La théorie de l'accessoire dans la qualification de contrat administratif
La jurisprudence reconnaît de longue date qu'un contrat qui présente les caractéristiques d'un contrat de droit privé est un contrat administratif s'il est l'accessoire d'un autre contrat administratif.
Ainsi, est administratif le contrat de cautionnement qui constitue l'accessoire d'un contrat de prêt, lui-même qualifé de contrat administratif (Conseil d'État, 28 juin 1996, n°138874). En revanche, un contrat de prêt ayant un objet exclusivement financier n'est pas l'accessoire d'un marché public de travaux dans la mesure où il en est détachable (Conseil d'État, 1 mars 2000, n°192790).
Les solutions sont donc variables selon les espèces et sujettes à un certain aléa d'appréciation.
Quid de l'application de cette théorie à un contrat de bail commercial ?
Qualifier de bail commercial un contrat administratif ne serait pas sans poser de pratiques difficultés, tant le régime du contrat administratif entre en contradiction avec le statut du bail commercial.
C'était pourtant la position défendue par un tiers au contrat, recherchant la responsabilité de la commune bailleresse devant le juge administratif, en invoquant le défaut d'entretien normal de l'ouvrage public.
Il était question d'un local commercial, confié à bail commercial précaire à une association qui exerçait dans les lieux une activité d'épicerie solidaire.
Le juge écarte le caractère de contrat administratif par accessoire dès lors qu'il n'était pas établi en l'espèce :
"4. D'une part, il résulte de l'instruction que la commune de Hem a signé avec l'association Pacte 59, le 25 février 2017, un bail commercial dit précaire en vertu du code de commerce, en vue de l'installation d'une épicerie solidaire et de ses partenaires, donnant en location un immeuble situé avenue E sur le territoire de la commune, comprenant une surface de bureau, un espace réservé à l'accueil du public, un espace de stockage et des sanitaires et circulation, ainsi que les dépendances de ces biens. Le parking et le portail et sa butée, qui en sont un accessoire, constitue une dépendance de l'immeuble, entrant ainsi dans le champ du contrat de bail commercial précité et relevant du domaine privé de la commune, sans constituer un chemin ouvert à la circulation du public. L'immeuble en cause n'étant pas affecté à un service public, il ne constitue pas un ouvrage public.
5. D'autre part, un contrat conclu entre une personne publique et une personne de droit privé a la nature d'un contrat administratif dès lors qu'il concerne directement l'exécution d'un service public, contient une clause exorbitante du droit commun ou constitue un accessoire aux marchés publics.
6. Il est constant qu'ainsi qu'il a été dit au point 3, le contrat de bail commercial conclu entre la commune de Hem et l'association Pacte 59, passé selon les règles du code de commerce, ne constitue pas un marché public. En outre, ce contrat, destiné à la mise en œuvre d'une épicerie solidaire par une structure associative de droit privé, n'a pas pour objet l'exécution d'un service public, et ne comporte aucune clause exorbitante du droit commun. Enfin, il n'est pas davantage établi que ce contrat de bail constituerait l'accessoire d'un contrat présentant lui-même un caractère administratif. Dans ces conditions, le contrat conclu entre la commune de Hem et l'association Pacte 59 n'a pas la nature d'un contrat administratif." (Tribunal administratif de Lille, 21 août 2024, n°2201594).
Quelles perspectives en tirer ?
En cas de schéma contractuel impliquant plusieurs actes, il n'est pas possible d'exclure qu'un bail commercial puisse être qualifié de contrat administratif.
Une telle qualification remettrait en cause les prévisions des parties et entraînerait des conséquences directes. La personne publique contractante pourrait user des pouvoirs inhérents aux contrats administratif, notamment la résiliation ou modification pour motif d'intérêt général. Elle serait également sans doute exposée à des risques indemnitaires pour avoir laissé croire à son cocontractant qu'il bénéficiait d'un bail commercial (Conseil d'État, 24 novembre 2014, n°352402).
Le preneur serait quant à lui en difficulté pour faire valoir l'application du statut et de ses règles favorables, notamment le droit au renouvellement et à une indémnité d'éviction (voir en ce sens : Conseil d'État, 25 mai 1973, n°76523).
Les parties ont donc tout intérêt à recourir à un conseil pour s'assurer du régime applicable et de ce que leurs accords ne seront pas remis en cause ou fragilisés en cas de litige.
Le cabinet est à votre écoute pour vous accompagner :
- Dans la revue de titres d'occupation et de baux, et plus généralement dans la définition du montage juridique de votre opération afin de s'assurer de leur conformité et de leur efficacité ;
- Cartographier et mesurer les risques induits, ainsi que les mesures correctives à apporter s'agissant de contrat déjà conclus ;
- Vous assister dans la résolution des litiges qui en découlent, le cas échéant.
Goulven Le Ny, avocat au Barreau de Nantes
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