Les dispositions statutaires relatives au harcèlement sexuel interdisent à l'administration de sanctionner un fonctionnaire au seul motif qu'il aurait dénoncé le harcèlement dont il s'estime victime. Mais le Conseil d'Etat, toujours prompt à appliquer le devoir de réserve dans tous les interstices juridiques possibles, a récemment tempéré ce principe en estimant que "l'exercice du droit à dénonciation du harcèlement doit être concilié avec le respect de l'obligation de réserve" et qu'en conséquence, "lorsque le juge est saisi d'une contestation de la sanction infligée à un fonctionnaire à raison de cette dénonciation, il lui appartient, pour apprécier l'existence d'un manquement à l'obligation de réserve et, le cas échéant, pour déterminer si la sanction est justifiée et proportionnée, de prendre en compte les agissements de l'administration dont le fonctionnaire s'estime victime ainsi que les conditions dans lesquelles ce dernier a dénoncé les faits, au regard notamment de la teneur des propos tenus, de leurs destinataires et des démarches qu'il aurait préalablement accomplies pour alerter sur sa situation".
Le cabinet a saisi le tribunal administratif de Montreuil d'une requête en annulation d'une sanction disciplinaire prononcée contre une fonctionnaire territoriale pour avoir "porté à l'encontre de son supérieur hiérarchique des accusations de harcèlement sexuel dont elle ne pouvait ignorer le caractère infondé".
Analysant les faits de l'espèce, le tribunal estime, comme le soutenait l'administration, que le harcèlement sexuel n'apparaît pas constitué. Mais, rappellent les juges, là n'est pas la question : ce qui important est de savoir si la dénonciation a été faite de mauvaise foi ; or la mauvaise foi ne peut résulter de la seule circonstance que le harcèlement dénoncé ne serait pas établi. La mauvaise foi ne peut être constituée que lorsque le fonctionnaire a relaté les faits en sachant qu'ils étaient faux, et dans le but de nuire à l'autre agent, à sa hiérarchie, à son employeur, ou d'échapper au prononcé d'une sanction légitime.
Le Tribunal constate en l'espèce que les agissements dénoncés pouvaient être mal interprétés ou inexactement qualifiés, tant en raison du contexte tendu au sein du service, que du caractère inapproprié d'une partie de ces faits. En outre, il est relevé que la requérante a dénoncé les faits en des termes mesurés, qui expriment le doute qu'elle a eu sur l'intention harcelante de leur auteur.
En conséquence, le Tribunal, constatant l'absence de mauvaise foi ou de volonté de nuire, en déduit qu'aucun manquement au devoir de réserve ne peut être retenu, et annule la sanction disciplinaire.
Pas de contribution, soyez le premier