Il arrive que pour expédier une marchandise les particuliers et mêmes les professionnels s'adressent aux plateformes numériques qui proposent de trouver un  transporteur pour leurs clients.

 

Dans les faits, certaines de ces plateformes définies à l'article ’article l’article L3261-1 du code des transports ne se limitent pas à la mise en relation à travers leurs outils numériques mais s’immiscent dans l’organisation  du transport ou le déplacement de la marchandise.

 

Les bourses numériques  définies par le même l’article et considérées comme des simples intermédiaires par la jurisprudence ( Cour d'appel de Reims : RG n°21/00799) sont à distinguer des ces plateformes. Seules ces dernières font l'objet de la présente analyse.

 

Puisque ces plateformes ne se contentent pas  de la mise en relation, il se pose la question de leur réelle qualité dans un rapport contractuel et la responsabilité qui pourrait être la leur en cas de dommages réparables.

 

1- Une responsabilité propre en qualité d’intermédiaire numérique

 

Aux termes de l’article L3263-5  du code des transports, : «  L'opérateur de service numérique de mise en relation commerciale défini au 5° de l'article L. 3261-1, est responsable de plein droit à l'égard du client de la bonne exécution des obligations résultant du contrat de transport, dès lors qu'il a contribué, par son activité, à la formation de celui-ci dans les conditions énoncées au 5° de cet article, que ces obligations soient à exécuter par l'opérateur lui-même ou par d'autres prestataires de services, sans préjudice du droit de recours de l'opérateur contre l'entreprise de transport public routier de marchandises qui a réalisé la prestation de transport. Il est garant de l'arrivée des marchandises et effets dans le délai déterminé dans le cadre du contrat. Il est responsable des avaries ou pertes de marchandises .» 

 

Suivant ce texte  la plateforme numérique a une responsabilité propre dans les suites de l’exécution d’un contrat de transport public routier de marchandises à la conclusion duquel elle a contribué.

 

Elle est garante de la bonne exécution du contrat, qu’elle l’exécute elle-même ou qu’elle le fasse exécuter par un autre prestataire de service.

 

Il ressort clairement que sans assimiler l’opérateur de mise en relation numérique à un commissionnaire, la loi fait de lui le garant à tous égards de la bonne exécution du contrat de transport de marchandises.

 

Il s'agit d'une responsabilité qui lui est propre, sans emprunt au régime de la commission de transport qui semble lui être proche.

 

Peut-être faut-il rappeler que l'organisation du transport en son nom et pour le compte de son commettant est le critère indispensable selon l'article L 132-1 du code de commerce à l'indentification d'un commissionnaire de transport.

 

Ce critère n'apparaît pas dans la définition de la plateforme numérique. Elle ne saurait donc être assimilée à un commissionnaire  quant à la responsabilité.

 

Au demeurant, la position de garante d'une plateforme numérique et le droit de recours que la loi lui reconnait emportent certes une similitude avec le régime de la responsabilité du commissionnaire, mais il faut noter un point important. Une plateforme numérique est avant tout un intermédiaire. Le commissionnaire de transport ne l'est pas. Il organise nécessairement le déplacement de la marchandise. Il ne ne joue pas un rôle d'intermédiaire pas plus qu'il ne peut exécuter lui même la prestation de déplacement qui est nécessairement effectuée par un transporteur.

 

2- Une responsabilité par assimilation au commissionnaire de transport

 

La plateforme numérique peut être assimilée à un commissionnaire de transport selon l’article L 1411-1 du code de transports, du moins suivant les faits. En effet, lorsqu'elle fait exécuter le transport en son nom pour le compte d'un commettant et avec les moyens qu’elle choisit, une plateforme peut se voir attribuer la qualité de commissionnaire. Le choix du moyen et le fait de faire exécuter le transport en son nom ( Cour d'appel de Paris : RG n°19/21664 : interprétation a contrario) imposent la qualité de commissionnaire de transport.

 

Il s'agirait d'une hypothèse où, au delà du rôle d'intermédiaire, la plateforme confierait le déplacement de la marchandise à un transporteur  librement choisi et en son nom.

 

Dans ce cas de figure, il n'y aurait aucun obstacle à lui reconnaitre la qualité de commissionnaire de transport et à dérouler le régime de responsabilité propre à ce dernier.

 

Suivant lles articles L132-5  et L132-6  du code de commerce., le commissionnaire de transport est garant des avaries et du commissionnaire intermédiaire auquel il adresse les marchandises.

 

Selon un arrêt rendu au visa du dernier de ces textes, « le commissionnaire de transport répond envers le commettant non seulement de ses propres fautes mais aussi de celles des transporteurs qu'il s'est substitué » ( Cass; com, du 12 avril 2005, 03-19.638, P.).

 

Une plateforme numérique qui ne se contente pas de jouer un rôle d'intermédiaire pour la formation et l'exécution du contrat,  ou qui n'exécute pas elle-même la prestation de déplacement mais qui fait déplacer la marchandise en son nom et pour le compte d'un client par un autre prestataire répondrait de ses propres fautes et de celles du voiturier. Elle ne pourrait se prévaloir  du régime de responsabilité propre à son statut originel.

 

Certes, ce dernier prévoit une responsabilité identique mais d'autres règles que sont notamment le privilège du commissionnaire prévu à l'article L 132-2 du code du commerce ne lui seraient sans doutes pas applicables. Elle assume la responsabilité de commissionnaire et garantit des avaries du fait du transporteur qu’elle se serait substituée.

 

La plateforme garde son statut originel. Elle ne se transforme pas en commissionnaire mais subit le régime de responsabilité d'un commissionnaire.

 

Tout bien considéré, l'appréciation de la responsabilité d'une plateforme numérique est tributaire de son rôle effectif puisque dans la pratique les opérateurs du transport routier de marchandises ne respectent pas toujours les limites prévues par la loi.

 

D'ailleurs, en poussant l'analyse plus loin, on pourrait relever des cas de figures où le transporteur choisi par la plateforme pour exécuter la prestation ne déplace pas la merchandise lui-même mais la confie à un autre transporteur.

 

Quid de la qualité et la responsabilité de ce transporteur initialement choisi?

3- Qualité et responsabilité du transporteur choisi

 

Le transporteur routier choisi a en principe la qualité de voiturier.

 

Cependant, il devient commissionnaire de transport intermédiaire s'il confie  à son tour la marchandise à un autre transporteur qui se chargerait de la déplacer.

 

En effet, suivant l’article L 3224-1  du code des transports, le transporteur qui n'exécute pas un contrat de transport avec ses propres moyens et qui sous-traite, pour tout ou partie, à une autre entreprise de transport public routier de marchandises sous sa responsabilité assume la responsabilité d’un commissionnaire de transport dans le termes prévus à l’article L132-6  du code de commerce.

 

La Cour de cassation avait clairement jugé que : « le commissionnaire de transport, fût-il un commissionnaire intermédiaire, est garant, sauf force majeure, vice propre de la marchandise ou faute de l'expéditeur, des avaries ou pertes de marchandises qu'il a confiées au transporteur choisi par lui » (Cass., com., 1er  juillet 1997, 94-21.931, P.).

 

En conséquence, le transporteur choisi qui devient un intermédiaire est garant de la bonne exécution du déplacement par le transporteur effectif.

 

Le transporteur que ce commissionnaire intermédiaire a choisi pour effectuer le déplacement de la marchandise et qui exécute la prestation devient le voiturier : le transporteur effectif.

4- La responsabilité du transporteur effectif

 

Le transporteur effectif a la qualité de voiturier.

 

En cette qualité, il se trouve au bout de la chaîne et déplace la marchandise (article L133-1, code de commerce). Il n’y a pas de commentaires particuliers le concernant. Hors les cas de force majeure, il est garant des pertes, avaries et retard de livraison.

 

Il faudrait noter que chaque maillon de la chaîne  de transport est garant de son suivant qu'il a librement choisi.

 

Que faut-il retenir?

 

  • En tant que client d'une plateforme de mise  relation, il faut toujours vérifier le rôle  que cette dernière a réellement joué. Si elle s'est limitée à son rôle tel qu'il est défini par la loi, sa responsabilité d'intermédiaire lui serait appliquée. Si tel n'est pas le cas, le régime du commissionnaire pourrait lui être appliqué si les conditions sont réunies.
  • En tant que plateforme numérique, il est important de se limiter à sa mission originelle. Tout dépassement modifierait le régime de responsabilité alors que les avantages liés à la nouvelle qualité ne peuvent pas être revendiqués.
  • Une plateforme numérique peut être poursuivie suivant les cas, soit en  qualité d'intermédiaire soit en qualité de commissionnaire.

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