Un licenciement n’est pas un acte anodin dans la vie d’un travailleur, pour lequel son contrat de travail est bien souvent un élément de stabilité de sa vie personnelle et professionnelle.
En ce sens, l’ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017 réformant l’indemnisation du salarié en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse a déjà fait l’objet de nombreuses contestations et de nombreux Tribunaux en ont pris la mesure.
1. Le problème des indemnités en cas de licenciement
En vertu de l’ancien article L.1235-3 du code du travail, le juge qui constatait un licenciement sans cause réelle et sérieuse octroyait une indemnité au salarié ; « cette indemnité, à la charge de l’employeur, ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. »
Cette indemnisation – fortement protectrice des droits des salariés – était en réalité une extension du principe de droit commun de la réparation intégrale, auquel notre droit Français est profondément attaché, et qui signifie que « tout le dommage, rien que le dommage » doit être réparé.
Dorénavant, selon le nouvel article L.1235-3 du code du travail, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, « dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixé par un tableau », à savoir :
– 1 mois de salaire maximum en cas d’ancienneté de moins d’1 an,
– Entre 1 et 2 mois de salaires maximum en cas d’ancienneté d’1 an,
– Entre 3 et 5 mois de salaires maximum en cas d’ancienneté de 4 ans,
– Etc.
S’agissant des indemnités fixées, il s’agit ici de maximums : quand bien même le préjudice subi par le salarié licencié serait supérieur à ce qui est fixé, l’indemnité sera plafonnée au maximum légalement prévu.
En conséquence directe, cette réforme a 3 effets négatifs pour le salarié :
– Le licenciement devient « prévisible » pour l’employeur, lequel est capable de prévisualiser les conséquences d’un licenciement pouvant devenir stratégique ;
– Le licenciement pourra avoir de graves conséquences pour le salarié sans que son entier préjudice ne puisse être réparé en raison du barème fixé,
– Le dispositif nouveau remet ainsi en cause la sécurité offerte par le CDI en minimisant les conséquences de sa rupture.
A titre d’exemple : prenons un salarié ayant 8 mois d’ancienneté – en CDI selon salaire mensuel de 2 000 euros net – lequel fourni un bon travail sans n’avoir aucune faute à se reprocher ;
Celui-ci croit légitimement, du fait que son contrat soit à durée indéterminée et qu’il s’investisse dans son travail, qu’il dispose d’une sécurité de l’emploi.
Il contracte ainsi un prêt immobilier & nourri de nombreux projets.
En cas de licenciement injustifié, le salarié ne percevra, au maximum, qu’une indemnité égale à un mois de salaire – soit 2 000 euros.
Cette situation pose de véritables questions, puisqu’elle vise à remettre en cause la sécurité offerte par le contrat de travail & à ne plus faire peser sur l’employeur le risque d’une indemnisation légitime en cas de licenciement abusif et injustifié.
2. La solution : l’inconventionnalité de la Loi nouvelle
A dire vrai, plusieurs normes supranationales – donc supérieures aux ordonnances – défendent le principe de réparation intégrale si cher aux droits des salariés.
Ainsi, l’article 24 de la charte sociale européenne énonce quant au droit à la protection en cas de licenciement :
« En vue d’assurer l’exercice effectif du droit à la protection en cas de licenciement, les Parties s’engagent à reconnaître :
a. le droit des travailleurs à ne pas être licenciés sans motif valable lié à leur aptitude ou conduite, ou fondé sur les nécessités de fonctionnement de l’entreprise, de l’établissement ou du service;
b. le droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée. »
L’article 10 de la convention n° 158 de l’OIT sur le licenciement énonce également qu’en cas de licenciement injustifié, « le versement d’une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée » devra être prévu.
Au titre de ces articles, plusieurs conseils des prud’hommes à qui il appartient d’exercer un contrôle de conventionnalité ont jugé que l’ordonnance établissant ledit barème est inconventionnelle et en écarte ainsi l’application, et ce au respect des droits des salariés.
– Le 13 décembre, le conseil des prud’hommes de Troyes a jugé, dans cinq décisions, le barème des indemnités prud’homales contraire à la convention 158 de l’Organisation internationale du travail (OIT) et à la Charte sociale européenne,
– Les conseils des prud’hommes de Lyon, Amiens, Grenoble, ont également jugé en ce sens.
En conclusion, le pouvoir judiciaire n’est donc pas un vain mot et divers conseils des prud’hommes contestent fermement la réforme opérée et ce afin de protéger au mieux les droits des salariés.
Les dispositions nouvelles sont ainsi écartées pour inconventionnalité et la loi ancienne s’applique dans ce cas.
Il ne s’agit cependant que d’un début et de tels jugements ne sont pas systématiques.
Il est ainsi important pour un salarié de faire valoir ses droits en justice afin de soulever l’inconventionnalité des nouvelles normes.
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