Le présent article d’analyse a pour objectif d’éclairer les autorités gabonaises sur l’importance du respect strict des principes constitutionnels régissant les relations entre l’Exécutif et le Législatif, conformément à la Constitution de la République Gabonaise.
Le bon fonctionnement des institutions repose sur la claire séparation des pouvoirs, principe cardinal de tout État de droit, garanti par la Loi fondamentale et inspiré des grands modèles constitutionnels modernes.
Cependant, cette séparation ne saurait se réduire à une simple absence de cumul de fonctions. Elle exige une éthique institutionnelle, une discipline politique, et des pratiques conformes à la morale publique.
Il conviendrait donc de mesurer la portée réelle de l’incompatibilité entre les fonctions gouvernementales et parlementaires, non seulement comme une obligation constitutionnelle, mais comme une exigence de loyauté et de responsabilité politique.
Le respect de cette exigence conditionnerait à la fois la stabilité politique, la crédibilité du régime, et la confiance du Peuple Gabonais dans ses institutions.
I. L’équilibre des pouvoirs pour une gouvernance responsable
L’article 70 de la Constitution gabonaise dispose que : « Les membres du Gouvernement sont choisis au sein du Parlement et en dehors de celui-ci. »
Cette disposition permettrait d’intégrer au sein de l’Exécutif des personnalités issues du Parlement, dotées d’une légitimité populaire et d’une connaissance approfondie des travaux législatifs.
Une telle ouverture contribuerait à renforcer la coordination politique entre les deux pouvoirs.
Cependant, cette flexibilité ne saurait justifier des allers-retours incessants entre les fonctions exécutives et parlementaires.
Le véritable équilibre des pouvoirs exige que chaque autorité demeure dans son champ de compétence, sans interférence ni confusion d’intérêts.
D’ailleurs, l’article 73 énonce clairement que : « Les fonctions de membre du Gouvernement sont incompatibles avec l’exercice d’un mandat parlementaire. »
Cette règle vise non seulement à éviter toute mainmise du pouvoir exécutif sur le législatif mais aussi à assurer la sincérité du contrôle parlementaire.
Pour que cet objectif soit atteint, le parlementaire nommé ministre devrait donc renoncer définitivement à son mandat, afin que son suppléant prenne la relève.
Ce mécanisme permettrait de maintenir l’intégrité du Parlement et d’éviter la tentation d’une carrière circulaire entre les deux pouvoirs, qui diluerait le sens du mandat électif.
L’incompatibilité constitutionnelle poursuit ainsi un double objectif. D’abord assurer la loyauté exclusive du ministre à l’action gouvernementale, sans interférence avec le débat parlementaire. Puis réserver l’indépendance du Parlement, garant du contrôle de l’Exécutif et de la représentation nationale.
Tout manquement à cette exigence pourrait fragiliser l’équilibre institutionnel et ouvrirait la voie à une concentration du pouvoir contraire à l’esprit républicain.
Comme l’enseignait Montesquieu, « pour qu’on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir. ».
Le va-et-vient entre Gouvernement et Parlement irait précisément à l’encontre de cette sagesse politique.
II. La clarté des responsabilités et la stabilité institutionnelle : un enjeu moral et démocratique
L’interdiction du va-et-vient entre l’Exécutif et le Législatif garantirait une transparence essentielle des responsabilités :
• Le Gouvernement exécuterait la loi ;
• Le Parlement voterait et contrôlerait cette loi.
Cette pratique traduirait la volonté de séparer l’action et le contrôle, l’exécution et la représentation.
En effet, cette pratique permettrait d’éviter que le citoyen ne perçoive les institutions comme un cercle fermé de privilèges, où les mêmes acteurs se succèdent indéfiniment entre deux fonctions.
La moralisation de la vie publique passerait donc par une discipline institutionnelle, où chaque acteur assume clairement son rôle devant la Nation.
L’article 114 de la Constitution gabonaise confère à la Cour Constitutionnelle le pouvoir de statuer sur la déchéance du mandat des Députés et des Sénateurs, et donc de veiller à l’application du principe d’incompatibilité.
Dans l’esprit de la Constitution, la Cour ne devrait pas se contenter d’un contrôle formel, mais exercer un rôle de veille éthique et institutionnelle, garantissant que les pratiques politiques respectent la logique de la séparation des pouvoirs.
Une telle vigilance constitutionnelle contribuerait à instaurer une culture de respect des textes, condition sine qua non de la crédibilité du pouvoir d’État.
Pour conclure, préserver la crédibilité, la stabilité et l’efficacité des institutions gabonaises, le respect du principe d’incompatibilité des fonctions devrait devenir une exigence non négociable.
Avoir une pratique interdisant les va-et-vient entre le Gouvernement et le Parlement reviendrait à affirmer :
• la loyauté institutionnelle des responsables publics ;
• la moralisation et la responsabilisation de la vie politique ;
• et l’attachement sincère des gouvernants à l’État de droit.
La République gabonaise ne saurait s’affermir durablement que si ses institutions fonctionnent dans la clarté, la rigueur et la séparation effective des pouvoirs.
La réforme des pratiques politiques, soutenue par un juge constitutionnel vigilant et un sens élevé de la morale publique, permettrait de consolider l’État de droit et de garantir au Peuple Gabonais une gouvernance intègre et responsable.
Me Mabika Sauze


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