Aux termes d’un arrêt du 21 décembre 2023, la Cour de cassation a estimé que les autorisations environnementales constituent des autorisations globales uniques excluant la compétence du juge des référés judiciaire pour se prononcer sur une demande de suspension d’activité au motif du trouble manifestement illicite résultant de l’absence de dérogation à l’interdiction de destruction d’une espèce protégée, prévue par l ‘article L. 411-2 du code de l’environnement.
Rappelons qu’aux termes de l’article 834 du Code de procédure civile :
« Dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend. »
L’article 835 du même Code précise que :
« Le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire. »
Il résulte de ces dispositions que le juge des référés civils est le juge de droit commun compétent pour mettre un terme à un trouble manifestement illicite.
Toutefois, pour la Cour de cassation, il n’appartient pas au juge civil des référés de substituer son appréciation à celle de l’autorité administrative qui a délivré l’autorisation :
« 17. (…) les autorisations environnementales délivrées au titre de la police de l’eau et de celle des ICPE constituent, quelle que soit leur date de délivrance, des autorisations globales uniques excluant la compétence du juge des référés judiciaire pour se prononcer sur une demande de suspension d’activité au motif du trouble manifestement illicite résultant de l’absence de dérogation à l’interdiction de destruction de l’une de ces espèces protégées.
18. Pour ordonner la suspension provisoire de tous travaux sur le site de la carrière jusqu’à l’obtention par la société d’une dérogation à l’interdiction de la destruction d’espèces protégées prévue par l’article L.411-2 du code de l’environnement, l’arrêt retient que l’action engagée par les associations ne vise ni à contester la légalité des arrêtés préfectoraux des 15 décembre 2010 et 29 juin 2012, ni à solliciter l’interdiction définitive de l’exploitation de la carrière, ce qui contrarierait ces arrêtés, mais à faire cesser des infractions aux dispositions de l’article L.411-1 du code de l’environnement, de sorte que, le préfet du Var ayant fondé ces arrêtés sur les seules dispositions du code forestier et celles du titre I du livre V du code de l’environnement relatif aux ICPE, le juge judiciaire, en se déclarant compétent pour connaître du débat engagé sur le fondement des articles L.411-1 et L.411-2 du code de l’environnement, relatifs à la protection du patrimoine naturel, ne contrarie aucune décision de l’administration et ne substitue en rien sa propre appréciation à celle de l’autorité administrative laquelle n’a pris aucune position sur ce sujet.
19. Il ajoute que la demande des associations ne se heurte pas à l’autorité de la chose jugée de l’arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille du 13 octobre 2017 puisque le moyen d’illégalité qu’elle a écarté était inopérant dans le cadre du recours en légalité porté devant elle, l’absence de dérogation ne pouvant entacher d’illégalité l’arrêté mais seulement conduire au constat d’une infraction pour en tirer les conséquences en termes de poursuites et /ou mesures palliatives.
20. En statuant ainsi, la cour d’appel, qui a substitué son appréciation à celle de l’autorité administrative, a violé les textes susvisés. » (Cass, 21 décembre 2023, n°23-14.343).
Le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires s’oppose à ce que le juge judiciaire substitue sa propre appréciation à celle que l’autorité administrative a portée en application de ses pouvoirs de police spéciale.
Le juge judiciaire n’est donc compétent que pour indemniser les tiers des préjudices qu’ils subissent ou pour faire cesser un trouble à venir sans pour autant pouvoir aller à l’encontre des mesures édictées par l’administration au titre de ses pouvoirs de police spéciale.
Jérôme MAUDET
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