Le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé
Cour de cassation - Chambre civile 1
- N° de pourvoi : 23-10.369
- ECLI:FR:CCASS:2024:C100305
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
Audience publique du mercredi 05 juin 2024
Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers, du 08 novembre 2022
Président
Mme Champalaune (président)
Avocat(s)
SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SARL Corlay
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
IJ
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 5 juin 2024
Cassation partielle
Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 305 F-D
Pourvoi n° W 23-10.369
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 5 JUIN 2024
La société Ten France, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° W 23-10.369 contre l'arrêt rendu le 8 novembre 2022 par la cour d'appel de Poitiers (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme [N] [Z], domiciliée [Adresse 3],
2°/ au Conseil de l'ordre des avocats au Barreau de Poitiers, dont le siège est [Adresse 2],
3°/ au bâtonnier de l'ordre des avocats du Barreau de Poitiers, domicilié [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Jessel, conseiller, les observations de la SARL Corlay, avocat de la société Ten France, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme [Z], et l'avis de M. Chaumont, avocat général, après débats en l'audience publique du 23 avril 2024 où étaient présents Mme Champalaune, président, M. Jessel, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 8 novembre 2022), Mme [Z], avocate associée au sein de la société civile professionnelle Ten France (la SCP), s'est retirée le 31 août 2021 pour faire valoir ses droits à la retraite.
2. Elle a saisi le bâtonnier d'une demande d'arbitrage, réclamant, notamment, une rémunération complémentaire au titre de l'année 2021.
Sur le premier moyen
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le second moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. La SCP fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à Mme [Z] la somme de 17 727 euros au titre du solde de la part du bénéfice pour la période du 1er janvier au 31 août 2021 et de lui faire injonction d'établir une déclaration fiscale n°2035 rectificative à celle déposée le 28 octobre 2021 et de la communiquer à l'administration fiscale et aux caisses sociales obligatoires, alors « que le juge ne peut statuer au-delà des demandes des parties ; qu'en l'espèce, Mme [Z] a demandé, dans le dispositif de ses dernières conclusions, de voir confirmer la décision dont appel en ce qu'elle a déclaré la SCP débitrice d'un solde de rémunération des 600 parts sociales de la retrayante ; compléter cependant le quantum de la condamnation prononcée pour la porter à 17.727 euros nets, montant du solde de rémunération du travail jusqu'au 31 août 2021 ; qu'en condamnant la société Ten France à payer cette somme en sus de la somme de 10 200 euros allouée au titre de l'acompte complémentaire aux motifs que [N] [Z] demandait aussi au Bâtonnier dans le dernier état de ses prétentions de lui allouer en sus de ces 10 200 euros une somme de 17 727 euros qu'elle redemande devant la cour par voie d'appel incident ou de réparation d'omission de statuer ; que ce faisant la cour d'appel, qui a méconnu les écritures de Mme [Z] et statué ultra petita, a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 4 et 5 du code de procédure civile :
5. Selon le premier de ces textes, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.
6. Aux termes du second, le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé.
7. Pour condamner la SCP au paiement d'une somme de 17 727 euros, outre celle de 10 200 euros déjà allouée par le bâtonnier, au titre du solde de rémunération restant dû à Mme [Z] au 31 août 2021 et lui faire injonction d'établir une déclaration fiscale rectificative, l'arrêt retient que la somme de 17 727 euros a été demandée au bâtonnier et est réitérée par voie d'appel incident ou de réparation d'omission de statuer.
8. En statuant ainsi, alors que dans ses conclusions, Mme [Z] indiquait avoir revu à la hausse sa demande initiale pour la porter de 10 200 euros à 17 727 euros et soutenait que, si la condamnation pécuniaire de la SCP devait être confirmée dans son principe, il y avait lieu d'en réviser le montant pour la porter à 17 727 euros, la cour d'appel, se prononçant sur une chose non demandée, a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
9. La cassation du chef condamnant la SCP au paiement de la somme de 17 727 euros n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant celle-ci aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à son encontre.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société civile professionnelle Ten France à payer à Mme [Z] la somme de 17 727 euros au titre du solde de sa part du bénéfice pour la période du 1er janvier au 31 août 2021 et lui fait injonction d'établir une déclaration fiscale n°2035 rectificative à celle déposée le 28 octobre 2021 et de la communiquer à l'administration fiscale et aux caisses sociales obligatoires, l'arrêt rendu le 8 novembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers, autrement composée ;
Condamne Mme [Z] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [Z] et la condamne à payer à la société civile professionnelle Ten France la somme de 2 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq juin deux mille vingt-quatre.ECLI:FR:CCASS:2024:C100305
Publié par ALBERT CASTON à 11:55
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Libellés : office du juge , prétention , Procédure , ultra petita
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