Pour éclairer immédiatement le lecteur sur l’enjeu principal, ce bloc synthétise les effets essentiels de la suppression de la limite de trois mandats successifs au comité social et économique. Il répond directement à la question : que change concrètement la loi du 24 octobre 2025 pour les entreprises, les élus et les organisations syndicales ?
- La limitation légale de trois mandats successifs au cse est entièrement supprimée, l’article [[L.2314-33 du Code du travail]] ayant été modifié par la loi n°2025-989.
- La suppression est applicable immédiatement, depuis le 26 octobre 2025, sans dispositif transitoire et quels que soient l’effectif de l’entreprise et le cycle électoral.
- Les élus peuvent désormais se représenter sans plafond, permettant une continuité de l’expérience représentative dans les entreprises.
- Les syndicats disposent d’un vivier élargi pour désigner un délégué syndical, l’article [[L.2143-3 du Code du travail]] n’intégrant plus la référence à la limite des trois mandats.
- Les entreprises doivent mettre à jour leurs protocoles préélectoraux, documents internes et pratiques RH, la limitation n’ayant plus de fondement juridique.
Avant la réforme : un plafonnement à trois mandats successifs
Sous l’empire des ordonnances de 2017, l’article [[L.2314-33 du Code du travail]] fixait une limite claire : dans les entreprises d’au moins 50 salariés, un élu du cse ne pouvait pas exercer plus de trois mandats successifs.
L’objectif affiché était de :
- favoriser le renouvellement des élus et des pratiques de représentation ;
- éviter la constitution de « professionnels du mandat » installés de manière quasi permanente ;
- ouvrir la voie à de nouveaux candidats, notamment parmi les jeunes salariés.
Une atténuation existait toutefois. Dans les entreprises dont l’effectif était compris entre 50 et 300 salariés, le protocole d’accord préélectoral pouvait écarter cette limite. Cette faculté répondait à une réalité souvent rencontrée : un vivier de candidats restreint, et une forte dépendance à quelques élus expérimentés sur les sujets économiques, sociaux et santé-sécurité.
En pratique, cette limitation a été vivement critiquée par les organisations syndicales et par une partie de la doctrine. Elle était perçue comme un frein à la montée en compétence des représentants, là où les cycles de négociation, les restructurations ou les projets stratégiques s’inscrivent sur plusieurs années. L’accord national interprofessionnel du 14 novembre 2024 sur l’évolution du dialogue social a donc clairement recommandé la suppression de cette règle, ouvrant la voie à l’intervention du législateur.
La nouvelle règle : une suppression pure et simple de la limite
L’article 8 de la loi n° 2025-989 modifie l’article [[L.2314-33 du Code du travail]] en supprimant les alinéas relatifs à la limite de trois mandats successifs. Le texte ne crée pas de mécanisme de substitution. Il efface la règle, sans la remplacer.
Quelques points doivent être soulignés pour une bonne compréhension :
- aucune disposition transitoire n’est prévue ;
- en application de l’article 1er du Code civil, la nouvelle règle est applicable depuis le 26 octobre 2025, lendemain de la publication au Journal officiel ;
- la suppression vaut pour toutes les entreprises, sans distinction d’effectif ;
- un élu qui avait déjà atteint trois mandats successifs peut désormais se représenter, si son organisation syndicale le souhaite et si les électeurs lui maintiennent leur confiance.
La loi modifie par ailleurs l’article [[L.2143-3 du Code du travail]] relatif à la désignation des délégués syndicaux. Auparavant, ce texte mentionnait la possibilité, pour un syndicat, de désigner son délégué syndical parmi ses anciens élus ayant atteint la limite de trois mandats successifs au cse. La référence disparaît logiquement. Désormais, le syndicat peut désigner son délégué syndical parmi tous ses anciens élus, sans condition liée au nombre de mandats déjà exercés.
L’ensemble participe d’une même logique : reconnaître la valeur de l’expérience, y compris lorsque le mandat représentatif s’inscrit dans la durée.
Les conséquences pratiques pour les entreprises
Pour les directions d’entreprise et les services RH, cette évolution appelle des ajustements immédiats, y compris en amont des prochains scrutins.
Mise à jour des pratiques électorales
Les entreprises doivent d’abord s’assurer que leurs documents internes sont à jour :
- notes d’information aux salariés ;
- guides de préparation des élections ;
- projets de protocoles d’accord préélectoraux.
Toute référence à la limite de trois mandats successifs doit être supprimée. Le maintien d’une telle clause dans un protocole préélectoral serait juridiquement contestable, dans la mesure où elle serait contraire à une disposition légale désormais abrogée.
Recomposition possible du paysage représentatif
La suppression du plafond ouvre la voie à la reconduction de listes fortement implantées, dans les entreprises où les équipes sortantes bénéficient d’une adhésion durable.
Cela peut présenter des avantages :
- continuité dans la conduite des dossiers sensibles ;
- meilleure maîtrise des sujets économiques, financiers et stratégiques ;
- relation de travail plus structurée entre la direction et des interlocuteurs aguerris.
Mais certains risques existent également :
- difficulté accrue pour de nouveaux candidats de trouver leur place ;
- sentiment de verrouillage du dialogue social dans certaines équipes ;
- tensions internes entre générations de représentants.
Les directions RH devront, le cas échéant, travailler avec les organisations syndicales pour encourager des combinaisons d’équipes, associant élus expérimentés et nouveaux entrants.
Impact sur la gestion des compétences des élus
En l’absence de plafond, la question de la formation des élus prend une dimension nouvelle. Plus un mandat dure, plus l’exigence de compétence s’accroît.
Il devient pertinent de structurer une véritable politique de développement des compétences des représentants, en s’appuyant notamment sur :
- les formations économiques et santé-sécurité prévues par le Code du travail [[L.2315-63 et suivants du Code du travail]] ;
- des modules complémentaires adaptés au contexte de l’entreprise (transformation, numérique, environnement, etc.).
Quels ajustements pour les syndicats et les élus
Pour les organisations syndicales, la suppression de la limite constitue à la fois une opportunité et une responsabilité.
Continuité des mandats et stratégie syndicale
Les syndicats peuvent désormais construire de véritables parcours de représentation, en s’appuyant sur des élus confirmés. Cela peut renforcer :
- la capacité de négociation ;
- la connaissance fine des équilibres internes ;
- la crédibilité des positions défendues en commission ou en instance.
Mais cette continuité devra être conciliée avec une préoccupation légitime : renouveler les profils et préparer les relais générationnels, afin d’éviter qu’un mandat à durée illimitée ne décourage l’engagement des plus jeunes.
Désignation des délégués syndicaux
La modification de l’article [[L.2143-3 du Code du travail]] élargit le vivier de désignation des délégués syndicaux.
En cas d’absence de candidat ayant obtenu 10 % des suffrages à titre personnel, ou lorsque les élus remplissant cette condition renoncent à exercer la fonction, le syndicat peut désigner un délégué syndical parmi :
- ses autres candidats ;
- ses adhérents ;
- ses anciens élus, sans restriction liée à un nombre de mandats successifs.
Cet élargissement renforce la capacité des organisations à trouver un profil pertinent, notamment dans des contextes où les ressources militantes sont limitées.
Ce qu’il faut retenir pour les directions et les praticiens du droit social
En synthèse, la suppression de la limite de trois mandats successifs au cse emporte plusieurs messages forts :
- le législateur acte la valeur de l’expérience représentative et ne souhaite plus en organiser la fin automatique ;
- les entreprises doivent actualiser sans délai leurs pratiques, leurs documents électoraux et leurs supports de communication ;
- les services RH gagneront à anticiper les effets de ce changement sur la cartographie des instances et sur la dynamique des prochaines élections ;
- les syndicats disposent d’une marge de manœuvre accrue pour capitaliser sur leurs élus expérimentés, tout en restant responsables de la préparation du renouvellement.
Pour les professionnels du droit du travail, ce nouveau cadre invite à revisiter les stratégies de sécurisation des élections, d’accompagnement des élus et de gestion des contentieux. La règle des trois mandats successifs appartenant désormais au passé, c’est un nouveau paysage du dialogue social qui se dessine, centré sur la durée, la compétence et la stabilité des acteurs.

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