Au fil des années, il apparait que nous sommes devenus « sexless » le nombre de rapports moyens par mois ne cessant de diminuer. En cause, notre hyperconnectivité et les séries tv consommées de manière excessives (http://www.cosmopolitan.fr/,on-ne-fera-plus-l-amour-en-2030,1965913.asp). De même qu’un phénomène singulier comme la « sologamie » connaît une certaine actualité, certaines personnes s’épousent elle-même, d’autres chercheurs considèrent que l’amour entre humains et robots sexuels est inévitable et que ce type de mariage est également inéluctable.

Aux Etats-Unis, certains auteurs comme Gary Marchant se basant sur la décision Stonewall 5-4 Obergefell v Hodge de la cour suprême qui a reconnu le droit au mariage des personnes de même sexe sur tout le territoire américain, considère que les critères retenus par la plus haute juridiction américaine peuvent être transposés à une situation homme-machine. La cour suprême américaine a en effet, conclu dans cette affaire que la question du mariage se réduisait au « droit fondamental d’une personne au sein d’une société libre de choisir la nature de ses relations et le style de vie qu’elle désire mener dans la mesure où elle ne nuit pas à d’autres de manière déraisonnable ».

Cette formulation et ce raisonnement, typiquement de common law, montre bien que rien ne pourra s’opposer à cette évolution. Gary Marchant conclut ainsi que la question du mariage entre humains et robots n’est pas une question de droit des robots, mais concerne le droit d’un humain d’épouser un robot (Slate.fr « Les Humains devraient avoir le droit d’épouser des robots » 2 septembre 2015).

Si l’amour et le sexe avec les robots sont aujourd’hui une réalité, le mariage s’en suivra, inévitablement, de même la reconnaissance d’une personnalité juridique spécifique au robot.

En février 2017, Mady Delvaux députée européenne luxembourgeoise en charge des questions liées à la robotique estimait que pour le juriste, le développement de la robotique, qu’elle soit ludique ou à visée industrielle, posait des « défis juridiques et éthiques ».

S’agissant des robots de divertissement, et plus encore des love dolls dont le développement connait un essor grandissant, particulièrement au Japon et aux Etats-Unis, la député européenne et son groupe ont ainsi élaboré un texte à l’intention du parlement européen lui proposant de mettre en débat deux axes de réflexion « la création d’une charte visant à empêcher les personnes de devenir émotionnellement dépendantes de leurs robots » et « la création d’une personnalité juridique propre aux robots ».

Le 16 février 2017, le parlement européen a adopté une résolution sur ces problématiques.

Si la question d’attribuer une personnalité juridique aux robots, envisagée par la commission Delvaux, a été évoquée, pour le moment cette solution n’a pas été retenue par le parlement qui cependant considère à terme qu’il est envisageable de créer « une personnalité juridique spécifique aux robots, pour que les robots les plus sophistiqués puissent être considérés comme des personnes électroniques responsables, tenues de réparer tout dommage causé à un tiers ».

En revanche, les députés ont entendu la mise en garde de la commission Delvaux et insisté sur la nécessité de « garantir la possibilité d’exercer un contrôle humain à tout moment sur les machines intelligentes et d’accorder une attention particulière au fait qu’une relation émotionnelle est susceptible de se développer entre l’homme et le robot, notamment chez les personnes vulnérables (enfants, personnes âgées, personnes handicapées).

Cette résolution laisse perplexe.

Le développement des robots sexuels, ou love doll, est un fait avéré. Il existe un marché et l’apparition et le développement de ces robots de plus en plus sophistiqués s’inscrit dans l’évolution de ce que certains appellent déjà la « cybersexualité ».

« En 2017, l’android Love doll peut prendre 50 positions sexuelles automatisées, quelques autres simulent des orgasmes et/ou adoptent des personnalités préprogrammées ou parlent » (https://fr.wikipedia.org/wiki/Robot_sexuel).

Le créateur de Samantha un robot sexuel espagnol bardé de capteurs, serait également doté d’un point G. « Disposant déjà d’un mode sexy et d’un mode famille, Samantha devra bientôt être équipée d’un code moral, c’est à dire que celle-ci sera plus excitée par une personne qui la traitera avec respect. Déjà capable de communiquer et d’avoir des orgasmes, le robot sera en mesure de jauger le caractère et la façon d’être de son propriétaire ».

Le meilleur restant à venir, le créateur de Samantha imagine en effet, la possibilité de permettre aux humains de se reproduire avec le robot sexuel, soit créer un génome artificiel à partir de la mère robot et du géniteur, puis d’associer ce génome à un algorithme, le tout relié à une imprimante 3D…(sciencepost.fr Le robot sexuel Samantha devient un produit de masse en Europe, par Yohan Demeure, 8 novembre 2017)

On aura beau rire de ce développement des poupées sexuelles, le phénomène est là, et si le bébé robot n’est pas pour demain, encore que, le phénomène s’amplifie à mesure que la technologie fabrique des poupées de plus en plus ressemblantes à l’homme et plutôt à la femme, car apparemment le robot sexuel masculin est plutôt sous-représenté sur ce marché particulier.

Envisager de donner une personnalité juridique spécifique est dangereuse, si le robot reste assigné à sa place de machine, le droit commun de la responsabilité des choses devrait s’appliquer naturellement. En cas d’incident ou d’accident provoqués ou dus à l’utilisation du robot, la responsabilité du propriétaire, ou du gardien du robot, sera évidemment applicable. Eventuellement, et le cas échéant, celle du constructeur ou du fabricant, pour des vices cachés par exemple.

Reste que dans le cas du robot sexuel, les relations personnelles avec le propriétaire vont nécessairement évoluer vers ce statut de « personne » tout au moins au sens juridique. En effet, sans même parler plaisir ou orgasme, aujourd’hui des situations comme le mariage avec des robots, l’adultère avec un robot, la filiation avec le robot, sont autant de problématiques soumises aux juristes car elles vont naturellement découler de ces situations relationnelles inédites, qu’elles soient sexuelles ou platoniques. La question de l’adultère virtuel fait déjà débat, un divorce a pu être prononcé aux torts exclusifs de l’épouse fréquentant un site de rencontre sans qu’il puisse lui être reproché d’avoir commis un adultère physique (Cour de cassation 30 avril 2014).

La commission Delvaux et le parlement européen sont donc d’une naïveté confondante s’ils pensent sérieusement empêcher toute relation émotionnelle entre un humain et un robot.

Le droit ne dicte pas les sentiments, au pire, on peut dire qu’il les encadre, il impose – encore un devoir de fidélité et punit l’adultère dans le mariage (mais pas dans le PACS), l’abandon d’enfant ou de domicile pour les conjoints, impose un devoir de secours et d’aliments, protège le patrimoine des époux et de la famille, protège les enfants, mais ne dicte jamais les sentiments.

Agnès Giard, auteur d’un ouvrage sur les Love dolls au Japon (Les Belles Lettres 2016), livre les explications les plus convaincantes et les plus subtiles sur la nature de ces relations qui se nouent assez naturellement dans ce pays entre humains et poupées sexuelles (Le Point High Tech/futurapolis-sexe-et-robots, Antoine Grenapin le 23 Novembre 2017).

Tout d’abord, elle insiste sur le fait que les japonais qui sont de grands amateurs de technologies ne recherchent pas dans les love dolls les fonctions motrices, telles que, bouger les yeux, la langue. Pour un japonais adepte de ce genre de poupée, ces effets sont même répulsifs. Pour eux « le mouvement tue la vie ». « quand elle bouge une love doll ressemble à un zombie ». Au contraire, « parce qu’étant immobile, elle favorise toutes les projections et se fait le miroir de nos états d’âme ». Les fabricants japonais leur donneraient donc un aspect volontairement factice, « parfois même un air absent et un regard plongé dans le vague ». Et Agnès Giard de poursuivre « ils ne sont pas faits pour nous remplacer en mieux, mais pour suggérer l’idée de la finitude ». Elle conclut « Plutôt que d’en faire des substituts destinés à remplacer l’humain, il serait beaucoup plus réaliste de les voir comme des éléments de langage ».

Michaël Puett, professeur à Harvard et spécialiste de la philosophie chinoise, expose dans son ouvrage « La Voie » (Belfond Nov. 2017 pour l’édition française), notamment, les théories de Xunzi dont la pensée repose sur l’artificialité. Xunzi considère en effet, que rien n’est naturel et qu’il n’est rien de plus dangereux que de considérer le monde comme naturel ou pire qu’il devrait l’être.

Michaël Puett écrit « Nous avons tendance à nous méfier des êtres qui paraissent artificiels ou fabriqués. Pourtant comme Xunzi ne manquerait pas de nous le rappeler, chacun de nous s’est fabriqué un personnage. Même lorsque nous sommes convaincus d’être naturels et authentiques, notre façon d’être résulte de multiples choix et relève donc également de l’artifice ».

Les juristes continueront donc longtemps, comme ils l’ont toujours fait, car la réalité précède toujours le droit, à courir derrière les évolutions technologiques, les intelligences artificielles, et les robots, qu’ils soient ou non à visée sexuelle.

{{* I LOVE YOU}}, un film de Marco Ferreri de 1986, dans lequel le personnage incarné par Christophe Lambert tombe amoureux d’un porte-clé en forme de visage féminin répondant « I love you » quand on le siffle. La même année, le japonais Nagisa Oshima imaginait Charlotte Rampling dans le rôle de l’épouse d’un diplomate ayant une liaison avec … un chimpanzé, dénommé Max.