La 3ème Chambre civile de la Cour de cassation vient de rendre un arrêt le 7 mars 2024 n° 23-12.754 relativement aux formalités à accomplir par l’expropriant pour rechercher les héritiers des propriétaires décédés dans le cadre de l’enquête parcellaire. Il résulte de cet arrêt que :

Le juge de l'expropriation est tenu de vérifier que toutes les formalités prescrites par la loi ont été accomplies et doit refuser de prononcer le transfert de propriété lorsque l'autorité expropriante n'a pas justifié des formalités accomplies afin de rechercher les héritiers des propriétaires décédés antérieurement à l'arrêté de cessibilité. La seule mention de recherches infructueuses des héritiers sur le certificat d'affichage en mairie est insuffisante pour en caractériser l'existence.

L’exproprié faisait grief à l'ordonnance de déclarer expropriée immédiatement pour cause d'utilité publique au profit de l’expropriant une parcelle leur appartenant et d'envoyer l’expropriant en possession de cette parcelle, alors « que l'expropriant adresse aux propriétaires figurant sur la liste établie conformément à l'article R. 131-3, par lettre recommandée avec avis de réception, une notification individuelle du dépôt du dossier d'enquête parcellaire en mairie ; que lorsque le propriétaire est décédé antérieurement à l'enquête parcellaire et que l'autorité expropriante a connaissance du décès, il lui appartient d'adresser la notification prévue aux héritiers de celui-ci, et, à cet effet, d'engager et de justifier des démarches entreprises et des demandes de renseignement effectuées pour identifier ces derniers ; qu'en l'espèce, il ne résulte pas du dossier transmis au juge de l'expropriation que, tout en ayant connaissance du décès de l’expropriée bien avant l'ouverture de l'enquête publique parcellaire, la métropole Provence Méditerranée, autorité expropriante, ait accompli les diligences nécessaires pour identifier ses héritiers et ainsi leur notifier le dépôt du dossier d'enquête parcellaire en mairie, empêchant ainsi ceux-ci de pouvoir faire valoir leurs observations lors de l'enquête ; qu'en prononçant, dans ces conditions, l'expropriation au préjudice de l’expropriée, le juge de l'expropriation a violé les articles R. 131-6 et R. 221-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. »

Selon l’article R.131-6 du Code de l’expropriation, notification individuelle du dépôt du dossier de l'enquête parcellaire à la mairie est faite par l'expropriant, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, aux propriétaires figurant sur la liste établie conformément à l'article R. 131-3, lorsque leur domicile est connu d'après les renseignements recueillis par l'expropriant ou à leurs mandataires, gérants, administrateurs ou syndics. En cas de domicile inconnu, la notification est faite en double copie au maire, qui en fait afficher une, et, le cas échéant, aux locataires et aux preneurs à bail rural.

La liste des propriétaires est établie, en application de l’article R.131-3 du Code de l’expropriation, à l'aide d'extraits des documents cadastraux délivrés par le service du cadastre ou des renseignements délivrés par le directeur départemental ou, le cas échéant, régional des finances publiques, au vu du fichier immobilier ou par tous autres moyens.

Selon l’article R.221-1 du Code de l’expropriation, le préfet transmet au greffe de la juridiction du ressort dans lequel sont situés les biens à exproprier un dossier qui comprend notamment les copies des pièces justifiant de l'accomplissement des formalités tendant aux notifications individuelles prévues à l'article R. 131-6 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. Si le dossier ne comprend pas toutes les pièces, le juge demande au préfet de les lui faire parvenir dans un délai d'un mois.

Il en résulte que le juge de l'expropriation, tenu de vérifier que toutes les formalités prescrites par la loi ont été accomplies, doit refuser de prononcer le transfert de propriété lorsque l'autorité expropriante n'a pas justifié des formalités accomplies afin de rechercher les héritiers des propriétaires décédés antérieurement à l'arrêté de cessibilité (3e Civ, 27 novembre 1991, pourvoi n° 89-70.304, Bull. 1991, III, n° 295).

Pour déclarer expropriée immédiatement pour cause d'utilité publique au profit de la métropole Provence Méditerranée la parcelle appartenant à l’expropriée et envoyer la métropole en possession de cette parcelle, l'ordonnance vise le certificat du maire attestant de l'affichage en mairie de la notification de l'enquête parcellaire concernant un propriétaire n'ayant pu être touché.

En statuant ainsi, alors que l'expropriant avait connaissance du décès de l’exproprié, survenu avant l'ouverture de l'enquête parcellaire et qu'il n'était pas justifié de recherches pour identifier ses héritiers, la seule mention de recherches infructueuses sur le certificat d'affichage en mairie étant insuffisante pour en caractériser l'existence, le juge de l'expropriation a violé les textes susvisés.

La cassation est prononcée sans qu’il soit besoin de statuer à nouveau sur le fond uniquement sur la parcelle concernée.

3e civ 7 mars 2024 n°23-12.754

Le Conseil d'un avocat spécialisé en droit de l'expropriation sera particulièrement utile au propriétaire exproprié pour préparer sa défense et notamment afin de vérifier que toutes les formalités prescrites par la loi ont été accomplies régulièrement  par l’expropriant dans le cadre de l’enquête publique et dans la négative d’envisager d’engager une action en contestation de l’ordonnance d'expropriation.