Les victimes de harcèlement moral prennent parfois le temps pour saisir le juge en raison de manque de moyens financiers, du délai de constitution du dossier (recueil de témoignages ou de preuves etc…)

 

Cette action est enserrée dans un délai de prescription de 5 ans.

 

Pour autant, les choses ne sont pas si simples.

 

La Cour de cassation a en effet rendu ce 9 juin 2021 une décision remarquée quant au délai qu’avait une victime pour engager la responsabilité de l’employeur.

 

Une salariée hôtesse de caisse, est placée en arrêt de travail puis, quelques mois plus tard, déclarée définitivement inapte à son poste.

 

Elle est licenciée le 17 novembre 2009 pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

 

Le 10 novembre 2014, soit presque 5 ans plus tard, elle décide de saisir le conseil de prud’hommes pour obtenir la condamnation de son employeur pour les faits de harcèlement moral dont elle considère avoir été victime et pour faire constater la nullité de son licenciement.

 

L’employeur lui oppose le fait que le délai soit trop long puisque le code civil dispose que :« Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. »

 

Dès lors, selon lui, le point de départ de l’action en réparation du préjudice subi du fait d’un harcèlement moral, qui est de 5 ans, est le moment de la révélation du harcèlement moral.

 

Pour lui, cette révélation est constituée par la connaissance de tous les éléments permettant à la salariée de s’estimer victime de harcèlement.  

 

Or, la salariée avait connaissance des éléments de faits lui permettant de faire reconnaître le harcèlement moral dès le 9 septembre 2009, date à laquelle elle s’était présentée à l’inspection du travail pour expliquer avoir fait l’objet d’une forme de harcèlement moral.

 

Dès lors, le conseil de prud’hommes ne pouvant être valablement saisi pour ces faits de harcèlement moral que jusqu’au 9 septembre 2014 au plus tard, son action était prescrite à compter du 10 novembre 2014, jour de la saisine.

 

L’employeur considère également qu’il n’était pas possible de prendre en compte des faits de harcèlement moral couverts par la prescription.

 

En d’autres termes, pour statuer sur la demande de reconnaissance du harcèlement moral, le juge ne pouvait pas prendre en compte des faits remontant à plus de 5 ans à compter du point de départ du délai de prescription.  

 

La Cour de Cassation n’a pas suivi ce raisonnement.

 

Elle considère tout d’abord qu’après avoir constaté que la salariée avait été victime de faits de harcèlement moral au-delà de son arrêt de travail et que celle-ci demandait la nullité de licenciement pour ces mêmes faits de harcèlement, il s’en déduit que le délai de prescription avait commencé à courir au jour du licenciement, et que l’action de la salariée n’était pas prescrite.

 

Surtout, elle estime que les juges doivent alors prendre en compte tous les faits invoqués par la salariée et ce, peu importe la date à laquelle ils ont été commis.

 

Cela signifie que des faits datant de plus de 5 ans peuvent encore être invoqués à l’appui d’une action qui elle-même ne serait pas prescrite.

 

C’est une décision particulièrement protectrice pour les salariés qui peut avoir des répercussions pour les employeurs très longtemps après la commission des faits.