Aucune diligence particulière n'avait été mise à la charge des parties, la péremption n'était donc pas encourue
Cour de cassation - Chambre civile 2
- N° de pourvoi : 23-14.491
- ECLI:FR:CCASS:2025:C200833
- Publié au bulletin
- Solution : Cassation
Audience publique du jeudi 11 septembre 2025
Décision attaquée : Cour d'appel de Rouen, du 10 février 2023
Président
Mme Martinel (présidente)
Avocat(s)
SCP Foussard et Froger, SCP Célice, Texidor, Périer
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
AF1
COUR DE CASSATION
______________________
Arrêt du 11 septembre 2025
Cassation
Mme MARTINEL, présidente
Arrêt n° 833 F-B
Pourvoi n° B 23-14.491
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 11 SEPTEMBRE 2025
La caisse primaire d'assurance maladie d'Eure et Loir, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° B 23-14.491 contre l'arrêt rendu le 10 février 2023 par la cour d'appel de Rouen (chambre sociale et des affaires de sécurité sociale), dans le litige l'opposant à la société Novandie, société en nom collectif, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Techer, conseillère référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie d'Eure et Loir, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Novandie, et l'avis de M. Adida-Canac, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 juin 2025 où étaient présentes Mme Martinel, présidente, Mme Techer, conseillère référendaire rapporteure, Mme Durin-Karsenty, conseillère doyenne, et Mme Sara, greffière de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée de la présidente et conseillères précitées, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 10 février 2023), le 2 octobre 2017, M. [Y], salarié de la société Novandie, a été victime d'un accident de travail, qui a été pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie d'Eure-et-Loir (la caisse), au titre de la législation des risques professionnels.
2. Le 23 février 2018, l'employeur a contesté la décision de prise en charge devant la commission de recours amiable de la caisse.
3. En l'absence de réponse, il a saisi, le 14 novembre 2018, un tribunal des affaires de sécurité sociale en contestation de la décision implicite de rejet.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. La caisse fait grief à l'arrêt de déclarer bien fondé le moyen tiré de la péremption de l'instance et de constater que l'instance est périmée, alors « que l'instance est périmée lorsqu'aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans ; que lorsque la procédure est sans représentation obligatoire, le greffe avise l'intimé de l'appel, lui adresse une copie de la déclaration d'appel, l'informe qu'elle sera ultérieurement convoquée devant la cour, puis convoque le défendeur à l'audience prévue pour les débats, dès sa fixation et quinze jours au moins à l'avance ; que la procédure étant orale et la convocation étant le seul fait du greffe, la direction de la procédure échappe aux parties qui ne peuvent l'accélérer ; qu'en retenant dès lors que la caisse ayant interjeté appel le 13 juillet 2020, les parties devaient accomplir une diligence de nature à manifester leur volonté de poursuivre l'instance, la cour d'appel a violé l'article 386 du code de procédure civile, ensemble l'article 6§1 de la CEDH. »
Réponse de la Cour
5. Vu les articles 386, 446-1, 932, 936 et 937 du code de procédure civile :
6. Selon le premier de ces textes, l'instance est périmée lorsqu'aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans.
7. Selon le troisième, dans la procédure sans représentation obligatoire, l'appel est formé par une déclaration que la partie ou tout mandataire fait ou adresse, par pli recommandé, au greffe de la cour d'appel.
8. Aux termes du quatrième, dès l'accomplissement des formalités par l'appelant, le greffe avise, par tous moyens, la partie adverse de l'appel, lui adresse une copie de la déclaration d'appel et l'informe qu'elle sera ultérieurement convoquée devant la cour.
9. Aux termes du dernier, le greffier de la cour convoque le défendeur à l'audience prévue pour les débats, dès sa fixation et quinze jours au moins à l'avance, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Le demandeur est avisé par tous moyens des lieu, jour et heure de l'audience. La convocation vaut citation.
10. Par ailleurs, selon le deuxième des textes susvisés, les parties présentent oralement à l'audience leurs prétentions et les moyens à leur soutien. Elles peuvent également se référer aux prétentions et aux moyens qu'elles auraient formulés par écrit. Les observations des parties sont notées au dossier ou consignées dans un procès-verbal.
11. Il résulte de ce texte qu'en procédure orale, hors le cas où le juge organise les échanges entre les parties conformément à l'article 446-2 du code de procédure civile, les parties ne sont pas tenues d'échanger des conclusions avant l'audience des débats.
12. Il découle de l'ensemble de ces textes qu'une fois que les parties ont rempli les formalités prévues à l'article 932 du code de procédure civile, et à moins qu'elles ne soient tenues d'accomplir une diligence particulière mise à leur charge par la cour d'appel, la direction de la procédure leur échappe. Elles n'ont, dès lors, plus de diligences à accomplir en vue de l'audience à laquelle elles sont convoquées par le greffe.
13. En particulier, il ne saurait leur être imposé de solliciter la fixation de l'affaire à une audience à la seule fin d'interrompre le cours de la péremption, laquelle ne peut leur être opposée pour ce motif.
14. Pour constater la péremption de l'instance, l'arrêt énonce que, si en procédure orale, les parties n'ont pas l'obligation de conclure, il leur appartient à tout le moins, si elles n'entendent pas le faire, de manifester leur intention de poursuivre l'instance en demandant la fixation de l'affaire à une audience, quelles que soient les chances de succès d'une telle demande, et, si au contraire elles entendent conclure, de le faire en temps voulu. Il retient que, la caisse ayant interjeté appel le 13 juillet 2020, les parties devaient accomplir une diligence avant le 13 juillet 2022. Il ajoute que la caisse a adressé ses premières conclusions le 4 novembre 2022 et que l'employeur a conclu le 9 décembre 2022 et n'a pas sollicité la fixation de l'affaire, laquelle a été fixée par le greffe au-delà du délai de deux ans par convocation du 6 septembre 2022. Il en déduit que l'instance est périmée, faute de diligence accomplie avant le 13 juillet 2022 et à défaut de fixation de l'affaire dans ce délai.
15. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations qu'aucune diligence particulière n'avait été mise à la charge des parties, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 février 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Caen ;
Condamne la société Novandie aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Novandie et la condamne à payer à la caisse primaire d'assurance maladie d'Eure-et-Loir la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé publiquement le onze septembre deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2025:C200833
Analyse
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Titrages et résumés
Publié par ALBERT CASTON à 16:28
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Libellés : diligence , péremption , Procédure
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