Par un arrêt du 7 novembre 2025 (Conseil d’Etat, 1ère – 4ème chambres réunies, 7 novembre 2025, 500233), le Conseil d’Etat modernise et clarifie sa jurisprudence relative à l’interruption des délais d’instruction en cas de déclaration d’intention d’aliéner (DIA) incomplète ou erronée.

L’article L. 213-2 du code de l’urbanisme impose au titulaire du droit de préemption d’exercer le droit de préemption urbain dans un délai strict de deux mois à compter de la réception de la DIA.

Depuis l’arrêt Finadev (Conseil d’Etat, 24 juillet 2009, 316158), le juge administratif admettait que ce délai pouvait être interrompu par une demande de précisions si la DIA était incomplète ou entachée d’une erreur substantielle concernant la consistance du bien, son prix ou les conditions de son aliénation. Le délai repartait alors intégralement à compter de la réception d’une DIA corrigée.

La loi ALUR du 24 mars 2014 est venue compléter ce mécanisme en permettant au titulaire du droit de préemption de solliciter des pièces complémentaires. Cette demande a pour effet non pas d’interrompre mais de suspendre le délai d’instruction, et uniquement pour les documents listés par l’article R. 213-7 du code de l’urbanisme. Elle ne concerne donc pas les hypothèses d’erreur substantielle, toujours régies par la jurisprudence Finadev.

Par son arrêt du 7 novembre 2025, le Conseil d’État opère ainsi une mise au point bienvenue en distinguant clairement le régime applicable :

  • à la DIA incomplète : suspension du délai de deux mois par une demande de communication de documents.
  • à la DIA entachée d’une erreur substantielle : le délai de deux mois ne court qu’à compter de la réception d’une DIA rectifiée.

 

L’affaire : une discordance apparente qui ne constitue pas une erreur substantielle

En l’espèce, une DIA mentionnait l’existence d’un bâtiment endommagé sur le terrain. La promesse de vente annexée indiquait que ce bâtiment serait démoli avant la signature de l’acte, pour délivrer un terrain nu. La commune a demandé une nouvelle DIA au motif d’une prétendue discordance, puis a préempté le bien.

Le juge des référés avait considéré que cette discordance constituait une erreur substantielle, interrompant le délai de deux mois. Le Conseil d’État censure cette analyse dès lors que le bâtiment endommagé existait effectivement au jour de la DIA ; la mention d’une démolition future n’affectait pas la consistance actuelle du bien ; la DIA n’était entachée d’aucune erreur substantielle.

La demande de transmettre une nouvelle DIA n’a donc pas interrompu le délai de préemption. La décision de préempter, prise après l’expiration du délai de deux mois, était tardive.

 

Ce qu’il faut retenir

1. DIA erronée (erreur substantielle)

➡ Aucun délai ne court tant que la DIA n’est pas corrigée.
➡ L’erreur doit porter sur :

  • la consistance réelle du bien,
  • le prix,
  • les conditions de l’aliénation.

Seule la réception d’une DIA rectifiée fait courir le délai de deux mois.

2. DIA simplement incomplète

➡ Le délai de deux mois court dès la réception de la DIA.
➡ Le titulaire du droit de préemption peut demander des pièces complémentaires listées à l’article R. 213-7, ce qui :

  • suspend le délai,
  • et garantit un délai minimal d’un mois après réception des pièces.

 

Conseil d’Etat, 1ère – 4ème chambres réunies, 7 novembre 2025, 500233