Dans une décision obtenue par le cabinet en date du 7 mars 2024, le juge départiteur du conseil des prud’hommes de Paris condamne la RATP pour harcelement moral discriminatoire en raison de l’état de santé de l’agent.

 

Dans le cas d’espèce, l’agent machiniste receveur (conducteur de bus) connaissait de grave problème de santé entrainant de longue période d’arrêt maladie. Le salarié a noté un changement d’attitude de son employeur à compter de ses arrêts avec notamment une progression professionnelle moins rapide que ses collègues, des promotions ou formations subordonnées à l’amélioration de son « présentéisme » et des sanctions disciplinaires très nombreuses et injustifiées.

 

1. L’aménagement de la prescription

Rappelons que normalement les délais des prescriptions concernant le harcèlement moral et la discrimination sont de 5 ans.

La décision commence donc par préciser, que les faits dénoncés ne sont pas prescrits car le dernier fait constitutif d’un harcèlement moral discriminatoire s’est produit pendant une période non prescrite.

Autrement dit :

  • Si un seul des faits que vous dénoncez n’est pas prescrit alors vous pouvez vous prévaloir de l’ensemble des faits (mêmes anciens) pour démontrer l’existence d’un harcelement moral discriminatoire ;

Dans le cas d’espèce, le jugement relève qu’un fait laissant supposer l’existence d’une discrimination date de 2020 à savoir le fichage illégal des agents concernant notamment leur jour d’arrêt maladie ou de grève fichage illégal révélé par Médiapart.

Dès lors, le salarié peut se prévaloir de faits datant de 2011 (plus de 5 ans avant la saisine) pour démontrer l’existence d’un harcèlement moral discriminatoire.

C’est la position de la cour de cassation concernant la discrimination (Cour de Cassation, 31 mars 2021, n°19-22557) et le harcèlement moral (Cour de Cassation, 9 juin 2021, n°19-21931).

2. L’aménagement de la charge de la preuve

En matière de harcèlement moral comme en matière de discrimination, le salarié bénéficie d’un aménagement de la charge de la preuve.

Le salarié ne doit démontrer « que » des faits laissant supposer l’existence d’un harcèlement moral et/ ou d’une discrimination (L. 1134-5 du code du travail concernant la discrimination, Article 2224 du Code civil pour le harcèlement moral).

Une fois ces faits démontrés, il appartient à l’employeur de démontrer que lesdits faits sont étrangers à tout harcèlement moral ou discrimination.

En l’espèce, le juge départiteur estime que les faits laissant supposer l’existence d’un harcèlement moral discriminatoire en raison de l’état de santé du salarié sont les suivants :

  • Les faits démontrés par des observations formulées à plusieurs reprises au sein des entretien d’évaluation du salarié, pour l’employeur de subordonner toute formation ou promotion à une amélioration du « présentéisme » du salarié ce dernier étant absent uniquement pour des arrêts de travail justifiés ;

 

  • Le fichage illégal réalisé par l’employeur de l’ensemble des salariés du dépôt fichant notamment le salarié concernant ses jours d’absence pour congés maladie ;

 

  • Une attestation d’un collègue attestant de l’acharnement particulier dont faisait preuve la direction à l’égard du salarié ;

 

  • Les éléments médicaux versés au dossier qui attestaient d’une dégradation de l’état de santé moral du salarié consécutif à ses divers manquements ;

 

Le juge départiteur indique donc ainsi que des faits laissant supposer l’existence d’un harcèlement moral discriminatoire en raison de l’état de santé du salarié sont attestés.

 

L’employeur étant défaillant à apporter la preuve contraire il est condamné pour harcèlement moral discriminatoire.

 

 

Décision commentée : Conseil des prud’hommes départage, 7 mars 2024, décision non définitive appel en cour.