Créer une SCI entre époux mariés sous le régime de la communauté est une pratique courante, parfois même « recommandée ». Pourtant, derrière cette apparente simplicité se cache un risque juridique majeur : celui d'une dissociation entre pouvoirs, droits et patrimoine, source fréquente de conflits postérieurs. Divorce, succession, mésentente familiale… Les exemples sont légion. Dans cet article, je vous propose une lecture stratégique : celle d’un avocat praticien, qui structure ces dispositifs pour les faire tenir dans la durée, éviter les pièges… et tenir bon en cas de conflit.

1. SCI entre époux communs en biens : l’illusion de la liberté L’article 1832-2 du Code civil permet à un époux, même en communauté, de devenir seul associé… à condition que le conjoint n’en revendique pas la moitié des parts financées par des fonds communs. Et ce droit de revendication peut s’exercer :

•    à tout moment durant le mariage,

•    jusqu’au jugement définitif de divorce,

•    et même au moment du partage de la communauté.

En clair : votre conjoint peut n’avoir jamais été associé sur le papier… mais revendiquer 50 % des parts, avec tous les droits politiques et financiers associés.

Stratégie :

•    Anticiper une renonciation formalisée dans les statuts (clause expresse, signée, irrévocable). •    Prévoir une clause d’agrément spécifique à l’entrée du conjoint par revendication (non assimilable à une cession !).

•    Gérer avec rigueur la période d’indivision post-communautaire.

 2. Ne pas confondre « titre » et « finance »… mais maîtriser les deux

Une part sociale acquise pendant le mariage avec des fonds communs appartient à la communauté pour sa valeur, même si le titre appartient à l’époux seul. C’est la fameuse théorie du titre et de la finance. Et cela signifie concrètement que :

•    La gestion reste individuelle,

•    Mais les fruits (dividendes, comptes courants créditeurs, plus-values) reviennent à la communauté.  Problème : en cas de divorce ou de succession, c’est la valeur réelle de la part ou du compte courant qui devra être restituée, souvent à des dates éloignées de la cession, avec incertitudes sur l’évaluation, la trésorerie, voire l’existence même de la société.

Stratégie : •    Distinguer dans les statuts résultat courant / réserves / plus-values,

•    Éviter les affectations automatiques au compte courant,

•    Reporter la distribution en réserves pour préserver l’étanchéité juridique.

 3. Anticiper les conflits familiaux par le droit des sociétés
L’erreur classique est de croire que le droit des successions, du divorce ou de l’indivision suffira à « régler les conflits ». Faux. C’est le droit des sociétés qui prime, et c’est lui qui :

•    bloque l’entrée d’un héritier dans la société,

•    paralyse les votes si les statuts sont mal rédigés,

•    entraîne la dissolution en cas de vacance de gérance ou d’objet social trop étroit.

4. Une vraie SCI protectrice se conçoit comme un pacte stratégique

Les statuts d’une SCI doivent modéliser la vie de la société sur 20, 30, 40 ans. Il faut donc penser :

•    Transmission,

•    Décès,

•    Divorce,

•    Indivision postérieure,

•    Relations intergénérationnelles.

Et cela ne peut se faire avec un modèle-type. Il faut un schéma stratégique, sur-mesure.

Parce qu’un statut bien rédigé aujourd’hui, c’est des années de sécurité demain. C'est là où j’interviens, à la jonction du droit patrimonial, du droit des régimes matrimoniaux, du droit fiscal et du droit des sociétés. Et parce que je défends vos intérêts dans le temps long.