Un de vos salariés en contrat à durée indéterminée souhaite quitter l’entreprise, vous êtes tous deux tombés d’accord pour conclure une rupture conventionnelle et rompre la relation qui vous lie d’un commun accord.

Mais comment procéder en pratique ? Comment les deux parties s’assurent-elles de la validité de cette convention ?

L’intérêt de ce procédé pour le salarié est d’être éligible à Pôle Emploi, et pour l’employeur de s’éviter la lourdeur d’un licenciement.

Si une rupture conventionnelle peut être conclue alors que l’entreprise rencontre des difficultés économiques, ce procédé ne doit pas être utilisé pour contourner la procédure de licenciement économique.

En tout état de cause, une rupture conventionnelle ne pourra être instaurée en cas de rupture de contrats suite à un accord de GPEC ou du PSE.

Le processus de rupture conventionnelle a été introduit dans le code du travail par la loi du 25 juin 2008 portant modernisation du marché du travail.

Les articles L.1237-11 à L.1237-16 du Code du travail posent les principes applicables et la jurisprudence est venue compléter certains points.

Un certain formalisme doit donc être respecté pour que la rupture soit valide.

 

  1. La convocation à entretien

 

La loi prévoit que les parties conviennent du principe de la rupture conventionnelle lors d’un ou plusieurs entretiens.

La jurisprudence est venue préciser récemment que le défaut d’entretien rend nulle la convention. (Cass.Soc., 1er décembre 2016, n°15-21.609).

Si la Haute Cour précise que c’est à la partie se prévalant de l’absence d’entretien de prouver qu’il n’a pas eu lieu, c’est-à-dire dans les faits généralement le salarié, je conseille à mes clients de convoquer le salarié à un entretien par lettre recommandée avec accusé de réception.

L’envoi d’une LRAR permet non seulement de prouver la convocation et l’information du salarié mais aussi de l’informer de son droit à être assisté lors de cet entretien.

De surcroît, si la loi ne prévoit pas de délai entre la convocation et la tenue de l’entretien, je conseille à mes clients de respecter un délai de 5 jours francs comme en matière de licenciement.

Un tel délai permet à chacune des parties de préparer l’entretien et éventuellement d’organiser l’assistance lors de cet entretien.

Si l’entretien n’a pas lieu pour une raison ou une autre, il conviendra de reconvoquer.

 

  1.  La possibilité de se faire assister lors de l’entretien

 

Le salarié peut se faire assister lors de l’entretien conformément à l’article L.1237-12 du Code du travail :

1° « Soit par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise, qu'il s'agisse d'un salarié titulaire d'un mandat syndical ou d'un salarié membre d'une institution représentative du personnel ou tout autre salarié;


2° Soit, en l'absence d'institution représentative du personnel dans l'entreprise, par un conseiller du salarié choisi sur une liste dressée par l'autorité administrative. »

 

Il est conseillé de faire figurer cette information du droit à assistance sur la convocation et  d’indiquer au salarié que dans le cas où il se ferait assister il devra en informer l’employeur.

L’employeur pourra également se faire assister par une personne de son choix dans l’entreprise mais seulement si le salarié use de cette possibilité.

Si l’employeur décide de se faire assister, il devra également en informer le salarié, de préférence par lettre recommandée avec accusé de réception.

 

  1. La tenue de l’entretien

 

Même si rien n’est prévu dans les textes, il apparaît logique que les entretiens se tiennent pendant le temps et sur le lieu de travail.

Lors de l’entretien, les parties discutent des conditions de la rupture et prévoient éventuellement un autre entretien.

Si elles tombent d’accord, elles signent la convention qui est établie sur un formulaire officiel (Cerfa n° 14598*01) téléchargeable sur le site service-public.fr ou sur le site formulaire.modernisation.gouv.fr.

Le formulaire est constitué de trois volets :

  • La convention de rupture,
  • La demande d’homologation,
  • Et la décision administrative.

Aucun délai de réflexion n’est imposé entre l’entretien et la signature de la convention elle-même, si les parties tombent d’accord, elle peut donc être signée lors de l’entretien.

Deux exemplaires du formulaire (un pour chaque partie) doivent être signés par l’employeur et par le salarié et précédés de la mention « lu et approuvé ».

Cette exigence de deux formulaires n’est pas prévue par le législateur mais est imposée par la jurisprudence à peine de nullité. (Cass. Soc. , 6 février 2013, n°11-27000)

 

  1. Ce que doit prévoir la convention

 

Lors du ou des entretiens les parties doivent être tombées d’accord sur les points suivants :

- indemnité de rupture conventionnelle

L’indemnité de rupture conventionnelle ne peut être inférieure au montant de l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement qui serait due si le salarié était licencié.

-date de rupture du contrat de travail 

A ce stade, elle ne peut être qu’indicative compte tenu des délais de la procédure. En tout état de cause, la date de rupture du contrat ne peut intervenir avant le lendemain du jour de l’homologation de la convention par l’administration.

- le sort de certaines clauses du contrat (non-concurrence, dédit-formation) ou des avantages divers tel qu’une voiture de fonction.

Lors de l’entretien, l’employeur doit également informer le salarié qu’il a la possibilité de contacter Pôle Emploi pour l’aider dans sa décision.

 

  1.  Ce que doit contenir la convention

 

La convention doit contenir obligatoirement les éléments suivants :

- l’identité des parties,

-l’emploi occupé/ la qualification,

-l’ancienneté précise en années et en mois à la date envisagée pour la rupture du contrat de travail,

-la rémunération mensuelle brute des douze derniers mois et la rémunération mensuelle moyenne,

-la date du ou des entretiens et l’assistance ou non des parties,

-le montant brut de l’indemnité convenue et la date envisagée de la rupture.

 

  1.  Le délai de 15 jours de rétractation

 

A compter de la date de signature de la convention, chacune des parties dispose d’un délai de 15 jours calendaires pour se rétracter.

Ce délai inclut tous les jours de la semaine et commence à courir à compter du lendemain de la date de signature de la convention de rupture et se termine le quinzième jour à minuit.

Si le délai expire un samedi, un dimanche, un jour férié ou chomé, il est prorogé jusqu’au premier jour ouvrable suivant.

Durant ces quinze jours, chacune des parties peut se rétracter. La rétractation n’a pas à être motivée, et il est impératif de la formaliser par écrit par un moyen attestant de la date à laquelle le destinataire a pu en prendre connaissance c’est-à-dire une lettre recommandé avec accusé de réception.

 

  1. Envoi à la DIRECCTE

 

Une fois le délai de quinze jours expiré, la partie la plus diligente, ce peut donc être l’employeur ou le salarié, adresse le formulaire de rupture conventionnelle à la Direccte.

NB : Désormais, une assistance en ligne est possible sur le site : telerec.travail.gouv.fr.

 

  1. Instruction par la DIRECCTE

 

Pour que la rupture conventionnelle soit valide il est nécessaire que celle-ci soit homologuée par la Direccte, dès réception, et si le dossier est complet, la Direccte horodate la demande d’homologation et adresse ou remet au dépositaire un accusé de réception sur lequel figure :

  • la date d’arrivée de la demande ;
  • la date à laquelle expire le délai d’instruction ;
  • la mention qu’à défaut de décision dans le délai d’instruction, l’homologation est réputée acquise.

Je conseille, même si les textes ne l’imposent pas, à mes clients d’adresser cette lettre en recommandé avec accusé de réception.

Si le dossier est incomplet, la Direccte informera les parties des motifs d’irrecevabilité et des éléments manquants.

Une fois le dossier complet, la Direccte a quinze jours ouvrables à compter du lendemain de la réception de la demande pour s’assurer de la validité de la rupture conventionnelle.

« Jours ouvrables » signifie tous les jours de la semaine à l’exception du jour de repos hebdomadaire c’est-à-dire le dimanche ainsi que des jours reconnus fériés par la loi ou habituellement chomés au sein de l’entreprise.

Le délai expire le dernier jour ouvrable d’instruction à minuit, si le délai expire un samedi, un dimanche, un jour férié ou chomé, il est prorogé jusqu’au premier jour ouvrable suivant.

A défaut de notification ou d’irrecevabilité de la demande ou d’un refus avant l’expiration de ce délai de quinze jours, l’homologation est réputée acquise et l’autorité administrative est dessaisie.

Il est possible de télécharger une attestation d’homologation sur le site telerec.travail.gouv.fr.

 

  1. Les cas d’opposition

     

A priori, la Direccte ne s’oppose au processus de rupture conventionnelle que dans le cas où les délais ne seraient pas respectés ou dans le cas où l’indemnité de rupture serait inférieure à l’indemnité de licenciement.

Un autre cas d’opposition serait le contournement des règles du licenciement économique. Selon la Direction Générale du Travail, un tel contournement peut être constitué par exemple par dix demandes sur une même période de trente jours (Instr.DGT n°02, 23 mars 2010).

Si l’homologation est refusée, le contrat de travail continue comme si de rien n’était.

S’il y a homologation, le contrat de travail sera alors rompu à la date choisie par les parties et comme précisé, au plus tôt le lendemain de l’homologation.

 

  1. La remise des documents de fin de contrat

     

Une fois le contrat de travail rompu et le salarié quittant l’entreprise, l’employeur doit lui remettre tous les documents habituels de fin de contrat de travail c’est-à-dire le certificat de travail, l’attestation Pôle Emploi et la DSN dans les établissements ayants procédé à cette formalité, et le solde de tout compte.

Si le salarié ayant conclu une rupture conventionnelle a au moins 55 ans, une déclaration à l’URSSAF devra être effectuée par l’employeur.

La conclusion d’une rupture conventionnelle ouvre droit au salarié au bénéfice des allocations chômage.

 

  1. La constatation de la rupture conventionnelle

     

Enfin, les parties ont douze mois à compter de la date d’homologation de la convention pour former un recours juridictionnel et ce, uniquement devant le Conseil de Prudhommes qui est le seul compétent.

Il est précisé que, le juge n’examinera pas la légitimité du motif de la rupture mais seulement la validité de l’accord des volontés qui a entraîné la rupture.

 

  1. Attention au cas du salarié protégé

     

Enfin, il est précisé qu’une rupture conventionnelle peut être conclue avec un salarié protégé mais que dans ce cas la procédure à suivre ne sera pas celle exposée plus avant mais une procédure particulière avec autorisation de l’inspecteur du travail.