Vente immobilière - article 1792 du code civil et principe de la réparation intégrale

 

Cour de cassation - Chambre civile 3

  • N° de pourvoi : 20-16.712
  • ECLI:FR:CCASS:2024:C300662
  • Non publié au bulletin
  • Solution : Cassation partielle sans renvoi

Audience publique du jeudi 05 décembre 2024

Décision attaquée : Cour d'appel de Reims, du 17 décembre 2019

Président

Mme Teiller (président)

Avocat(s)

SCP Boutet et Hourdeaux, SCP Claire Leduc et Solange Vigand, SCP Richard

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
 

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 5 décembre 2024




Cassation partielle sans renvoi


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 662 F-D

Pourvoi n° D 20-16.712




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 5 DÉCEMBRE 2024

Mme [M] [B], veuve [E], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° D 20-16.712 contre l'arrêt rendu le 17 décembre 2019 par la cour d'appel de Reims (chambre civile, 1re section), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [J] [Z],

2°/ à Mme [H] [K], épouse [Z],

tous deux domiciliés [Adresse 3],

3°/ à M. [V] [W],

4°/ à Mme [O] [S], épouse [W],

tous deux domiciliés [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Zedda, conseiller référendaire, les observations de la SCP Richard, avocat de Mme [E], de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de M. et Mme [Z], de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat de M. et Mme [W], après débats en l'audience publique du 5 novembre 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Zedda, conseiller référendaire rapporteur, M. Boyer, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Reims, 17 décembre 2019), en 2006, Mme [E] a fait construire une maison d'habitation qu'elle a vendue le 3 avril 2008 à M. et Mme [Z].

2. Se plaignant d'un affaissement de la maison, M. et Mme [Z] ont, après une expertise judiciaire, assigné Mme [E] en indemnisation de leurs préjudices.

3. Ils ont revendu la maison à M. et Mme [W] en cours d'instance. Les acquéreurs sont intervenus volontairement à celle-ci.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

5. Mme [E] fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à M. et Mme [W] la somme de 82 585,81 euros au titre des travaux de reprise à réaliser, avec intérêts au taux légal à compter du 19 décembre 2012, alors « que les acquéreurs successifs d'un immeuble ne sont fondés à agir contre les constructeurs sur le fondement de la garantie décennale qui accompagne, en tant qu'accessoire, l'immeuble, nonobstant la connaissance, par les acquéreurs, des vices de celui-ci lors de la signature de l'acte de vente et l'absence, dans ce dernier cas, de clause leur réservant un tel recours, qu'à la condition de justifier de l'existence d'un préjudice ; qu'en décidant néanmoins que M. et Mme [W] étaient fondés à obtenir la réparation de leur préjudice au titre des travaux de reprise des désordres, après avoir pourtant constaté qu'ils avaient bénéficié auprès de M. et Mme [Z] d'une diminution du prix de vente de l'immeuble en raison de l'existence de ces mêmes désordres, ce dont il résultait que le préjudice de M. et Mme [W] résultant de l'existence de ces désordres avait d'ores et déjà été réparé par l'octroi d'une diminution du prix de vente de l'immeuble, la cour d'appel, qui a méconnu les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1792 du code civil, ensemble le principe de réparation intégrale du préjudice. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

6. M. et Mme [W] contestent la recevabilité du moyen. Ils soutiennent qu'il est nouveau et mélangé de fait et de droit, voire contraire à la thèse défendue en appel.

7. Cependant, le moyen, qui ne se réfère à aucune considération de fait qui ne résulterait pas des énonciations des juges du fond, est de pur droit.

8. Par ailleurs, le moyen ne se fonde pas sur une thèse contraire à celle soutenue en appel mais reproche à l'arrêt d'accueillir la thèse combattue par Mme [E] sans en tirer les conséquences légales.

9. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article 1792 du code civil et le principe de la réparation intégrale :

10. Il résulte de ce texte et de ce principe que les dommages-intérêts alloués en réparation des dommages dont sont responsables de plein droit les constructeurs doivent réparer le préjudice subi sans qu'il en résulte pour le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage ni perte ni profit.

11. Pour allouer à M. et Mme [W] l'entier montant des travaux de réparation, l'arrêt retient que les sous-acquéreurs sont bien fondés à rechercher la garantie décennale de Mme [E], au titre des travaux de réfection de la maison dont ils auront à supporter la charge comme actuels propriétaires.

12. En statuant ainsi, après avoir retenu que M. et Mme [W] avaient bénéficié d'une réduction du prix de vente, consentie par les premiers acquéreurs, M. et Mme [Z], en considération des désordres affectant la maison vendue et dont Mme [E] était responsable, de sorte que les sous-acquéreurs avaient déjà été indemnisés, au moins partiellement, de leur préjudice matériel, la cour d'appel a violé le texte et le principe susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

13. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

14. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

15. Compte tenu de la réduction du prix de vente qui leur a été consentie par M. et Mme [Z] en considération des désordres affectant l'ouvrage et dont est responsable de plein droit Mme [E], M. et Mme [W] ont été partiellement indemnisés du préjudice matériel correspondant au coût de la remise en état de l'ouvrage.

16. Les indemnités dues par Mme [E] au titre de cette remise doivent, ainsi, être diminuées du montant de cette réduction de prix. Le coût des réparations pouvant être évalué, à dire d'expert, à 82 585,81 euros et le montant de la réduction de prix s'élevant à 67 000 euros, Mme [E] sera condamnée à payer à M. et Mme [W] la somme résiduelle de 15 585,81 euros.

17. Il n'y a pas lieu, dans ces conditions, d'étendre la cassation aux chefs de dispositif fixant le point de départ des intérêts légaux et statuant sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne Mme [E] à payer à M. et Mme [W] la somme de 82 585,81 euros au titre des travaux de reprise à réaliser, l'arrêt rendu le 17 décembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Condamne Mme [E] à payer à M. et Mme [W] la somme de 15 585,81 euros au titre des travaux de réparation de l'ouvrage ;

Condamne M. et Mme [W] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées devant la Cour de cassation ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq décembre deux mille vingt-quatre.ECLI:FR:CCASS:2024:C300662

Publié par ALBERT CASTON à 17:55  

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