Droits fondamentaux des personnes interpellées et placées en garde à vue

Entre 1500 et 2000 personnes placées en garde à vue et davantage encore d’interpellations ont eu lieu ces dernières semaines, des suites du grand mouvement de contestation qui balaie le pays. A bordeaux, en un seul samedi, ce sont près de 50 gardes à vue qui ont été menées. La permanence des Avocats membres de l’Institut de Défens Pénale ont donc été mobilisés en nombre pour la défense de vos droits.

Maître PUJOL - Membre de l’institut de défense pénale de Bordeaux
17 Allées de Tourny – 5è étage – Bordeaux

Dans le mouvement contestataire actuel, les infractions souvent reprochées aux manifestants sont (que vous les ayez commises ou non) : Outrage, rébellion, violences, dégradation de biens avec ou sans emploi d’un moyen dangereux pour autrui, détention illégale d’arme (y compris par destination comme un morceau de barricade, mobilier urbain ou bouteille en verre…).

Dès votre arrestation, le conseil est de ne répondre à aucune question sauf celle relative à votre identité (avoir un élément d’identité sur vous), ne pas faire de quelconques déclarations spontanées, ne pas insulter, provoquer ni avoir un comportement violent envers les agents.

Une fois placé(e) en garde à vue, voici vos droits :

Garder le silence / Voir un médecin / Faire prévenir un proche, ou votre employeur/ Demander à être assisté d’un(e) avocat(e) / Recevoir une notification précise des faits reprochés.

 

POUR RESUMER :

On ne peut pas vous reprocher de garder le silence en garde à vue

Ne suivez pas les « conseils » des agents qui promettent une sortie plus rapide ou une peine plus clémente si vous renoncez à certains droits

Conservez toujours le numéro d’un avocat membre d’un institut de défense pénale ou demandez l’assistance d’un avocat de permanence pénale et ne parlez pas tant que l’avocat(e) n’est pas arrivé(e) : il a deux heures pour arriver

Fiche du manifestant (pacifique)

L’objectif de ce document est de vous indiquer les risques potentiels dans les cas de grands rassemblements et en l’absence de toute violence.

Selon l'article 11 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales, la liberté d'association et de réunion est un droit fondamental qui ne peut être limité que par d'autres mesures prévues par la loi et absolument nécessaires dans une société démocratique, à la sécurité nationale ou à la sûreté publique. Pour le conseil d'État en France la liberté de réunion est une liberté fondamentale reconnue avec un contrôle strict.

 

A) Les infractions traditionnellement reprochées contre les manifestants 

– Rébellion violente (433-6 Code Pénal et s.) et provocation à la rébellion : résistance violente (ou appel à la résistance violente) à l’encontre des forces de l’ordre.

– Outrage (433-5 Code Pénal) : toutes paroles, gestes, écrits, menaces ou envois d’objet qui sont de nature à porter atteinte à la dignité ou au respect dû à la fonction des forces de l’ordre 

– Organisation d’une manifestation illicite (431-9 Code Pénal) : toute personne ayant organisé une manifestation sur la voie publique sans déclaration préalable. Pour la sanction, il faut prouver que ladite personne a utilisé des actions d’instigations pour l’organisation de ladite manifestation et a pris une part active dans sa mise en place.

– Entrave à la circulation (L412-1 du Code de la route) : employer un moyen quelconque pour faire obstacle à la circulation routière (par le biais de son corps ou d’un objet divers) est passible d’une lourde sanction (2ans de prison / 4500€ d’amende).

 Dissimulation de son visage au cours d’une manifestation (R645-14 du Code Pénale) : depuis 2009, la dissimulation de son visage au sein d’une manifestation est passible d’une contravention de 1500€ et peut justifier une action / sommation de dispersion ou contrôle d’identité par les forces de l’ordre.

– Participation à un attroupement susceptible de troubler l’ordre public après que 3 sommations aient été exercées (431-3du Code Pénal) : les conditions de ce délit sont complexes et exigent un trouble à l’ordre public mais aussi qu’aient été réalisées les 3 sommations dans des formes claires pouvant être entendues de tous.

 « Obéissance à la loi. Dispersez-vous » ;« 1ère sommation : Allons faire usage de la force » ;  2ème et dernière sommation : « Dernière sommation : allons faire usage de la force ».

 

B) A respecter pour éviter une sanction : l’absence de violence physique ou verbale 

1) Ne détenir aucune armes (même bombe lacrymogène/à poivre ; petit couteau, etc.)

2) Ne rien ramasser qui puisse servir ou être interprété comme une arme (cailloux, bout de bois, etc.) ;

3) N’être en détention ni sous l’emprise d’aucun stupéfiant ni être dans un état d’ébriété avancé ;

4) Ne pas se masquer le visage de façon à ne pas être reconnu : l’usage de masques de laboratoire, ou lunettes de protections claires, voire lunettes de soleil, de capuches par mauvais temps, ne devraient toutefois pas être interdites si ces accessoires se justifient par un impératif pratique. Les cagoules intégrales sont à éviter.

5) Ne commettre aucun acte violent physiquement ou verbalement envers les policiers ou les passants ou membres du mouvement.

 

C) Contrôle d’identité / Interpellation et éventuelle garde à vue 

Si l’on vous demande d’attester votre identité, demandez courtoisement (surtout si vous êtes filmé) sur quel motif êtes-vous contrôlé, mais même si la réponse vous semble non justifiée et que le policier insiste, ne résistez surtout pas et présentez votre identité. Il est donc impératif d’avoir un moyen d’établir votre identité. Ceci empêchera toute justification de vérification « au poste ». 

Si vous ne pouvez pas prouver votre identité, les agents sont en droit de vous retenir pour une durée maximale de 4 heures pour établir votre identité. Cette retenue ne doit servir qu’à cela et ne peut justifier un interrogatoire sur la manifestation. Il est malheureusement inutile de s’opposer à un contrôle d’identité ou d’y « mentir », car c’est un motif permettant de procéder à des prises d’empreintes digitales/photo et passible d’un potentielle sanction pénale.

 

D) Filmer / Enregistrer depuis son téléphone portable une manifestation

Selon la circulaire 2008-8433, il est totalement légal de filmer / photographier une manifestation sur la voie publique en ce compris l’enregistrement des actions des forces de l’ordre, même en tant que simple citoyen. Seule exception à la règle : il est interdit de filmer les forces de l’ordre affectées dans des services d’intervention (Raid, GIGN, GIPN, BRI, sécurité du Président...), à la lutte antiterroriste ou au contre-espionnage. Rien ne doit permettre de les identifier sur les vidéos.