Le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2025-1174 QPC du 28 novembre 2025, a censuré la disposition de la loi de finances pour 2025 qui validait rétroactivement l’interprétation erronée du mécanisme de « planchonnement » appliquée par l’administration fiscale. Cette décision majeure rouvre pleinement le droit des contribuables à déposer des réclamations et à obtenir le remboursement du trop-versé.
Pour bien comprendre : rappel du contexte
1. Une réforme lourde de conséquences (entrée en vigueur en 2017)
La loi de finances rectificative pour 2010 a profondément réformé les valeurs locatives des locaux professionnels, utilisées pour calculer la CFE et la taxe foncière. Depuis le 1er janvier 2017, ces valeurs sont déterminées sur la base du marché locatif réel, ce qui a entraîné, pour certains contribuables, des hausses (ou baisses) importantes d’imposition.
2. Le « planchonnement » : un dispositif temporaire pour amortir les écarts
Pour éviter des variations trop brutales, le législateur a instauré le mécanisme de « planchonnement » (article 1518 A quinquies du CGI), applicable de 2017 à 2025. Ce dispositif limite les variations d’imposition en ne retenant que la moitié de l’écart entre :
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la valeur locative non révisée au 1er janvier 2017, et
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la valeur locative révisée.
3. L'administration a figé le calcul au niveau de 2017, à tort
Depuis 2017, l’administration fiscale a appliqué ce mécanisme comme si la valeur locative révisée devait rester celle fixée pour l’année 2017, sans tenir compte des valeurs révisées chaque année. Cette interprétation a, dans de nombreux cas, augmenté mécaniquement les bases de taxe foncière et de CFE.
4. Le Conseil d’État rectifie en 2023
Par trois décisions du 13 novembre 2023 (n° 474735, 474736, 474757), le Conseil d’État a jugé que cette méthode était juridiquement incorrecte : ➡️ la valeur locative révisée doit être recalculée annuellement, et non figée au niveau de 2017.
5. La loi de finances pour 2025 tente de valider rétroactivement l’erreur
Pour contrer cette jurisprudence et empêcher un contentieux massif, la LF 2025 a :
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rendu rétroactivement légale la méthode administrative,
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validé les impositions de 2023 et 2024,
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limité les réclamations à celles déposées avant le 10 octobre 2024.
Cette validation rétroactive revenait à priver les contribuables de leur droit au remboursement des impositions indûment établies.
6. Une QPC est transmise en raison du risque d’inconstitutionnalité
Une société a soutenu que cette validation rétroactive portait atteinte :
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au principe de sécurité juridique,
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au droit à un recours effectif,
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et à l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.
Le Conseil d’État a transmis la QPC (CE, 17 sept. 2025, n° 506083), en soulignant que la rétroactivité législative ne pouvait être admise que pour un motif impérieux d’intérêt général, ce qui était loin d’être démontré.
⚖️ La décision n° 2025-1174 QPC du 28 novembre 2025 : un tournant décisif
Le Conseil constitutionnel a censuré la loi de validation, jugeant que :
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la rétroactivité portait une atteinte disproportionnée aux droits des contribuables,
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elle empêchait ceux-ci d’obtenir le remboursement d’impositions fondées sur une interprétation illégale,
-
et le législateur n’avait pas justifié d’un motif impérieux d’intérêt général.
Les contribuables retrouvent pleinement leur droit de déposer réclamation.
Quelles démarches entreprendre après la décision ?
Les contribuables ayant payé des taxes foncières ou la CFE sur la base de l’interprétation erronée du planchonnement ont un intérêt évident à déposer des réclamations.
1. Pour l’année 2024 : une échéance impérative
✔ La réclamation doit être déposée avant le 31 décembre de cette année.
2. Pour les années antérieures : un contentieux possible
Une approche contentieuse solide peut justifier des réclamations concernant :
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la CFE pour les années 2022 et 2023,
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la taxe foncière pour l’année 2023.
L’erreur de calcul est désormais reconnue, et la tentative de validation rétroactive a été censurée.
3. Pour l’année 2025 : une nouvelle erreur probable
Les premiers éléments indiquent que l’administration aurait reproduit la même erreur pour les bases 2025.
✔ Une réclamation peut donc également être déposée pour la CFE 2025 et la taxe foncière 2025.
Un enjeu financier significatif
Les corrections liées au planchonnement peuvent représenter :
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plusieurs milliers d’euros par local,
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des montants très importants pour les entreprises multi-sites,
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un impact direct sur la trésorerie.
L’enjeu est donc majeur pour de nombreux contribuables.

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