La mort de l’emprunteur n’entraîne pas l’exigibilité automatique du capital restant dû. Seule la déchéance du terme peut entrainer cette exigibilité et conséquemment le point de départ de la prescription.

 

En l’espèce, par acte authentique du 31 octobre 2006, une banque a consenti deux prêts à une personne physique. L’emprunteur décède le 7 mai 2015. 

L’assureur de l’emprunteur a alors pris en charge une partie du capital restant dû. 

L’établissement de crédit a ensuite eu connaissance de l’identité des héritiers de son emprunteur, le 2 décembre 2015 de sorte qu’il a mis en demeure les héritiers acceptants, de payer le solde dû. 

En l’absence de paiement spontanée, la banque est contrainte de prononcer la déchéance du terme, par courrier du 5 décembre 2017, plus de deux ans donc, après la mort de l’emprunteur. En outre, elle fera délivrer aux héritiers un commandement de payer aux fins de saisie-vente le 19 janvier 2018. 

Les héritiers ont alors assigné la banque devant le juge de l'exécution pour obtenir la mainlevée de la mesure de saisie et voir juger prescrite l'action de la banque. 

Le juge de première instance a rejeté l’exception de procédure s’agissant de la prescription de l’action de la banque qui avait été formulée par les héritiers. 

La cour d’appel, en revanche, a fait droit à cette argumentation et a déclaré prescrite la créance de la banque, en partant du principe que la mort avait entraîné l’exigibilité du solde restant dû. 

Dans ces conditions, la cour a retenu que la prescription de l’action de l’établissement de crédit avait commencé à courir à partir de la date à laquelle le créancier avait eu connaissance de l’identité des héritiers de son emprunteur, soit en l’espèce, le 2 décembre 2015.

Naturellement, l’établissement bancaire se pourvoi en cassation en arguant d’une interprétation erronée de l’exigibilité du solde restant dû, laquelle n’avait pas de lien avec la mort du débiteur.

 

En effet, la jurisprudence a pu considérer que le délai de prescription ne courrait pas à l'égard du créancier tant que celui-ci est maintenu dans l'ignorance de la dévolution successorale (Cass. 1ère ch. 23 janvier 2019, n°17-18.219).

Cependant, lorsque les héritiers sont connus, ce qui était le cas en l’espèce, la Cour de cassation a eu l’occasion de juger que le point de départ de la prescription devait être fixé au moment où les héritiers de l’emprunteur étaient connus par l’établissement bancaire (Cass. 1ère ch. 15 mars 2017, n°15-27.574).

Ainsi, la question qui se posait était de savoir si le décès constituait un événement rendant la créance exigible.

La Haute Cour donne raison à la banque et casse l’arrêt d’appel, en rappelant « qu’à l’égard d’une dette payable par termes successifs, la prescription se divise comme la dette elle-même et court égard de chacune de ces fractions à compter de son échéance, de sorte que, si l’action en paiement des mensualités impayées se prescrit à compter de leur date d’échéance successive, l’action en paiement du capital restant dû se prescrit à compter de la déchéance du terme, qui emporte son exigibilité (pour rappel et ex. : Cass. 1ère civ. 31 janvier 2018, n°16-20.734),  y compris en cas de décès de l’emprunteur ».

 

En conséquence, la mort de l’emprunteur n’entraîne pas l’exigibilité automatique du capital restant dû. Seule la déchéance du terme peut entrainer cette exigibilité et conséquemment le point de départ de la prescription.

Cette décision permet ainsi d’effectuer un rappel sur la division de la prescription d’une créance à exécution successive mais apporte également une précision qui a son importance en cas de décès de l’emprunteur sur l’exigibilité des sommes restant dues.

En pareille situation, il peut être opportun pour les établissements de crédit de vérifier, lorsque le décès d’un emprunteur survient : 

- Si la déchéance du terme a été prononcée :

  • Délivrer un acte interruptif de prescription avant l’expiration du délai de prescription de deux ans de l’article L.218-2 du code de la consommation, si les héritiers sont connus ;
  • Prendre rapidement attache avec la chambre des notaires et/ou faire désigner l’Administration des Domaines pour pallier la vacance de la succession afin de délivrer un acte interruptif de prescription par la suite ;

- Si la déchéance du terme n’a pas été prononcée : 

  • Délivrer un acte interruptif de prescription avant l’expiration du délai de prescription de deux ans de l’article L.218-2 du code de la consommation, uniquement pour les échéances impayées si les héritiers sont connus ; 
  • Prendre attache avec la chambre des notaires et/ou faire désigner l’Administration des Domaines pour pallier la vacance de la succession afin de délivrer un acte interruptif de prescription par la suite ;
  • En toute hypothèse, prononcer la déchéance du terme le plus tard possible afin d’éviter une contestation relative à la prescription du capital restant dû. 

Civ. 1ère, 20 octobre 2021, F-B, n°20-13.661