par François-Xavier AJACCIO, Rémi PORTE et Albert CASTON

«Qui paie, a bien le droit de donner son avis» (Charles Cahier, Quelque six mille proverbes et aphorismes usuels -1856-), mais pas trop !

La variété des situations et des montages donne naissance à de multiples hypothèses, car l'opération de construction peut être complexe par la nature de l'ouvrage et/ou le nombre d'intervenants à l'acte construire ou, inversement, simple, voire même très simple, tandis que le maître de l'ouvrage sera :

- profane ou (plus ou moins...) compétent, aura ou non défini son programme plus ou moins précisément,

- présent sur le chantier, donnant des directives, voire imposera des choix techniques ou acceptera des risques opératoires, environnementaux, techniques, ou économiques, toutes circonstances de nature à se révéler éventuellement causales dans la survenance d'un préjudice

Alors, se posera la question récurrente de la faute du maître de l'ouvrage, exonérant ou pas, en tout ou partie, les constructeurs de leur responsabilité de droit commun ou de la garantie décennale.

Il s'agit là de l'application du principe fondamental selon lequel, dans tout contrat synallagmatique, le fait d'un cocontractant est susceptible d'influer sur la portée de l'obligation de l'autre. Ce débat est, dans notre matière aussi, source de nombre de décisions de jurisprudence qui, classiquement, prennent en compte, le fait du maître de l'ouvrage :

- son attitude, son comportement, ses actes et leur caractère éventuellement fautif, (I)

- son immixtion, techniquement compétente dans la conduite, la direction de l'opération de construction, (II)

- son acceptation de risques dont il aura été averti ou simplement conscient (III).

Ces trois hypothèses, sources d'éventuelle exonération de responsabilité du locateur d'ouvrage, sont prises en considération de manière différente selon les circonstances, et appellent donc un examen distinct, par analyse des décisions les plus récentes de la troisième chambre civile de la Cour de cassation ainsi que de cours d'appel, et ce au regard tant de la responsabilité contractuelle de droit commun que de la garantie décennale.

I. Le fait fautif du maître de l'ouvrage : une unité de régime mais d'une étendue limitée...

L'article 1792 du Code civil, relatif à la garantie décennale des constructeurs pour les dommages graves, énonce qu'une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère.

La cause étrangère s'entend de la force majeure ou cas fortuit, mais aussi de la faute du maître de l'ouvrage.

Mais l'origine des dommages atteignant l'ouvrage après réception étant essentiellement technique, la responsabilité encourue éventuellement par le maître de l'ouvrage victime relève soit de l'acceptation des risques, soit d'une immixtion fautive, comme l'exprime un arrêt : «considérant que la responsabilité du maitre d'ouvrage quelle que soit la compétence propre de son gérant K&B, ne peut être retenue à aucun titre alors qu'il n'est aucunement justifié que la SCI et son gérant ont été clairement et spécialement informés par les constructeurs réalisateurs de la nécessité technique de procéder au rabattage de nappe dont la décision de report leur est reprochée, que cette information du maitre d'ouvrage ne peut résulter de la seule confrontation du rapport préalable d'étude de sol et du marché ainsi que le propose l'expert - qui ne suggère d'ailleurs de retenir que 5% de responsabilité- mais d'une correspondance spécifique, adressée par les techniciens du bâtiment au maitre d'ouvrage, détaillant la nécessité de la mesure à prendre et les risques encourus dans l'hypothèse d'une impasse, correspondance qui seule peut établir les conditions de l'immixtion fautive ou de l'acceptation des risques, que le jugement ne peut qu'être réformé sur ce point » (CA Paris PÔLE 04 CH. 06 8 juin 2012 n° 10/17433 ; v. aussi : CA Paris PÔLE 04 CH. 06 14 septembre 2012 n° 10/08219 ; ca de Paris, 18 mars 2011,09/07.792, Numéro JurisData : 2011-005197 ; ca d'Orléans, 14 mars 2011, 09/03.834, Numéro JurisData : 2011-003946).

Les principes de l'acceptation des risques et de l'immixtion fautive sont la majeure partie des causes de responsabilité propre du maître de l'ouvrage (Ca Basse-Terre, 24 juin 2013, 10/01615, Numéro JurisData : 2013-015551 ; ca de Toulouse, 4 juin 2012, 10/05.256, Numéro JurisData : 2012-016607 ; ca de Versailles, 26 mars 2012, Numéro JurisData : 2012-007793), la notion de faute, au sens strict du terme étant d'application plus rare, cantonnée :

- aux retards de chantier (3e civ., 5 décembre 2012,11-24.499, publié au bulletin ; 3e civ., 18 décembre 2012, 11-26.791, inédit au bulletin ; 3e civ., 15 janvier 2013, 11-24.345, inédit au bulletin ; 3e civ., 11 juin 2013,12-18.153, inédit au bulletin ; 3e civ., 12 septembre 2012, 11-13.309, publié au bulletin ; ca de Nîmes, 10 janvier 2013, 11/00985,Numéro JurisData: 2013-002257 ; ca de paris, 17 octobre 2012, 10/19.930, Numéro JurisData : 2012-023388 ; ca de Toulouse, 6 décembre 2010, 09/04.684 ; Numéro JurisData : 2010-028911 ; ca d'Aix-en-Provence, 9 septembre 2010, 08/22.491, Numéro JurisData : 2010-023305 ; v. aussi : Hugues Périnet-Marquet, La responsabilité du maître d'ouvrage dans la préparation et la conclusion du marché, RDI 2002 p. 451 ; Traité de la responsabilité des constructeurs, A. Caston, F-X Ajaccio, R. Porte, M. Tendeiro, Le Moniteur, 7é éd. 2013 p. 111 et s.),

- au non-respect de l'article 14.1 de la loi du 31 décembre 1975 sur la sous-traitance (3e civ., 7 novembre 2012, 11-18.138, publié au bulletin ; 3e civ., 21 novembre 2012, 11-25.101, publié au bulletin ; Cass. 3e civ., 11 sept. 2013, n° 12-21.077, Construction - Urbanisme n° 11, Novembre 2013, comm. 160, Article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 et présence du sous-traitant sur le chantier, Commentaire par Christophe SIZAIRE ; 3e civ., 7 novembre 2012, 11-18.138, publié au bulletin, GP 1er mars 2013 P 21 Joseph-Emmanuel Caro ; ca de Paris, 29 juin 2011, 09/06267, Numéro JurisData : 2011-014071 ; Séverin Abbatucci La responsabilité du maître de l'ouvrage à l'égard des sous-traitants RDI 2002 p. 488),

- aux conditions de résiliation (Ca de la Réunion, 10 février 2012, 10/01708, Numéro JurisData : 2012-007978) ou d'exécution du marché (Ca de Paris, 6 octobre 2010, 09/21.367, Numéro JurisData : 2010-020395; ca de Chambéry, 7 septembre 2010, 08/03.074, Numéro JurisData : 2010-020532),

ainsi qu'à quelques autres hypothèses examinées ci-après :

Économies fautives

Lorsque le maître de l'ouvrage, par souci d'économie, exige un mode constructif plus simple, voire la suppression d'une partie d'ouvrage, commet-il une faute ? Les dommages en résultant peuvent-ils lui être imputés ou, doit-on conditionner sa responsabilité à l'émission de réserves par les constructeurs ?

Une volonté d'économie peut apparaître comme une prise de risque par le maître de l'ouvrage, impliquant, pour être retenue la preuve d'un choix délibéré nonobstant les mises en garde des constructeurs (v. plus loin).

Toutefois, indépendamment de ce cas d'exonération, la faute existe en cas d'économie inconsidérée, comme le souligne un arrêt du 10 octobre 2012 car le maître d'oeuvre avait exprimé des réserves, «l'insuffisance du chauffage dans le hall de réception de l'immeuble faute d'isolation des cages d'ascenseur et la non-conformité au règlement sanitaire applicable du dispositif de ventilation et de renouvellement d'air de certains bureaux étaient constitutives d'une impropriété de l'ouvrage à sa destination entraînant la responsabilité de plein droit de la SCI en sa qualité de vendeur et avait décidé la suppression de l'isolation des cages d'ascenseur et la modification de la ventilation, alors que la société Aurea avait rappelé que la fermeture des cages d'ascenseurs avait une incidence sur le bon fonctionnement des installations de chauffage et de climatisation» (3e civ., 11-12.544, Jean-Michel Berly, RDI 2013 p. 98).

En l'espèce, le pourvoi du maître de l'ouvrage soutenait que la simple recherche d'économies ne constitue une faute que lorsqu'il passe outre les réserves que les constructeurs sont tenus de formuler en vertu de leur devoir de conseil. La responsabilité du maître de l'ouvrage fut donc appréciée sévèrement, indépendamment de la notion d'immixtion fautive exigeant que le maître de l'ouvrage soit notoirement compétent ou dument averti pour que soit retenue sa responsabilité (CA Paris PÔLE 04 CH. 05 14 avril 2010 n° 07/19691).

Cette notion d'économie du maître de l'ouvrage peut être rapprochée de celle d'ouvrage non prévu, mais nécessaire à la réparation des dommages, travaux non prévus initialement, mais dont ledit maître de l'ouvrage aurait dû supporter le coût, puisqu'ils étaient indispensables, et ceci indépendamment du point de savoir si le marché avait été traité à forfait. La question est résolue en jurisprudence par le principe de réparation intégrale des dommages affectant l'ouvrage après réception, rappelé fréquemment par la Cour de cassation : « ...ayant relevé que le groupement d'entreprises estimait que les travaux de reprise complémentaires commandés en juillet 2007 sortaient du champ contractuel initial et auraient dû de toute façon être pris en charge par la société Calcia, la cour d'appel a retenu à bon droit que ce groupement était tenu de prendre en charge le coût du préjudice indemnisable qui regroupe tous les travaux nécessaires à la réparation de l'ouvrage» (3e civ., 20 novembre 2013, 12-29.259, publié au bulletin, rejet).

Cependant, s'agissant de rénovation importante, surtout si le très mauvais état de l'existant montre la nécessité de travaux supplémentaires, le juge du fond doit rechercher «si le coût des travaux dont la nécessité a été découverte en cours de chantier, ne devait pas, en tout état de cause, être supporté par le maître de l'ouvrage» spécialement si, compte tenu «de l'importance des travaux supplémentaires nécessit[ant] une décision immédiate pour permettre leur planification sans interruption de chantier [le maître de l'ouvrage a] refusé de payer ces travaux ») (3e civ., 10 juillet 2012, 11-13.392, inédit, cassation partielle, troisième moyen du pourvoi principal et du pourvoi incident réunis ).

Mais il ne peut, en l'absence de réserves de l'entrepreneur, être reproché à un maître de l'ouvrage le choix d'un devis moins-disant : «vu l'article 1147 du code civil ; Attendu que pour débouter la société Trans Euro de sa demande, l'arrêt retient que les désordres sont dus à l'inadéquation entre les travaux réalisés sur la base du premier devis accepté par le maître d'ouvrage et l'activité exercée dans les lieux comprenant le stationnement de poids lourds en charge et non à vide, que l'activité de transporteur routier n'indique pas celle de gardiennage de chargements en l'absence de toute précision sur ce point et que l'entrepreneur a soumis au maître d'ouvrage un second devis, d'un montant plus élevé, prévoyant un renforcement du parking permettant de supporter des charges plus lourdes que ce qui avait été intégré dans le cadre du premier devis de sorte qu'en procédant à cette nouvelle offre, davantage conforme aux besoins du client et qui aurait permis d'éviter les désordres apparus ensuite, la société Buttignol a suffisamment satisfait à son obligation de conseil et qu'en refusant ce devis et en se satisfaisant de la remise consentie par son cocontractant, le maître d'ouvrage a largement participé à la réalisation du dommage au-delà du geste commercial ; qu'en statuant ainsi, sans relever que le maître d'ouvrage avait été clairement informé par l'entrepreneur, à qui il appartenait de se renseigner sur la finalité des travaux qu'il avait accepté de réaliser, des risques inhérents au choix du premier devis, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision» (3e civ., 25 septembre 2012, 11-21.269, inédit, Ph. Malinvaud, RDI-2012-632).

La possibilité de prise en considération de la volonté d'économie du maître de l'ouvrage se confond donc généralement avec les conditions nécessaires pour que l'acceptation des risques soit retenue. La volonté d'économie du maître n'est pas, en elle-même, critiquable ( CA Paris PÔLE 04 CH. 05, 28 septembre 2011 n° 09/17993, confirmé par 3e civ., 18 décembre 2013, 11-27.778, inédit au bulletin).

Dès lors, pour retenir un abus d'économie, les juges du fond doivent constater que le maître de l'ouvrage a «fait réaliser à moindre coût les travaux litigieux au risque de provoquer l'apparition de désordres» (3e civ., 10 octobre 2012, 11-17.627, 11-17.796, inédit, cassation partielle (v. troisième moyen du pourvoi n° W 11-17. 796 de la SCI et de ses associés).

Ce comportement fautif répond aux critères classiques de la « faute lourde »,négligence d'une extrême gravité avec claire conscience de ce que des désordres en résulteront nécessairement.

Mais, que le maître de l'ouvrage se dispense, par souci d'économie, de l'intervention d'un maître d'oeuvre ne caractérise pas en soi une faute lourde dès lors que les travaux ont été confiés à des entreprises spécialisées, tenues elles-mêmes d'un devoir de conseil ; Il en va de même de l'absence de souscription de la police d'assurance de dommages-ouvrage obligatoire (v. aussi : ca de Paris, 18 mars 2011,09/07.792, Numéro JurisData : 2011-005197).

Cette police préfinance la réparation rapide des dommages de nature décennale et il n'y a pas de lien entre la survenance des dommages et l'absence de souscription de ladite police : « le défaut de souscription de l'assurance obligatoire dommages-ouvrage par le maître de l'ouvrage ne constitue en lui-même, ni une cause de désordres, ni une cause exonératoire de la responsabilité de plein droit des locateurs d'ouvrage » (3e civ., 17 décembre 2003, 02-17.134, inédit au bulletin, Ph. Malinvaud, RDI-2004.198).

Et ce, d'autant, que l'assureur n'exerce aucun contrôle sur la qualité des travaux ; tout au plus détermine-t-il sa prime en fonction de son appréciation des risques.

N'est pas plus reprochable le fait de ne pas avoir recouru aux services d'un bureau d'études en acoustique : «considérant que si l'expert relève que la SCI 5 rue VEZELAY a commis une faute en sa qualité de maître de l'ouvrage en ne prenant pas la peine de s'assurer des services d'un bureau d'études en acoustique tant pour le monte voiture que pour la descente des eaux usées, celle ci, non professionnelle du bâtiment ne saurait supporter une par de responsabilité sur ce fondement [...]» (CA Paris PÔLE 04 CH. 06 20 janvier 2012 n° 10/02780 ; v. aussi : CA de Toulouse, 10 octobre 2011, 10/02.369, Numéro JurisData : 2011-034433 ; v. aussi CA Aix-en-Provence CH. 03 B 11 octobre 2012 n° 11/10539: "En sa qualité de professionnel, I. A. n'est pas fondé à reprocher au maître de l'ouvrage l'absence de maître d'oeuvre pour s'exonérer de ses obligations, en ce qu'en acceptant de réaliser les travaux, il a assumé la maîtrise d'oeuvre").

En revanche a été refusé à un «maître de l'ouvrage avisé» tout recours contre les locateurs d'ouvrage, investis d'une mission ponctuelle et limitée pour l'aménagement d'une berge, car ledit maître de l'ouvrage «aurait dû procéder ou faire procéder à l'analyse de ces paramètres et veiller au respect des règles de l'art dès l'origine du projet de lotissement et non se contenter de solutions ponctuelles en s'adressant à des paysagistes sans soumettre leurs préconisations aux maître d'oeuvre et bureau d'études techniques dont elle s'était assurée le concours» (CA Paris PÔLE 04 CH. 01 7 avril 2011 n° 09/18001 ).

Par ailleurs, si le maître de l'ouvrage assume le rôle de maître d'oeuvre de conception, doit être établi le caractère sommaire de ses plans en lien direct avec les dommages relevés (CA Paris PÔLE 04 CH. 05 25 janvier 2012 n° 09/07907).

Le choix de la solution technique la moins onéreuse ne peut pas constituer une faute, lorsque les dommages découlent des carences des constructeurs : « Considérant que s'il est exact que pour des raisons économiques le syndicat des copropriétaires n'a pas souhaité avaliser la première solution proposée par l'architecte en raison de son coût, ce même syndicat était en droit d'attendre que la solution retenue fonctionne de manière satisfaisante ; que le manque de prise en compte du risque d'entrainement des fines qui constitue le défaut de conception reproché à l'expert ne résulte pas du choix du syndicat des copropriétaires d'une solution moins onéreuse, mais du seul manquement de l'architecte » (CA Paris PÔLE 04 CH. 06 26 octobre 2012 n° 11/00202).

De même, il ne peut être reproché - par un maître d'oeuvre - au maître de l'ouvrage d'avoir contracté avec l'entreprise défaillante, lorsque l'origine des dommages est étrangère à ce choix (CA Paris PÔLE 04 CH. 05 8 mars 2012 n° 11/18930).

Par ailleurs, il appartient, classiquement, à l'entreprise de se renseigner sur la destination des ouvrages envisagés (CA Aix-en-Provence CH. 03 B 30 juin 2011 n° 10/11557), solution réaffirmée par la Cour de cassation au visa de l'article 1147 du code civil : « en statuant ainsi, sans relever que le maître d'ouvrage avait été clairement informé par l'entrepreneur, à qui il appartenait de se renseigner sur la finalité des travaux qu'il avait accepté de réaliser, des risques inhérents au choix du premier devis, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision» (3e civ., 25 septembre 2012, 11-21.269, inédit, Ph. Malinvaud, RDI-2012-632).

La faute du maître de l'ouvrage s'apprécie à l'aune des obligations essentielles du constructeur :

- tenu d'une obligation d'information et de renseignement envers son client, obligation s'étendant à un devoir de conseil et de coopération imposant au professionnel de prendre en considération les intérêts de son cocontractant,

- pouvant s'exonérer en invoquant l'acceptation éclairée des risques par le maître de l'ouvrage,

- débiteur d'une obligation de résultat et d'un devoir de conseil à l'égard de son client lui imposant de refuser d'exécuter des travaux contraires aux règles de l'art.

Comportements fautifs :

Le comportement fautif du maître de l'ouvrage peut avoir des conséquences graves. Ainsi, en cas d'imprudence grave de sa part : «[...] M. X..., simple particulier, s'est hasardé à une hauteur de plus de 3,5 mètres, sans dispositif de protection, sur un ouvrage qu'il savait endommagé, ... faute le privant de tout droit à réparation d'un dommage qui n'est pas directement lié au vice de l'ouvrage mais exclusivement dû à son imprudence ; Dans ce contexte, il ne peut davantage évoquer l'obligation de sécurité de l'entreprise et son manquement à une obligation d'information, alors que l'appréhension du risque et la nécessité d'un dispositif de sécurité relevait en l'espèce du bon sens commun dont il devait faire montre, et ce d'autant que par courrier avec avis de réception du 15 avril 2004, la S.A CECOMETAL l'avait expressément et explicitement mis en garde contre les dangers présentés par la toiture litigieuse en lui précisant : « il faut interdire à toute personne de monter, et encore moins de circuler sur ces toitures, même avec l'emploi des dispositifs habituels (harnais, échelle de couvreur, platelage)» (CA de Bourges, 16 juin 2011, 10/01.413, Numéro JurisData : 2011-012442).

Est fautif le maître de l'ouvrage qui, ayant eu connaissance des règles très strictes encadrant les possibilités d'extension et de rénovation de sa maison, ne s'est pas inquiété auprès de l'architecte de leur conformité à l'autorisation obtenue près de deux ans plus tôt (Ca de Rennes, 17 février 2011, 08/08.916, Numéro JurisData : 2011-026843).

De même, la faute du maître de l'ouvrage n'ayant pas pris les mesures nécessaires en vue d'éviter les vols (en cours de chantier) est de nature à exonérer partiellement le maître d'oeuvre de sa responsabilité (CA de Paris, 4 février 2011, 08/16.038, Numéro JurisData : 2011-002198 ; v. aussi la faute du maître de l'ouvrage qui n'a pas installé un interrupteur général dont l'absence a gêné la lutte contre le feu et a favorisé l'extension de l'incendie : 3e civ., 18 décembre 2013, 12-12.182, 12-12.323, non publié au bulletin, Rejet ).

Parfois, la faute peut découler d'une initiative malheureuse et inopportune : «M. Jean Louis T. a pris l'initiative, qui ne lui incombait pas, d'enlever les végétaux et la terre des jardinières et de les entreposer sur la terrasse de son locataire ce dernier faisant valoir à juste titre qu'il s'est ainsi immiscé dans les travaux de la copropriété, et qu'il a engagé par cette immixtion sa responsabilité personnelle» (CA Aix-en-Provence CH. 11 B 8 novembre 2012 n° 11/04820).

Absence de faute

Un simple manquement du maître de l'ouvrage, sans effet causal au regard des fautes du constructeur, n'est pas exonératoire.

Ainsi, dans le cadre de la construction d'une maison individuelle, en raison d'un retard de livraison important, un constructeur est condamné à payer aux maitres de l'ouvrage des indemnités de différé. Dans son pourvoi, le constructeur argue d'une acceptation délibérée d'un risque de retard d'exécution des maîtres d'ouvrage pour n'avoir pas sollicité une étude de sol et d'une faute de ceux-ci, pour n'avoir fait procéder aux travaux de branchement d'eau que tardivement.

La Cour de cassation approuve la cour d'appel d'avoir dit le retard dans l'exécution du chantier imputable aux manquements du constructeur à ses obligations contractuelles et qu'il ne pouvait être reproché à Mmes X... et Y... de ne pas avoir fait procéder au branchement d'eau avant d'avoir eu la certitude que la maison pourrait être construite, l'étude sol préalable à l'appréciation de la constructibilité du terrain n'ayant pas été effectuée par le constructeur qui en avait la charge (3e civ., 29 janvier 2013, 11-27.220, inédit, rejet).

La faute du maître de l'ouvrage ne saurait lui interdire de recourir contre son maître d'oeuvre fautif. Ainsi, des travaux (non conformes au permis de construire) ayant été exécutés par l'entrepreneur conformément aux instructions du maître d'ouvrage et du maître d'oeuvre, pressant l'entreprise de procéder à la démolition une cour d'appel, par application du principe selon lequel «nul ne peut être relevé indemne de sa propre faute» ne saurait, en stigmatisant l'attitude du maître d'ouvrage - sachant parfaitement qu'il n'avait jamais obtenu ni sollicité un permis de démolir -, débouter le maître de l'ouvrage de son action récursoire contre l'architecte, au motif que cette action récursoire aboutirait à exonérer le maître d'ouvrage de sa propre faute, en tout ou partie (sur l'application des principes généraux du droit, v. Patrick Morvan : « les principes généraux du droit et la techniques des visas dans les arrêts de la Cour de cassation », http://www.courdecassation.fr/IMG/File/intervention_morvan.pdf ainsi que sur http://patrickmorvan.over-blog.com/article-6469413.html).

Cette appréciation des juges du fond est en effet censurée par la Cour de cassation : «vu l'article 1147 du code civil ; « attendu que pour débouter la SCI de son action récursoire contre M. Z..., l'arrêt retient que le maître de l'ouvrage, qui a signé un marché de démolition et manifesté son intention de démolir dans un constat d'huissier, savait parfaitement n'avoir jamais obtenu ni sollicité un permis de démolir ; Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que l'architecte, chargé d'une mission de maîtrise d'oeuvre complète, avait demandé à l'entrepreneur de procéder à la démolition et retenu qu'il avait commis une faute, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé» (3e civ., 6 novembre 2013, 12-15.763, inédit, cassation partielle de l'arrêt de CA Bordeaux CH. CIVILE 01 SECT. B 19 janvier 2012 n° 10/02242).

Ainsi, le principe selon lequel «nul ne peut être relevé indemne de sa propre faute » ne saurait empêcher un partage de responsabilité entre maitre de l'ouvrage et maitre d'oeuvre, en fonction des fautes respectives.

De même la mise à l'arrêt du chauffage pendant l'hiver ne constitue pas une faute du maître d'ouvrage, en l'absence de recommandation contraire de la part de l'entrepreneur (CA de Lyon, 24 juillet 2012, 11/02.187, Numéro JurisData : 2012-023678), tout comme un défaut de planning de la part de maître d'ouvrage ne saurait, à lui-seul, être constitutif d'une faute en lien avec les dommages observés (3e civ., 4 décembre 2013, 12-29.533, inédit, cassation partielle).

Les fautes reprochables au maître de l'ouvrage doivent être examinées au regard du contenu des obligations des constructeurs, notamment au titre de leur devoir de conseil, comme l'énonce une récente décision.

Un maître de l'ouvrage avait décidé d'implanter l'ouvrage dans une partie du terrain autre que celle initialement prévue, rendant l'étude de sol caduque. En cours de chantier, après la découverte d'un ancien réservoir, les travaux sont suspendus ; de nouvelles études sont nécessaires. Les juges du fond sanctionnent le maître de l'ouvrage et exonèrent le maître d'oeuvre: «considérant qu'il ne peut donc être retenu l'existence d'aucune faute contractuelle à son encontre [i.e. le maître d'oeuvre], dès lors que ni les documents contractuels, ni ses constatations sur les lieux ne révélaient la présence d'un bassin, et que les études de sols étaient trompeuses ; considérant que il n'y a en conséquence pas de raison de faire supporter par l'architecte le surcoût des travaux occasionné par la décision du maître de l'ouvrage de vendre la partie arrière du terrain et de déplacer l'assiette du bâtiment, et qui a communiqué des études de sols inappropriées et n'a pas remis de relevé géométrique comme prévu dans la mission » (CA Paris PÔLE 04 CH. 06, 9 novembre 2012 n° 11/03129 ).

La Cour de cassation censure ainsi : «vu l'article 1147 du code civil [...]; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si l'architecte, qui avait connaissance de l'existence d'un déversoir d'orage sur le terrain, n'avait pas manqué à son obligation de prudence et de conseil en ne s'assurant pas, préalablement au commencement des travaux, de l'absence de tout bassin d'orage sur l'emplacement de la construction ou en n'invitant pas le maître de l'ouvrage à procéder lui-même à cette vérification, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision de ce chef » ( 3e civ., 4 décembre 2013, 12-29.533, inédit, cassation partielle).

L'obligation pour la victime ou le maître de l'ouvrage de minimiser son dommage n'est pas retenue en jurisprudence (V. arrêts du 19 juin 2003 de la Cour de cassation, réaffirmant que la victime n'est pas tenue de limiter son préjudice dans l'intérêt du responsable : 2eciv., 19 juin 2003, 01-13.289 1 01-13.289, publié au bulletin et rapport annuel, J.-P. Chazal RD-2003. 2326, Castets-Renard JCP 2003. II. 10170; P. Aubert, Defrénois 2003. 1574, Jourdain, RTDC-2012.324 ; D. Mazeaud, RD-2004.1346 ; P. Jourdain, RTDC- 2003.716 et, récemment : 2e civ., 29 mars 2012, 11-14.661; 2e civ., 25 octobre 2012, 11-25.51, D-2013. 415, A. Guégan-Lécuyer ).

Ainsi, ne peuvent être reprochées au maître de l'ouvrage des carences de mesures conservatoires qui auraient empêché l'aggravation des dommages : « attendu que, pour rejeter la demande, l'arrêt relève que le retard d'exécution des travaux sur les parties communes, eu égard à leur faible coût, n'empêchait pas Mme X... de les faire réaliser à ses frais avancés, ce qui lui aurait permis d'entreprendre les travaux d'embellissement de son appartement dès l'automne 2004 et de remettre celui-ci en location à partir du 1er mars 2005 et retient que les pertes de loyers subies après le 1er mars 2005 résultent du fait de Mme X... ; Qu'en statuant ainsi, alors que la victime n'est pas obligée de limiter son préjudice dans l'intérêt du responsable, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil» (3e, 5 février 2013, 12-12.124, inédit au bulletin, S. Hocquet-Berg, RCA-2013, n° 5, mai, p. 62).

Mais, comme le rappelle la doctrine, une faute caractérisée de la victime, source d'aggravation du dommage permet de retenir la responsabilité de cette dernière (2e civ., 24 novembre 2011, n° 10-25.635, publié au bulletin, P. Jourdain, RTDC-2012 p. 324 conclut ainsi son commentaire : « mais l'essentiel réside évidemment dans l'ouverture en faveur d'une obligation de minimisation du dommage sanctionnée sur le terrain de la faute de la victime qui s'induit de la l'arrêt. On attendra, en l'espérant, que la Cour de cassation confirme plus nettement cette nouvelle orientation» ; RD. 2012. 141, note H. Adida-Canac ; JCP 2012, n° 170, V. Rebeyrol; RCA 2012. comm. 34, obs. S. Hocquet-Berg ; D-2013. 45, note P. BRUN ; RDC 2012, p. 437, note S. Carval ; v. à l'inverse lorsque les désordres survenu avant la réception des travaux rendant l'ouvrage impropre à sa destination et imposant la reprise totale de la couverture existaient avant le refus du maître d'ouvrage d'autoriser l'entreprise à procéder à des reprises ponctuelles, il est justifié de considérer que ce refus n'avait pas eu d'incidence sur le montant des travaux de réparation : 3e civ., 17 décembre 2013, 12-25.476, inédit au bulletin ).

Cependant, il ne peut être fait grief au maître de l'ouvrage d'avoir aggravé le dommage en laissant les camions chargés des approvisionnements emprunter la voirie légère, puisque l'absence d'approvisionnement du magasin aurait entraîné des pertes d'exploitation bien supérieures aux dommages qui auraient pu résulter de l'aggravation de l'état de la voirie, situation à laquelle le maître de l'ouvrage a mis fin dès le début de l'expertise en faisant procéder à des réparations provisoires (Ca de Rouen, 18 mai 2011, 08/04.383, Numéro JurisData : 2011-012447).

Notons, toutefois, en matière d'assurance, que souvent les polices de responsabilité des constructeurs prévoient à la charge de l'assuré une obligation de sauvegarde, imposant la mise en oeuvre de toutes mesures possibles susceptibles de limiter l'importance du sinistre. Si ses garanties sont applicables, la police dommages-ouvrage autorise l'assuré à engager les dépenses correspondant à l'exécution des mesures conservatoires nécessaires à la non-aggravation des dommages dans la limite de l'estimation figurant dans le rapport préliminaire de l'expert de l'assureur.

Intervention sur l'ouvrage après réception

(sur le principe, v. Cass., ass. plénière, 7 février 1986, 84-15.189 ; 3e civ., 28 février 2001, 99-16.791 ; 3e civ., 22 octobre 2002, 01-12.327 ; 3e civ., 27 mars 2012, 11-11.798)

Dans une bien curieuse affaire (3e chambre civile, 8 octobre 2013, 12-25.876, non publié au bulletin, rejet) relative à des dommages affectant une clôture constituée de piquets, il fut reproché au maître de l'ouvrage d'avoir procédé à l'adjonction de cannisses sur un support non prévu à cet effet, ayant ainsi compromis la solidité de l'ouvrage. Les juges du fond ont considéré que cette faute avait concouru pour une part essentielle au dommage, d'où l'imputation au maître de l'ouvrage d'une part du coût des travaux de réparation.

L'arrêt est néanmoins censuré pour une autre raison. La cour d'appel avait, en effet, pour une partie non endommagée de la clôture, écarté la demande du maître de l'ouvrage, alors que les piquets présentaient un défaut. La Cour de cassation énonce : «...l'entrepreneur est tenu à l'égard du maître de l'ouvrage d'une obligation de résultat lui imposant de livrer un ouvrage exempt de vice ; ...la cour d'appel, qui a constaté que l'ensemble de la clôture était constituée de piquets présentant un défaut et qui n'a indemnisé que partiellement M. X... du préjudice constitué par ce défaut pour la partie effondrée de la clôture et qui a refusé d'indemniser le même préjudice pour la partie non endommagée, a violé l'article 1147 du code civil».

Conséquences de la faute du maître de l'ouvrage :

La faute de la victime exonère en partie le constructeur, sauf si elle constitue la cause exclusive du dommage (3e civ., 8 novembre 2005, 04-17.701, publié au bulletin, Ph. Malinvaud, RDI-2006.P.57).

On retrouve, dans les décisions, la formulation de ce postulat sous diverses formes :

- la faute de la victime, si elle ne constitue pas la cause unique du dommage, ne peut totalement exonérer l'auteur du dommage de son obligation de le réparer et ne peut justifier qu'un partage de responsabilité (la faute de la victime peut également avoir pour conséquence de le priver du bénéfice d'une garantie d'assurance de dommages : 2e civ., 21 novembre 2013, 12-29.274, inédit au bulletin) ;

- la faute de la victime ayant participé à la production de son propre dommage justifie, à tout le moins, une exonération partielle de responsabilité ;

- la faute de la victime ayant directement contribué à la réalisation du dommage a pour effet d'exonérer partiellement le débiteur de sa responsabilité ;

Ces principes sont repris dans l'avant-projet de réforme du droit des obligations, aux articles 1349 à 1351-1 du Code civil (http://www.justice.gouv.fr/art_pix/RAPPORTCATALASEPTEMBRE2005.pdf , p.163) :

« La responsabilité n'est pas engagée lorsque le dommage est dû à une cause étrangère présentant les caractères de la force majeure.

La cause étrangère peut provenir d'un cas fortuit, du fait de la victime ou du fait d'un tiers dont le défendeur n'a pas à répondre. La force majeure consiste en un événement irrésistible que l'agent ne pouvait prévoir ou dont on ne pouvait éviter les effets par des mesures appropriées » (art. 1349).

La victime est privée de toute réparation lorsqu'elle a recherché volontairement le dommage (art.1350).

L'exonération partielle ne peut résulter que d'une faute de la victime ayant concouru à la production du dommage. En cas d'atteinte à l'intégrité physique, seule une faute grave peut entraîner l'exonération partielle (art 1351) ».

Le rapport ajoute «les modifications par rapport aux solutions actuelles concernent la faute la victime dont l'effet exonératoire est exclu lorsque l'auteur est privé de discernement et atténué lorsqu'elle subit un dommage corporel. En revanche, il est précisé que la faute intentionnelle de la victime la prive de toute réparation».

En droit positif, le juge du fond doit suffisamment caractériser cette faute et son lien de causalité avec le dommage. Cependant, il a été jugé que « le dol commis par le notaire ne lui interdisait pas d'invoquer la faute de la victime pour voir limiter sa responsabilité » (1er civ, 1er mars 2005, 02-20.813, publié au bulletin ).

La qualification des fautes est soumise au contrôle de la Cour de cassation.

La faute intentionnelle (Responsabilité civile et assurances n° 6, Juin 2003, 17, Chronique par H. Groutel) revêt une importance toute particulière en assurance en raison de ses incidences sur les garanties.

Du côté du constructeur, la reconnaissance d'une faute intentionnelle le priverait de la garantie et ainsi le maître de l'ouvrage perdrait le droit d'être indemnisé (v. récemment : 3e civ., 11 juillet 2012, 10-28.535, publié au bulletin, Fanny Garcia, Revue de droit immobilier 2012 p. 571 Non-respect d'un permis de démolir : responsabilités solidaires des sociétés d'un groupement de maîtrise d'oeuvre ; chronique de jurisprudence de la 3e chambre civile, RD-2012.2540 et 3e civ., 11 juin 2013, 12-16.530).

Du côté du maître de l'ouvrage, les polices « maître d'ouvrage » ne s'appliqueraient pas (v. par exemple : 1er civ., 16 juin 1987, 84-14.762, publié au bulletin, RGAT-1998.73 ; v. sur l'appréciation de la faute intentionnelle ou dolosive : 2e civ., 28 février 2013, 12-12.813, publié au bulletin, résumé : «ayant fait ressortir, d'une part, que l'assuré n'avait pas eu la volonté de créer les dommages tels qu'ils étaient survenus, d'autre part, que ses actes et comportement n'avaient pas fait disparaître tout aléa du seul fait de la volonté de l'assuré, la cour d'appel a pu déduire que l'assureur ne caractérisait ni une faute intentionnelle ni une faute dolosive au sens de l'article L. 113-1 du code des assurances » RGDA-2013-586, A. Pélissier. Sur la distinction entre les fautes intentionnelle et dolosive au regard de l'article L. 113-1 du code des assurances, se reporter à 2e Civ., 30 juin 2011, 10-23.004 ; 2e Civ., 14 juin 2012, 11-17.367; 2e civ., 12 septembre 2013, 12-24.650).

Mais la constatation par les juges du fond de l'existence d'une faute intentionnelle, au sens de l'article L. 113-1, alinéa 2, du Code des assurances, est souveraine (1re civ., 4 juillet 2000, no 98-10.744, publié, RGDA 2000, p. 1055, note J. Kullmann ; Resp. civ. et assur. 2000, Chron. n° 24, par H. Groutel ).

Toutefois, comme le souligne la doctrine, à la suite d'une arrêt de la deuxième chambre du 18 mars 2004 (2e civ., 18 mars 2004, no 03-11.573, publié au bulletin, résumé : « l'appréciation par les juges du fond du caractère intentionnel d'une faute, qui, au sens de l'article L. 113-1, alinéa 2, du Code des assurances implique la volonté de son auteur de créer le dommage tel qu'il est survenu, est souveraine et échappe au contrôle de la Cour de cassation ». H. Groutel, RD-2005.1317 ; RGDA-2004-370, J. Kullmann ) l'appréciation des juges du fond «est souveraine, mais à la condition d'indiquer suffisamment en quoi il leur est apparu que l'assuré a voulu causer le dommage tel qu'il est survenu, sinon leur décision serait dépourvue de base légale : pas de contrôle de la qualification elle-même, mais contrôle des motifs» (Responsabilité civile et assurances n° 12, Décembre 2004, comm. 389, Appréciation de la faute intentionnelle, Commentaire par H. Groutel, Responsabilité civile et assurances n° 7, Juillet 2004, comm. 240, Appréciation de la faute intentionnelle en raison des circonstances, Commentaire par H. GROUTEL ; v. aussi : J. Kullmann, RDDA-2006.632).

Au travers de tout cela, on perçoit que :

* l'exonération des constructeurs pour faute du maître de l'ouvrage constitue un élément de défense toujours pertinent.

* Mais le domaine d'application de cette cause d'exonération se limite à de simples « fautes générales ».

A l'inverse, la faute « technique» du maître de l'ouvrage caractérise une «immixtion» de ce dernier dans la sphère de compétence des constructeurs. Dès lors, la jurisprudence la conditionne-t-elle à la preuve d'une compétence du maître de l'ouvrage égale à celle des constructeurs. En effet, la technicité de l'opération de construction impliquant savoirs et qualifications, toute incursions dans le domaine technique ne pourra être reprochée au maître de l'ouvrage, par nature profane. Pour être exonératoire, l'incursion doit être confrontée à la technicité des constructeurs.

De même, le concept de l'acceptation des risques, (venu renforcer la protection du maître de l'ouvrage), impose que l'acte fautif du maître de l'ouvrage (à l'origine de dommages) résulte d'un choix délibéré, maintenu en dépit de réserves explicites des constructeurs.

A suivre dans le billet "2ème partie" de même date