doit résulter d'une stipulation expresse, les dispositions régissant le crédit à la consommation ne sont pas applicables à la convention de compte Courant à vocation professionnelle, ce dernier eût-il fonctionné à découvert ; que la Cour d'appel a relevé, par motifs adoptés, que Mme X... s'était présentée à la banque comme une commerçante exploitant sous l'enseigne Suzy et a précisé, par motifs propres, qu'il ressortait du dossier d'entrée en relations que le compte litigieux avait été ouvert sous ce nom commercial, figurant après le nom patronymique de l'intéressée qui venait d'être immatriculée au registre du commerce et des sociétés pour son activité de "commerce non sédentaire d'objets mobiliers divers neufs et occasion, brocante" ; qu'ayant en outre constaté que la commune intention des parties avait été de s'engager dans une opération complexe, autorisant le fonctionnement à découvert du compte, qualifié de compte Courant sur les relevés trimestriels d'intérêts et de commissions, et ayant enregistré des remises d'espèces importantes ainsi que des règlements d'achats auprès de commissaires-priseurs, correspondant à l'activité professionnelle de Mme X..., elle en a exactement déduit que cette convention ne relevait pas des règles applicables au crédit à la consommation ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches. ». Une brèche était ainsi ouverte. Plus récemment, dans un arrêt du 3 février 2016 (numéro de pourvoi 15-14.689), la Cour de Cassation a reproché à la Cour d'Appel de s'être contentée de l'examen des stipulations de l'offre de prêt litigieuse pour considérer que les parties avaient entendu se soumettre aux dispositions des articles L. 312-1 et suivants du code de la consommation sans pour autant constater la qualité de consommateur de l'emprunteur comme l'exige l’article L. 137-2 du code de la consommation. Dans l’arrêt rendu le 12 octobre 2016 (pourvoi n°15-20.487), la 1ère chambre civile de la Cour de Cassation semble vouloir aller plus loin. Par acte notarié, une banque avait consenti à des époux un prêt immobilier destiné à acquérir un lot de copropriété en l'état futur d'achèvement. Une fois la déchéance du terme prononcée, la banque a fait pratiquer une saisie attribution contestée par les emprunteurs devant le Juge de l'Exécution. Pour annuler cette mesure, après avoir considéré que le prêt litigieux n'était pas destiné à financer une activité professionnelle, la Cour d’appel a retenu que la prescription biennale de la créance était acquise. La Cour de Cassation casse cet arrêt sur le fondement des articles L. 312-3, 2°, et L. 137-2 du code de la consommation, devenus L. 313-2, 2°, et L. 218-2 du même code en vertu de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 : Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle relevait que M. et Mme X... avaient souscrit le prêt litigieux à fin d'acquérir un lot de copropriété destiné à la location au sein d'une résidence hôtelière et que l'époux était inscrit au registre du commerce et des sociétés en tant que loueur en meublé professionnel, ce dont il résultait que le prêt litigieux était destiné à financer une activité professionnelle, fût-elle accessoire, exclusive de la prescription biennale applicable au seul consommateur, la Cour d'Appel a méconnu les textes susvisés ; Ainsi, la Haute juridiction semble infléchir sa jurisprudence et n'exige plus comme auparavant de stipulation contractuelle expresse. Quelles que soient les indications contenues dans l'offre de prêt, elle estime qu'il convient de se référer aux éléments particuliers du dossier pour caractériser la destination professionnelle du prêt consenti. La question se pose de savoir si cette décision constitue un arrêt totalement isolé ou un infléchissement majeur de la position de la Cour de Cassation. On sait que dans un arrêt récent rendu le 30 septembre 2015 (numéro de pourvoi 14-20.277), la Haute Cour avait cassé un arrêt d'appel ayant qualifié un prêt de non professionnel alors "que le prêt litigieux comportait des stipulations caractérisant sa destination professionnelle". Il n'est pas certain en conséquence que la Cour de Cassation abandonne l'exigence d'une stipulation contractuelle expresse et il importera à ce titre de rester très vigilant.