Il n’y a rien de plus frustrant que de tomber malade au moment où l’on profite enfin de ses vacances. Jusqu’à peu, le droit français considérait qu’un salarié malade au cours de ses congés payés perdait les jours correspondants. Autrement dit, ces jours étaient considérés comme consommés, même s’ils n’avaient pas permis au salarié de bénéficier d’un véritable repos.
La situation a changé. Par un arrêt important du 10 septembre 2025 (Cass. soc., n° 23-22.732 FP-BR), la Cour de cassation a reconnu que la maladie pendant les congés payés ouvre droit au report des jours de repos. Cette évolution rapproche le droit français du droit européen et constitue une avancée significative pour les salariés.
Cet article vous explique en détail ce que cela signifie concrètement pour vous, salarié : vos droits, les démarches à accomplir et les points de vigilance à garder en tête.
Pourquoi la maladie pendant les congés payés est-elle une question si importante ?
Des congés payés faits pour se reposer
Les congés payés existent pour une raison simple : permettre au salarié de se reposer et de se ressourcer après plusieurs mois de travail. L’article L. 3141-3 du Code du travail prévoit que tout salarié a droit à 2,5 jours ouvrables de congé par mois de travail effectif, soit 30 jours ouvrables par an.
Une injustice ressentie par de nombreux salariés
Avant 2025, si vous tombiez malade pendant vos congés, ces jours étaient considérés comme perdus. Vous perceviez votre indemnité de congé payé, mais vous ne pouviez pas décaler vos vacances pour en profiter réellement.
Concrètement, si vous aviez une semaine de congés et que vous étiez cloué au lit pendant 4 jours, vous ne pouviez pas « récupérer » ces 4 jours. Cette situation créait un sentiment d’injustice, d’autant plus que l’on se retrouvait à la fois privé de vacances et empêché de travailler.
Comment la jurisprudence a-t-elle évolué ?
La position ancienne de la Cour de cassation
La Cour de cassation refusait le report au motif que le contrat de travail était déjà suspendu pendant les congés payés. La maladie, survenant pendant cette période, ne créait pas une nouvelle suspension du contrat.
Il en résultait que le salarié :
- gardait son indemnité de congés payés ;
- pouvait percevoir en parallèle des indemnités journalières de sécurité sociale ;
- mais ne pouvait pas réclamer de jours supplémentaires de congés.
Le droit européen en faveur des salariés
Le droit de l’Union européenne a toujours été plus protecteur. La CJUE (Cour de justice de l’Union européenne) considère que la maladie et les congés payés ont deux objectifs distincts :
- le congé payé sert au repos et aux loisirs ;
- le congé maladie vise à se rétablir.
Dès lors, tomber malade pendant ses congés ne permet pas de se reposer réellement. C’est pourquoi la CJUE a jugé que le salarié doit pouvoir reporter les jours de congé affectés par la maladie (CJUE, 21 juin 2012, aff. C-78/11).
La mise en conformité de la France
Face à une mise en demeure de la Commission européenne en juin 2025, la Cour de cassation a changé sa jurisprudence. L’arrêt du 10 septembre 2025 marque donc un tournant : il aligne le droit français sur le droit européen.
Quels sont vos droits aujourd’hui si vous tombez malade pendant vos congés ?
Désormais, si vous êtes malade pendant vos vacances, vous pouvez demander à ce que les jours correspondants soient reportés.
Les conditions à respecter
- Notifier votre arrêt maladie : vous devez envoyer votre arrêt à votre employeur dans les 48 heures, comme pour toute maladie (C. séc. soc., art. R. 321-2).
- Justifier médicalement votre incapacité : l’arrêt doit couvrir les jours concernés.
- Demander le report : les jours ne sont pas automatiquement ajoutés, il faut en faire la demande auprès de votre employeur.
La période de report
Depuis la loi du 22 avril 2024, les congés non pris en raison d’un arrêt maladie peuvent être reportés dans un délai maximum de 15 mois après la fin de la période de référence. Cela signifie que vous ne perdez plus vos droits, mais vous devez les utiliser dans ce délai.
Exemple concret
Vous posez 10 jours en août. Le 15 août, vous êtes arrêté 5 jours pour une grippe. Vous prévenez votre employeur et fournissez un certificat. Résultat : vos 5 jours de congé « perdus » sont re-crédités. Vous pourrez les reprendre plus tard, dans la limite des 15 mois fixés par la loi.
Quelle indemnisation pendant la maladie survenue pendant les congés payés ?
Il est important de comprendre que deux régimes s’articulent :
- L’indemnité de congés payés : elle reste due, même si vous êtes malade.
- Les indemnités journalières de la sécurité sociale (IJSS) : vous y avez droit en fonction des conditions habituelles (ancienneté, cotisations, etc.).
En pratique, vous pouvez cumuler l’indemnité de congés payés et les IJSS. En revanche, sauf disposition conventionnelle particulière, votre employeur n’est pas obligé de vous verser une indemnité complémentaire.
Quelles démarches concrètes pour les salariés ?
1. Informer son employeur rapidement
Envoyez votre arrêt dans les 48 heures, même si vous êtes en congé. Cela permettra de justifier la période d’incapacité et d’activer le droit au report.
2. Conserver une preuve de l’envoi
Que ce soit par courrier recommandé, mail ou via un espace salarié, gardez toujours une trace de la transmission. En cas de litige, cela pourra être déterminant.
3. Vérifier son compteur de congés
Après l’arrêt, contrôlez que vos jours ont bien été re-crédités. Si ce n’est pas le cas, demandez une régularisation auprès du service RH.
4. Anticiper le report
Pensez à programmer vos congés reportés dans les 15 mois. Passé ce délai, ils pourraient être perdus.
Quels recours en cas de refus de l’employeur ?
Si l’employeur refuse de reconnaître vos droits, vous pouvez :
- lui rappeler la jurisprudence récente (Cass. soc., 10 septembre 2025) et l’article L. 3141-3 du Code du travail interprété à la lumière du droit européen ;
- saisir le conseil de prud’hommes pour demander la restitution des jours non pris.
Les juges appliqueront le principe du report en cas de maladie, désormais bien établi.
Maladie pendant les congés payés : conseils pratiques aux salariés
- Ne tardez jamais à envoyer votre arrêt maladie.
- Gardez systématiquement une copie de vos justificatifs.
- Vérifiez toujours la mise à jour de vos compteurs de congés.
- N’hésitez pas à échanger avec vos RH pour planifier vos jours reportés.
- En cas de doute, rapprochez-vous d’un avocat en droit du travail dans les Yvelines 78 pour sécuriser vos démarches.
La reconnaissance du droit au report des congés payés en cas de maladie constitue une avancée majeure pour les salariés. Vous n’êtes plus pénalisé si la maladie vient gâcher vos vacances : vos jours de repos vous sont garantis et doivent être reprogrammés dans un délai de 15 mois.
Cette décision marque un alignement avec le droit européen et renforce le droit fondamental de chaque salarié à bénéficier d’un véritable repos. En tant que salarié, il vous appartient toutefois d’être vigilant : transmettez vos arrêts à temps, vérifiez vos compteurs et, en cas de difficulté, n’hésitez pas à faire valoir vos droits.
Pas de contribution, soyez le premier