Un salarié vous indique qu’il souhaite partir vivre à l’étranger et vous demande s’il est possible de poursuivre son activité en télétravail. Il s’agit d’une situation qui pourrait se développer dans les prochaines années.

Les questions juridiques liées au télétravail à l’étranger sont nombreuses et particulièrement complexes. Nous allons revenir sur certaines d’entre elles : 

  • Quel statut pour le salarié en télétravail ?

La première difficulté réside dans le fait que le télétravail à l’étranger n’est régi par aucun texte. Il en est de même des notions de détachement et d’expatriation qui ne sont pas définies en droit du travail.

Le détachement suppose une situation dans laquelle le salarié part travailler à l’étranger pour une certaine durée sans que le contrat de travail d’origine soit rompu.

L’expatriation suppose quant à elle une situation dans laquelle le salarié est envoyé à l’étranger pour une durée relativement importante et entraîne la suspension du contrat de travail avec la conclusion d’un contrat local dans le pays d’affectation.

Ainsi, le télétravail à l’étranger n’est pas assimilable au détachement ou à l’expatriation car le statut du salarié détaché ou du salarié expatrié impliquent l’existence d’un établissement à l’étranger pour lequel le salarié doit effectuer une mission précise à court ou long terme.

  • A quelle sécurité sociale le salarié est-il assujetti ?

Au sein de l’Union Européenne : 

  • le salarié français détaché pour une période inférieure à 24 mois peut rester affilié au régime de sécurité sociale français.
  • le salarié français non détaché est quant à lui assujetti à la sécurité sociale du pays dans lequel il travaille dès lors qu’il y exerce au moins 25 % de son activité, et ce indépendamment du maintien obligatoire ou volontaire à la sécurité sociale française (article 13&1 du règlement CE n° 883/2004).

Dans les autres pays, il convient de vérifier s’il existe une convention bilatérale avec la France et de s’y référer.

En l’absence de convention bilatérale, comme c’est le cas pour l’Australie par exemple :

  • Le détachement implique une double affiliation du salarié au régime français et au régime du pays d’accueil si ce régime est obligatoire ;
  • L’expatriation implique l’affiliation du salarié au régime de protection sociale du pays où il télétravaille si ce régime est obligatoire.

Dès lors que ces règles ne sont pas spécifiquement applicables au télétravail à l’étranger, Il est recommandé par précaution d’affilier le salarié au régime local et à une assurance facultative prévue pour les télétravailleurs par la Caisse des Français de l’Étranger (CFE).

Ces circonstances impliquent pour l’employeur de s’enregistrer auprès des services de sécurité sociale du pays d’accueil et d’établir des bulletins de salaire conformes à la législation locale.

Par ailleurs, l’employeur doit cotiser à l’assurance chômage en France même si le régime local auquel est affilié le salarié comporte déjà une assurance chômage obligatoire.

  • Quel droit appliqué ?

Comme il a été précédemment indiqué, le télétravail à l’étranger est très récent et n’est pas prévu par les textes européens et les accords bilatéraux.

L’article 8 du règlement CE n° 593/2008 du 17 juin 2008, dit règlement Rome I, prévoit un mécanisme en matière de détachement en renvoyant :

  • À la loi du pays dans lequel ou à partir duquel le travailleur accomplit habituellement son travail ;
  • À la loi du pays dans lequel se situe l’établissement qui a embauché le travailleur si la loi applicable ne peut être déterminé sur la base de l’accomplissement habituel du travail par le salarié ;
  • Ou à la loi du pays dans lequel il existe des liens plus étroits, compte tenu de l’ensemble des circonstances.

On pourrait alors penser que le droit applicable sera celui du pays dans lequel le salarié télétravaille. 

Toutefois, il convient d’être prudent dès lors que ces règles s’appliquent uniquement au détachement.

Ainsi, il est recommandé de choisir avec le salarié la loi qui est applicable à la relation de travail et de préciser celle-ci dans l’avenant au contrat de travail signé avec le salarié avant son départ.

Toutefois, même en présence d’une clause de choix de loi, il est nécessaire d’appliquer les dispositions impératives de la loi qui aurait été applicable au contrat à défaut de choix des parties (article 8&1 du règlement Rome I).

Ainsi, l’employeur peut se retrouver à appliquer des lois de différents pays ce qui peut s’avérer compliqué à gérer.

  • Quelles sont les incidences fiscales ?

Sous réserve d’une convention bilatérale avec le pays d’accueil, l’impôt sur le revenu doit être déclaré et payé dans le pays où le salarié télétravaille à temps plein, ce qui implique pour l’employeur de prélever l’impôt sur le revenu et de le payer dans le pays concerné.

Fiscalement, le télétravail à l’étranger pourrait poser une autre difficulté liée à la reconnaissance d’un « établissement stable » de la société du fait de la présence d’un salarié sur place.

Les contraintes liées au télétravail à l’étranger sont donc nombreuses et importantes.

Si vous décidiez d’accéder à la demande de votre salarié, il convient dans tous les cas d’être extrêmement vigilant et de préciser dans un avenant au contrat de travail, outre les règles régissant le télétravail, les modalités de rémunération, le maintien des droits acquis, la charge et les modalités des frais de déplacement, les frais entraînés par un retour du salarié, etc.

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