Lorsqu'une entreprise externalise un service ou un établissement, se pose inévitablement la question du sort des contrats de travail des salariés qui y travaillent. La Cour d'appel de Paris s'est prononcée dans une affaire particulièrement intéressante dans laquelle un GIE du secteur du tourisme avait confié par appel d'offres à un prestataire extérieur l'activité de son bureau parisien. Une salariée licenciée lors du transfert d'activité a obtenu en appel la reconnaissance du caractère injustifié de son licenciement et d'une discrimination liée à son origine et à son âge.
Un groupement d’intérêt économique (GIE) dont la mission est de promouvoir le tourisme en Polynésie française a externalisé l’activité de son bureau parisien chargé de la promotion de cette destination sur les marchés français, belge et suisse romand.
Selon le GIE, les difficultés financières subies en raison de baisses de subventions justifiaient son choix de confier par appel d’offres une partie de ses missions de promotion à l’international à des prestataires extérieurs plus « performants ».
Après l’appel d’offres, remporté par un intermédiaire du tourisme, le GIE a fermé son établissement parisien et s’est séparé de l’ensemble des salariés qui y travaillaient. Le prestataire qui avait remporté l’appel d’offres a ensuite procédé à l’embauche d’une partie seulement des anciens salariés du GIE.
Une ex-salariée du bureau parisien du GIE, qui n’avait pas été reprise, a saisi la justice au motif, d’une part, que son contrat de travail aurait dû être transféré au prestataire qui avait remporté l’appel d’offres (1) et, d’autre part, qu’elle avait subi une discrimination en raison de son origine non polynésienne et de son âge (2).
1. Sur l’obligation de reprise du personnel en cas d’externalisation par appel d’offres d’une activité non lucrative
Pour contester son licenciement pour motif économique, la salariée invoquait les dispositions de l’article L.1224-1 du Code du travail qui imposent la reprise des contrats de travail en cas de transfert d’une entité économique autonome d’un employeur vers un autre.
Pour le GIE et le prestataire, l’article L.1224-1 du Code du travail n’était pas applicable car le bureau parisien était en charge d’une activité non lucrative relevant du service public et ne constituait pas une entité économique.
La Cour d’appel chargée de trancher ce litige, relève dans sa décision que le bureau parisien disposait de ses propres moyens matériels et humains et qu’il avait une activité économique autonome en ce qu’il était spécifiquement chargé des marchés français, belge et suisse romand.
La Cour précise également qu’une activité qui n’est pas lucrative ou qui relève du service public peut être qualifiée d’entité économique et que l’article 1224-1 du code du travail est pleinement applicable à ce type d’activité.
La Cour en conclut que l’appel d’offres avait bien eu pour objet de transférer l’activité du bureau parisien du GIE vers une société commerciale et que, par conséquent, tous les contrats de travail auraient dû être transférés à cette dernière.
2. Sur le caractère discriminatoire des critères de reprise du personnel
L’ex-salariée du GIE estimait également avoir été victime d’une discrimination en raison de son origine non polynésienne et de son âge.
Ce sentiment découlait largement des déclarations publiques du directeur du prestataire, qui avait affirmé dans la presse spécialisée :
« nous nous étions engagés à reprendre 2 personnes, finalement nous en reprendrons 3 parce qu’il nous semble important que ce soit des Polynésiens qui accueillent la clientèle. Qui mieux qu’eux peut promouvoir la destination ? ».
Le GIE et le prestataire contestaient toute forme de discrimination en indiquant avoir recruté des personnes qui n’étaient pas d’origine polynésienne et de différentes classes d’âge.
Sur ce point, la Cour a estimé que les déclarations du dirigeant attestaient qu’il avait privilégié le recrutement de personnes d’origine polynésienne.
La Cour souligne également que les salariés repris suite à l’appel d’offres étaient tous plus jeunes que la plaignante.
La reprise des salariés n’étant pas intervenue uniquement sur la base de critères objectifs, tels que l’ancienneté et les qualités professionnelles, la Cour considère que la plaignante pouvait légitimement se plaindre d’une discrimination en raison de son origine et de son âge.
Source : CA Paris, GAUSSENS / AVIAREPS – GIE TAHITI TOURISME, 22 janvier 2016, 14/03250
Adrien Thomas-Derevoge, Avocat au barreau de Paris
BTD Associés
Travail – Licenciement – Article L.1224-1 du Code du travail – Transfert d’activité – appel d’offres public – Discrimination liée à l’origine – Discrimination liée à l’âge
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