Vente immobilière et bouleversement de l'économie du contrat
Cour de cassation - Chambre civile 3
- N° de pourvoi : 23-22.946
- ECLI:FR:CCASS:2025:C300259
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle sans renvoi
Audience publique du mercredi 28 mai 2025
Décision attaquée : Cour d'appel de Metz, du 21 septembre 2023
Président
M. Boyer (président doyen, faisant fonction de premier président)
Avocat(s)
SARL Ortscheidt, SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
______________________
Arrêt du 28 mai 2025
Cassation partielle
sans renvoi
M. BOYER, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 259 F-D
Pourvoi n° S 23-22.946
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 MAI 2025
La société TP Colle, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° S 23-22.946 contre deux arrêts rendus les 23 juin 2022 et 21 septembre 2023 par la cour d'appel de Metz (respectivement 3ème chambre et chambre commerciale), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Manulor, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], venant aux droits de la société TLI,
2°/ à la société Mariotti et associés, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1],
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Bironneau, conseiller référendaire, les observations de la SARL Ortscheidt, avocat de la société TP Colle, de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Manulor, après débats en l'audience publique du 1er avril 2025 où étaient présents M. Boyer, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bironneau, conseiller référendaire rapporteur, Mme Abgrall, conseiller faisant fonction de doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Déchéance partielle du pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt du 23 juin 2022, examinée d'office
1. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 978 du même code.
2. Il résulte de ce texte qu'à peine de déchéance, le demandeur à la cassation doit, au plus tard dans le délai de quatre mois à compter du pourvoi, remettre au greffe de la Cour de cassation un mémoire contenant les moyens de droit invoqués contre la décision attaquée.
3. La société TP Colle s'est pourvue en cassation contre deux arrêts rendus par la cour d'appel de Metz, l'un le 23 juin 2022, l'autre le 21 septembre 2023, mais aucun des moyens contenus dans le mémoire n'est dirigé contre le premier arrêt.
4. Il y a donc lieu de constater la déchéance du pourvoi en ce qu'il est formé contre l'arrêt du 23 juin 2022.
Faits et procédure
5. Selon l'arrêt attaqué (Metz, 21 septembre 2023), la société TLI, aux droits de laquelle vient la société Manulor, a conclu avec la société TP Colle, pour la construction d'un centre commercial et de loisirs, un marché à forfait concernant le lot VRD.
6. Des travaux supplémentaires ont été exécutés.
7. La société TP Colle a assigné la société TLI en paiement de factures impayées.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
8. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
9. La société TP Colle fait grief à l'arrêt du 21 septembre 2023 d'infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société TLI à payer la somme de 183812,58 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter du 7 octobre 2013 et de condamner la société Manulor, venant aux droits de la société TLI, à lui payer la seule somme de 94 113,99 euros TTC, alors « que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; qu'en retenant, pour apprécier l'existence d'un bouleversement de l'économie du contrat, que seuls quatre bâtiments ont été construits sur les six prévus initialement, sans répondre aux conclusions de la société TP Colle faisant valoir que la société TLI avait renoncé à réaliser le bâtiment 6 parce qu'elle avait vendu la parcelle pour la construction d'un drive et que la société TP Colle avait réalisé la voirie initialement prévue pour desservir le bâtiment 6 conformément au marché de base, de sorte que la société TLI avait vendu la parcelle avec les voiries déjà réalisées par la société TP Colle, ce dont il résultait que la renonciation de la société TLI à la construction du bâtiment n'avait pas eu pour effet de diminuer les travaux effectivement réalisés par la société TP Colle au titre du marché forfaitaire, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de réponse à conclusions, en violation de l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
10. La cour d'appel a constaté que seuls quatre bâtiments sur les six initialement prévus avaient été construits et que la comparaison entre les plans du projet et ceux réalisés à la demande de la société Manulor par un géomètre-expert établissait une différence de 20 % entre les surfaces initialement prévues et celles effectivement réalisées, s'agissant des éléments de surface et non pas des réseaux enterrés.
11. Puis elle a relevé que les diminutions de prix admises par la société TP Colle et le maître d'oeuvre et celles démontrées par les plans de M. [G], corroborés par le décompte de M. [I] et la situation de paiement n° 14, établissaient une diminution des quantités réalisées pour un total d'environ 24,50 % du prix du marché initial.
12. Elle en a souverainement déduit, sans être tenue de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes, que le bouleversement de l'économie du contrat était démontré et que la société Manulor était, par conséquent, fondée à demander la détermination du prix au regard des quantités réellement mises en oeuvre.
13. Le moyen n'est donc pas fondé.
Mais sur le moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
14. La société TP Colle fait le même grief à l'arrêt du 21 septembre 2023, alors « que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties, fixées par l'acte introductif d'instance et par les conclusions en défense ; que la partie qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs ; qu'en refusant d'assortir la condamnation prononcée des intérêts au taux légal à compter du 7 octobre 2013, motif pris que la société TP Colle ne réclamait pas les intérêts au taux légal sur sa créance, quand celle-ci sollicitait expressément, outre la condamnation de la SAS Manulor à lui payer la somme de 183 812,58 euros au titre de sa créance de travaux, la confirmation du jugement pour le surplus et n'était, en conséquence, pas tenue de réitérer dans le dispositif de ses conclusions la demande en paiement des intérêts au taux légal à compter du 7 octobre 2013, pour laquelle elle avait obtenu gain de cause en première instance, la cour d'appel a violé les articles 4 et 954 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 4 et 954, alinéa 6, du code de procédure civile :
15. Selon le premier de ces textes, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties, fixées par l'acte introductif d'instance et par les conclusions en défense.
16. Aux termes du second, la partie qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.
17. Pour limiter la condamnation de la société Manulor au seul paiement de la créance principale, l'arrêt retient que la société TP Colle ne réclame pas les intérêts au taux légal sur sa créance.
18. En statuant ainsi, alors que, dans le dispositif de ses conclusions, la société TP Colle demandait, outre le paiement d'une créance principale de 183 812,58 euros, la confirmation pour le surplus du jugement, lequel avait accordé les intérêts au taux légal depuis la mise en demeure, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
19. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
20. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
21. Pour les motifs exposés au paragraphe 18, il sera fait droit à la demande d'intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CONSTATE la déchéance partielle du pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt rendu le 23 juin 2022 par la cour d'appel de Metz ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il limite la condamnation de la société Manulor au seul paiement de la créance principale de 94 113,99 euros TTC, l'arrêt rendu le 21 septembre 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Dit que la condamnation de la société Manulor à payer à la société TP Colle la somme de 94 113,99 euros TTC portera intérêts au taux légal à compter du 7 octobre 2013 ;
Condamne la société Manulor aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Manulor et la condamne à payer à la société TP Colle la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé publiquement le vingt-huit mai deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2025:C300259
Publié par ALBERT CASTON à 16:17
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Libellés : bouleversement , réduction du prix , surface , vente immobilière
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