Diviser un bâtiment existant en plusieurs logements est une démarche qui séduit de plus en plus de propriétaires. Que ce soit pour optimiser un bien immobilier, le rentabiliser ou répondre à une demande croissante de petites surfaces, ce projet nécessite une préparation rigoureuse, qu’il serait bien audacieux d’entreprendre sans être accompagné par un professionnel de l’immobilier.
A cet égard, la pratique révèle qu’une question revient de façon très récurrente chez les marchands de biens et chez les amateurs qui se lancent dans ce type d’opérations : est-il nécessaire d’obtenir une autorisation préalable, prosaïquement dénommée « permis de diviser » ?
La réponse à cette interrogation demeure malheureusement insatisfaisante : PAS TOUJOURS / CA DEPEND …
Elle n’est en revanche pas à balayer d’un revers de main, tant les sanctions pénales et administratives, qui peuvent en découler en cas de réalisation d’une telle opération immobilière sans permis de diviser, peuvent être lourdes de conséquences.
Voyons alors dans quels cas le permis de diviser est ou non nécessaire, et dans quelles conditions il est possible de l’obtenir. Tour d’horizons.
I. De l’instauration du permis de diviser et de sa nécessité :
Le permis de diviser, instrument juridique créé pour encadrer la division des biens immobiliers en plusieurs logements, a été instauré par l’ordonnance n° 2020-71 du 29 janvier 2020. Cette ordonnance a introduit deux articles au sein du Code de la construction et de l’habitation (CCH) : les articles L. 126-18 et L. 126-19, chacun définissant une hypothèse distincte pour l’instauration de ce permis.
A noter que le permis de diviser n’est pas systématiquement requis sur l’ensemble du territoire. Sa mise en place est laissée à l’appréciation des collectivités territoriales, ce qui permet d’adapter la mesure aux spécificités locales.
Il peut être instauré :
-Par une commune, ou ,
-Par un Établissement Public de Coopération Intercommunale (EPCI) tel qu’une métropole, une communauté urbaine, une communauté d’agglomération ou une communauté de communes, auquel la commune appartient.
La mise en œuvre du permis de diviser nécessite l’adoption d’une délibération par l’organe délibérant de l’EPCI ou de la commune concernée. Cette délibération formalise la décision d’exiger un permis de diviser dans les zones désignées.
Le permis de diviser peut être instauré dans deux cas distincts, définis respectivement par les articles L. 126-18 et L. 126-19 du Code de la construction et de l’habitation.
A. Première hypothèse : dans les zones présentant ou risquant de présenter un habitat dégradé (art. L. 126-18)
Selon cet article, le permis de diviser peut être exigé dans les zones où :
-Une proportion importante d’habitat dégradé est déjà présente, ou
-Il existe un risque de développement de l’habitat dégradé.
Pour décider de l’instauration de ce permis, l’organe délibérant doit tenir compte :
-Du Plan Départemental d’Action pour le Logement et l’Hébergement des Personnes Défavorisées.
-Du Programme Local de l’Habitat (PLH), lorsqu’il est en vigueur. Le cas échéant, l’avis du Préfet de département, représentant de l’État, est également requis avant l’adoption de la délibération.
Cette mesure vise principalement à lutter contre la dégradation de l’habitat et à préserver un parc immobilier de qualité pour les résidents.
B. Seconde hypothèse : au sein des STL1 et STL2 figurant au PLU (art. L. 126-19)
Dans la seconde hypothèse, le permis de diviser est instauré "dans des zones délimitées en application de l'article L. 151-14 du code de l'urbanisme" ; c'est à dire dans les zones urbaines ou à urbaniser au sein desquelles le règlement du PLU à délimiter des secteurs dans lesquels un programme de logements comportent une proportion de logements d'une taille minimale
Il s’agit des secteurs, connus sous les appellations STL1 et STL2, figurant dans les documents graphiques du PLU.
L’objectif ici consiste à préserver un équilibre entre logements de petite et de grande taille, notamment pour répondre aux besoins des familles et éviter une densification excessive de micro-logements.
Dans les deux hypothèses, le permis de diviser est un outil de régulation permettant :
-De limiter la dégradation du parc immobilier,
-De préserver une mixité de tailles de logements dans les zones à forte densité urbaine,
-D’éviter une fragmentation excessive des biens au détriment de la qualité de vie des occupants.
Ce dispositif, en accordant aux communes et aux EPCI la capacité de définir les zones concernées, leur permet de répondre de manière adaptée à leurs problématiques locales.
II. Des conditions d’octroi du permis de diviser :
A. Des conditions formelles
Conformément à l’article L. 126-20 du Code de la construction et de l’habitation, la procédure de demande de permis de diviser, lorsqu’il est instauré, repose sur des règles précises. La demande doit être adressée à l’autorité compétente, qui est soit le maire de la commune, soit le président de l’Établissement Public de Coopération Intercommunale (EPCI), en fonction de la collectivité ayant instauré le dispositif.
Une fois la demande déposée, l’autorité compétente dispose d’un délai légal d’un mois pour statuer. Si aucune réponse n’est donnée dans ce délai, le silence gardé vaut acceptation tacite et le permis de diviser est réputé accordé.
Toutefois, bien que ce silence vaille acceptation, il est important de noter que l’autorité compétente conserve la faculté de retirer ce permis tacite ; même si le code de la construction et de l’habitation est silencieux en la matière.
Pour ce faire, l’autorité doit respecter les conditions prévues par les articles L. 121-1 et L. 242-1 du Code des relations entre le public et l’administration. Le retrait du permis tacite est ainsi soumis à une double condition :
-Premièrement, le retrait ne peut intervenir que dans un délai de quatre mois suivant la délivrance tacite du permis.
-Secondairement, avant toute décision de retrait, l’autorité est tenue de respecter une procédure contradictoire préalable, permettant au pétitionnaire de présenter ses observations.
Lorsqu’une décision explicite de refus est prise après l’expiration du délai d’un mois, cette décision doit être juridiquement considérée comme un retrait du permis tacite et non comme un simple refus initial. Peu importe la dénomination employée dans la décision administrative, elle sera analysée comme une décision de retrait.
Cela implique que cette décision de retrait doit respecter les conditions mentionnées plus haut, à savoir le délai de quatre mois et la mise en œuvre d’une procédure contradictoire.
Dans l’hypothèse où ces conditions ne seraient pas respectées, le retrait serait illégal et pourrait être contesté par le pétitionnaire devant le tribunal administratif territorialement compétent. En cas de recours réussi, le juge administratif pourrait annuler la décision de retrait et ordonner la délivrance d’un certificat confirmant le permis de diviser tacite. Cette annulation rétablirait les droits du pétitionnaire, qui pourrait alors poursuivre son projet en toute légalité.
En pratique, il est essentiel pour les porteurs de projets de suivre attentivement l’évolution des délais après le dépôt de leur demande. Si le délai d’un mois expire sans réponse, le permis tacite est acquis. Toute décision reçue par la suite nécessitera une analyse approfondie pour vérifier si elle respecte les conditions de légalité applicables au retrait. En cas de doute ou de contestation, un recours devant le juge administratif est une option légitime pour faire valoir ses droits et garantir la protection de son projet.
B. Des conditions substantielles
Le permis de diviser, qui permet la division d'un bien immobilier en plusieurs unités d'habitation, est un outil juridique particulièrement encadré, dont les motifs de refus sont particulièrement encadrés légalement. Les conditions substantielles de délivrance de ce permis sont ainsi définies dans le Code de la construction et de l'habitation, et son octroi dépend de deux hypothèses distinctes, chacune ayant des critères spécifiques limitant et encadrant les motifs de refus. Dans chaque cas, ces motifs sont restreints à des situations précises, garantissant ainsi une certaine sécurité juridique pour les demandeurs et porteurs de projets.
1.Le permis de diviser dans les zones présentant ou risquant de présenter un habitat dégradé (art. L. 126-18)
Dans les zones d'habitats dégradés, la division d'un bien immobilier est soumise à des conditions strictes afin d'éviter que de telles divisions ne portent atteinte à la sécurité des occupants et à la salubrité publique. Ces zones concernent des immeubles qui peuvent présenter des risques importants pour les habitants, qu'il s'agisse de problèmes structurels, d'insalubrité ou de périls liés à des bâtiments mal entretenus.
En vertu de l'article L. 126-17 du Code de la construction et de l'habitation, le permis de diviser ne peut être refusé que dans les cas suivants :
-L'immeuble est frappé d'une interdiction d'habiter : cela peut résulter de la dégradation de l'état du bâtiment, rendant l'habitation dangereuse.
-L'immeuble est soumis à un arrêté de péril : ce type d'arrêté est pris lorsqu'un bâtiment présente un risque immédiat pour la sécurité des personnes.
-La superficie des unités créées est inférieure à 14 m² et/ou 33 m³ : la législation impose un certain seuil minimal de surface pour chaque logement afin de garantir un cadre de vie décent. Si la division aboutit à des logements trop petits, le permis peut être refusé.
-Le risque pour la sécurité et la salubrité publique : Le permis peut être refusé si la division des locaux conduit à la création de logements insalubres ou dangereux, mettant ainsi en péril la santé et la sécurité des futurs occupants.
-Etc.
2.Le permis de diviser au sein des STL1 et STL2 (art. L. 126-19)
Le Code de la construction et de l'habitation précise que, dans le cadre des STL1 ou STL2, le permis de diviser ne peut être refusé que dans les cas où les locaux créés ne respectent pas les proportions et tailles minimales définies par le Plan Local d'Urbanisme (PLU). Le PLU établit des règles précises sur la superficie minimale des logements, leur hauteur, leur agencement et leurs conditions d'occupation.
Si la division proposée ne respecte pas ces critères, le permis peut être refusé. Toutefois, ces motifs sont limités, et toute décision de refus fondée sur d'autres critères serait jugée illégale.
3.Des motifs restreints sources de contentieux
Dans les deux hypothèses précitées, les motifs de refus d'un permis de diviser sont expressément limités par la loi. Tout refus basé sur un autre motif non mentionné dans les dispositions légales et réglementaires serait considéré comme illégal. Ce principe de limitation des motifs de refus vise à protéger les droits des demandeurs, en assurant que l'administration ne puisse pas refuser abusivement un permis de diviser.
Ainsi, si un permis de diviser est refusé pour des raisons autres que celles mentionnées dans le Code de la construction et de l'habitation, le demandeur peut contester ce refus par voie administrative et/ou contentieuse. Le recours peut être effectué de deux manières :
-Recours gracieux : Il s'agit d'une démarche amiable consistant à demander à l'autorité administrative qui a pris la décision de revenir sur sa décision de refus. Cette procédure est rapide et permet de régler le litige de manière informelle.
-Recours contentieux devant le juge administratif : si le recours gracieux échoue ou si le demandeur préfère aller directement devant la justice, il peut saisir le tribunal administratif pour demander l'annulation du refus de permis de diviser. Le juge administratif examinera la légalité du refus au regard notamment des critères définis par le Code de la construction et de l'habitation.
Dans les deux cas, il est fortement recommandé de se faire assister par un avocat. L'expertise juridique est précieuse pour garantir la bonne conduite des démarches et pour maximiser les chances de succès dans la contestation du refus.
Pas de contribution, soyez le premier