Particularité des SAS : souplesse dans la rédaction des statuts

Dans les sociétés par actions simplifiées (SAS), les statuts fixent les conditions dans lesquelles la société est dirigée (Code de commerce, article L227-5). Cette forme sociale est effectivement très appréciée pour la grande liberté qu'elle confère dans la rédaction des statuts, permettant une adaptation à des contextes très variés :

  • sociétés de projet,
  • véhicule d'acquisition, 
  • structuration de filiales dédiées à certaines activités,
  • coopération entre acteurs publics et privés dans le cadre de projets de production d'énergie renouvelable)
  • etc.

Pour autant, cette liberté dans la rédaction des statuts vient avec son lot de contrainte, notamment liés à une certaine primauté donnée aux statuts.  

 

Une décision des associés peut compléter les statuts de la SAS, elle ne peut cependant y déroger sans modifier les statuts

Dans une première affaire, la Cour de cassation rappelle qu'une décision des actionnaires peut compléter les statuts, notamment sur les modalités de révocation des dirigeants.

Cependant, si une décision des associés peut compléter les statuts sur ce point, elle ne peut y déroger, quand bien même aurait-elle été prise à l'unanimité, sans qu'une modification statutaire ne soit préalablement approuvée dans les formes :

"7. Il résulte de ces textes que les statuts de la société par actions simplifiée fixent les conditions dans lesquelles celle-ci est dirigée, notamment les modalités de révocation de ses dirigeants. Si une décision des associés peut compléter les statuts sur ce point, elle ne peut y déroger, quand bien même aurait-elle été prise à l'unanimité.

8. Pour dire que M. [L]-[V] a été révoqué sans juste motif de son mandat de directeur général de la société IDF Démolition, l'arrêt relève que si les statuts de cette société prévoient une révocation ad nutum du dirigeant social, les associés de la société ont, lors de l'assemblée générale ayant désigné M. [L]-[V] en qualité de directeur général, approuvé des conditions de révocation différentes. Il retient que cette décision, prise à l'unanimité lors d'une assemblée générale, démontre la volonté expresse des associés de déroger aux statuts par une décision collective prise aux conditions requises pour modifier les statuts et qu'elle s'impose à la société, quand bien même les statuts n'auraient pas fait l'objet d'une modification, sans que soit méconnu le principe de primauté des statuts sur un acte extra-statutaire. L'arrêt en déduit que les dispositions des statuts de la société IDF Démolition ne peuvent être invoquées pour écarter la demande de M. [L]-[V] fondée sur la décision collective des associés organisant différemment les conditions de sa révocation et qu'il convient de faire application des conditions de révocation prévues par l'annexe au procès-verbal de l'assemblée générale du 2 octobre 2019.

9. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés." (Cour de cassation, 9 juillet 2025, n°24-10.428)

 

Un acte extra-statutaire, comme un pacte d'actionnaire, ne peut déroger aux statuts

Selon la même logique que pour les décisions des actionnaires, la Cour de cassation avait déjà jugé qu'un acte extra-statutaire comme un pacte d'actionnaire peut compléter les statuts mais ne peut y déroger (Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 12 octobre 2022, 21-15.382, Publié au bulletin).

Toute la difficulté en pratique réside dans la distinction entre ce qui constitue un complément et ce qui constitue une dérogation. Ainsi, les clauses d'un contrat prévoyant une indemnité en cas de cessation des fonctions de direction était nul pour avoir été insérée en violation d'une clause des statuts en sens contraire (Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 12 octobre 2022, 21-15.382, Publié au bulletin).

Dans un récent arrêt, la Cour fournit l'illustration de ce qui peut constituer un complément sans dérogation. Là encore, il était question de statuts prévoyant que le dirigeant était révocable sans indemnité. Dans un protocole séparé, il avait été convenu par les signataires qu'ils feraient le nécessaire pour que la décision de nomination du dirigeant prévoie le versement d'une indemnité forfaitaire en cas de révocation avant l'expiration d'un délai de deux ans.

La Cour considère que cette clause ne viole pas les statuts, puisqu'elle prévoit seulement un engagement personnel des actionnaires :

"Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 :

12. Aux termes de ce texte, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

13. Pour rejeter la demande en paiement formée par M. [O] contre la société Troizef et MM. [B] et [L], l'arrêt retient que l'article 2.1 du protocole d'investissement du 31 mai 2016 n'est pas applicable en ce qu'il est contraire à l'article 16 des statuts de la Sogecler, lequel stipule que le directeur général est révocable sans aucune indemnité.

14. En statuant ainsi, alors que cette disposition extra-statutaire ne renferme qu'un engagement personnel des signataires du protocole d'investissement de faire le nécessaire pour que la décision de nomination de M. [O] en qualité de directeur général de la Sogecler prévoie le versement d'une indemnité forfaitaire en cas de révocation ou de réduction de ses pouvoirs avant l'expiration d'un délai de deux ans, de sorte qu'elle n'est pas contraire à l'article 16 des statuts de la Sogecler, la cour d'appel a violé le texte susvisé." (Cour de cassation, 9 juillet 2025, n°23-21.160).

 

Conseils pratiques

La rédaction du pacte et des statuts en SAS doit être menée conjointement, afin d'assurer l'efficacité de chacun. 

La SAS est particulièrement exigeante de ce point de vue, puisque toute dérogation aux statuts est interdite, et que la discintion entre une dérogation et un complément est encore floue.

 

Le cabinet est à votre écoute :

  • Pour vous aider à prévenir, mesurer, réduire et éviter les risques induits dans le cadre de vos opérations d'acquisition/cession de titres ou pour la constitution d'une société dédiée pour votre projet (ENR, équipement touristique, opérations immobilière, locaux d'activité, etc.) ;
  • Pour rédiger vos statuts, pactes et accomplir les formalités nécessaires ;
  • Pour vous accompagner à chaque étape du processus, et en particulier dans la négociation avec les différentes parties prenantes, en veillant à la sécurité juridique d'ensemble de l'opération ;
  • Plus globalement, sécuriser juridiquement vos projets immobilier et/ou de construction en identifiant, évaluant et prévenant les risques juridiques et fiscaux ;
  • Le cas échéant, défendre de vos intérêts devant les juridictions.

Goulven Le Ny, avocat au Barreau de Nantes

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