Comment prouver les heures supplémentaires ?

 

Les salariés qui effectuent des heures supplémentaires se demandent souvent comment ils doivent les prouver.

Les règles sont protectrices pour les salariés et les employeurs doivent être particulièrement prudents.

Focus.

 

En réalité, la preuve des heures supplémentaires n'incombe spécialement à aucune des parties.

 

Le code du travail prévoit qu’en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles art.L3171-4 du code du travail)

 

Les juges ont eu à se pencher sur l’interprétation à donner à cette règle et en ont tiré les principes suivants.

 

En premier lieu celle selon laquelle la charge de la preuve n'incombant spécialement à aucune des parties, le juge ne peut rejeter une demande de paiement d'heures supplémentaires en se fondant exclusivement sur l'insuffisance des preuves apportées par le salarié.

 

La demande du salarié ne peut être rejetée au motif qu'il ne démontre pas la réalité des heures supplémentaires alléguées puisque la preuve ne pèse pas exclusivement sur celui-ci.

 

Le salarié doit présenter, à l'appui de sa demande de paiement d'heures supplémentaires, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

 

Quand peut-on considérer que le salarié présente des éléments précis ?

 

Il a été jugé que la demande de paiement d'heures supplémentaires est suffisamment étayée, ou les éléments présentés par le salarié sont suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre lorsque par exemple:

 

  • Le salarié produit des tableaux relatifs aux heures supplémentaires par mois et non par semaine;
  • Il est produit un relevé d'heures hebdomadaires ainsi que les agendas à partir desquels le relevé est établi, lesquels comportaient une mention manuscrite sur l'amplitude de travail quotidien;
  • Une salariée produit des décomptes de ses heures supplémentaires sur plusieurs années, sans l'assortir d'aucun autre document, et qui prennent en compte des temps de présence alors qu'elle est hospitalisée ou absente de l'entreprise ou en congés payés;
  • Le salarié, qui travaille dans un garage, produit des attestations faisant des constatations ponctuelles émanant de voisins, de commerçants, de clients, d'un ami et de son épouse;
  • Le salarié produit des calendriers qui indiquent pour chaque jour un nombre global d'heures sans préciser les horaires de début et de fin du travail ainsi qu'un tableau écrit par lui-même faisant état d'un total d'heures travaillées;
  • Le salarié communique un décompte fondé sur une amplitude horaire;
  • Une salariée produit des décomptes qui se limitent à comparer son temps de travail hebdomadaire résultant de son contrat de travail avec des heures effectuées par semaine sans aucun détail du temps journalier et alors que l'employeur a prononcé des avertissements en raison du refus ou des défauts répétés de la salariée de renseigner ses feuilles de présence;
  • Un  salarié présente des récapitulatifs des heures supplémentaires qu'il affirme avoir effectuées par mois et par année alors que l'employeur ne produit aucun élément de contrôle de la durée du travail;
  • Un salarié fournit un document, établi par ses soins, constitué d'un tableau pour chacune des années concernées et que chaque tableau indique pour chaque semaine le nombre d'heures supplémentaires travaillées;
  • Un salarié produit un tableau des heures supplémentaires accomplies mensuellement, une description des tâches journalières, des attestations relatives à ses horaires et sa disponibilité ainsi qu'un courriel de l'employeur lui imposant de limiter son temps de travail;
  • Un salarié produit un tableau qui mentionne le nombre d'heures supplémentaires réalisées chaque semaine, alors même qu'elles sont identiques sur plusieurs semaines d'affilée et que le salarié ne précise pas les heures d'arrivée et de départ de l'entreprise;
  • Un salarié produit un listing informatique établi pour les besoins de la cause reconstituant ses horaires de travail sur plusieurs semaines et un planning informatique portant sur un mois type;
  • Un salarié produit un certain nombre d'e-mails professionnels envoyés tôt le matin ou tard le soir;
  • Un salarié produit des éléments selon lesquels l'employeur demandait de commencer le travail avant le début de service et de le poursuivre après la fin de l'horaire de service sans comptabiliser ce temps de travail;
  • Un salarié produit des tableaux des heures supplémentaires revendiquées, même s'ils ont été établis a posteriori pour les besoins de la cause et que le salarié n'a jamais fait état de ces heures supplémentaires durant la relation contractuelle et qu'il ne les a pas mentionnées au titre de la réclamation de son solde de tout compte lors de sa démission;
  • Un salarié produit des bulletins de salaire qui font apparaître treize heures supplémentaires chaque mois;
  • Un salarié produit des agendas ainsi que des récapitulatifs hebdomadaires des heures qu'il prétendait avoir réalisées;
  • Un salarié fournit son agenda et son planning, éléments propres à justifier les horaires réalisés et qui mettent l'employeur en mesure de répondre. Il importe peu que l'employeur soutienne que ces éléments comprennent des erreurs et des incohérences;
  • Un  salarié produit des fiches de saisie informatique enregistrées sur l'intranet de la société, contenant le décompte journalier des heures travaillées, auquel l'employeur pouvait répondre, peu important la référence faite dans ces fiches à une durée de travail de 37 heures alors que le contrat de travail prévoit une durée de 35 heures;
  • Un salarié produit des captures d'écran d'ordinateur;

 

A contrario, la demande de paiement des heures supplémentaires n'est pas assez étayée, ou le salarié ne présente pas d'éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre lorsque :

 

  • Le document produit par le salarié ne comporte aucun élément concernant le nombre des heures de travail qu'il prétend avoir accomplies ni ne précise les horaires de travail qui auraient été effectués par jour, par semaine ou par mois;
  • Le salarié se borne à chiffrer sa demande sur trois années sans indiquer ni ses horaires de travail, ni quels jours de la semaine ou du mois il a accompli des heures supplémentaires, et que ses affirmations sont contredites par les attestations produites par l'employeur;
  • La salariée produit des décomptes sur lesquels elle a uniquement indiqué une durée de travail hebdomadaire de 55 heures. En outre, elle considérait que le fait d'être passé, ultérieurement, en forfait-jours permettait de confirmer rétrospectivement une durée de travail supérieure à sa durée contractuelle de travail.

 

 

Dès lors que le salarié a apporté des éléments à l'appui de sa demande de paiement d'heures supplémentaires, et que l'employeur a fourni des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés, le juge forme sa conviction au vu de l'ensemble de ces éléments. Il peut ordonner, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

 

Ces exemples de décisions montrent qu’un employeur a toujours intérêt à enregistrer les heures réellement effectuées à défaut de quoi, il aura du mal à éviter sa condamnation en cas de contentieux lorsqu’un salarié fournira un décompte même manuscrit de son temps de travail.

 

Ces règles sont également applicables dans tous les litiges relatifs à la durée du travail.

 

L’aménagement des règles de preuve conduit à un volume très conséquent de litiges devant les juridictions prud’homales de sorte qu’il convient d’être particulièrement vigilant.