Un majeur protégé est une personne dans l’impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d’une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l’expression de sa volonté (article 425 du code civil).
Quoi de plus normal, dès lors, qu’elle fasse l’objet d’un traitement judiciaire particulier, adapté à sa situation physique ou psychique et à son besoin d’être assistée ou représentée.
Encore faut-il avoir connaissance des dispositions spéciales applicables en la matière, à savoir les articles 706-112 et suivants du code de procédure pénale.
1. Le bon reflexe : s’interroger sur l’existence d’une mesure de protection
Que vous soyez commis d’office ou que le client vous consulte de lui-même, l’existence d’une mesure de protection ne vous sautera pas nécessairement aux yeux et le client ne pensera pas toujours à vous faire part de cet élément qui n’aura peut-être aucun rapport avec les faits.
L’examen du dossier doit tout d’abord être minutieux, car cette information peut ressortir d’une déclaration de votre client en garde-à-vue ou en audition libre (lors de l’interrogatoire sur son identité auquel vous n’assistez pas toujours pour cause de délai d’attente expiré...). Il ne faut pas toujours compter sur les enquêteurs ou le parquet pour mentionner cette information dans le dossier car ils l’ignorent eux-mêmes le plus souvent....
Il faut donc penser à intérroger systématiquement son client sur ce point, notamment lorsque celui-ci ou le dossier font état de troubles psychiques ou d’un handicap.
Toutes les mesures de protection sont concernées : sauvegarde de justice, curatelle, tutelle (l’article 706-112 du CPP visant le « titre XI du livre Ier du code civil »).
2. L’avocat est obligatoire
Le majeur protégé poursuivi doit obligatoirement être assisté d’un avocat de son choix ou commis d’office. Le choix revient évidemment prioritairement au majeur protégé mais peut aussi être le fait du curateur ou du tuteur.
Attention, il n’est pas pour autant prévu que l’aide juridictionnelle soit octroyée de plein droit et dépendra donc des conditions de ressource du majeur protégé.
3. Vérifier que le juge des tutelles et le curateur/tuteur ont été informés
Il revient en principe au procureur de la République (ou au juge d’instruction) d’informer le juge des tutelles, le curateur ou le tuteur des poursuites dont fait l’objet le majeur protégé (y compris en cas de CRPC ou de procédure alternative aux poursuites : composition pénale...).
Le curateur ou le tuteur doit, lui, être également informé de la date de l’audience afin qu’il puisse y être entendu en qualité de témoin (cf. infra.).
Le plus souvent, c’est le curateur ou le tuteur lui-même qui, informé par le majeur protégé, aura connaissance de la convocation et vous contactera.
Il ne faut en aucun cas négliger cette information, le tuteur ou le curateur étant, bien souvent, un membre de la famille pouvant vous fournir un certain nombre d’informations pour la défense de votre client.
4. L’expertise médicale est obligatoire
La principale mesure dérogatoire dont bénéficient les majeurs protégés est l’organisation d’une expertise médicale (psychiatrique en principe) de manière obligatoire, à tout stade de la procédure (article 706-115 du CPP).
Ainsi, si votre client est convoqué sans avoir fait l’objet, au préalable, d’une mesure d’expertise, le dossier devra être renvoyé et une expertise ordonnée, ce qui est fréquemment le cas en matière de COPJ.
De même en matière de comparution immédiate, où le curateur/tuteur n’aura en outre, bien souvent, pas pu être informé de la date de l’audience.
Cette mesure d’expertise a pour objet évident de déterminer la responsabilité pénale du prévenu au moment des faits, à savoir s’il était atteint, ou non, d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant altéré, entravé ou aboli son discernement ou le contrôle de ses actes (article 122-1 du code pénal).
Pour rappel, si la juridiction retient une abolition du discernement du prévenu au moment des faits, elle ne pourra que rendre une déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental. Mais attention, cela n’équivaut en aucun cas à une relaxe puisque demeure une déclaration de culpabilité (la juridiction déclare que la personne a commis les faits qui lui étaient reprochés mais sans la condamner), ce qui laisse demeurer la responsabilité civile du prévenu, l’article 414-3 du code civil disposant que « celui qui a causé un dommage à autrui alors qu'il était sous l'empire d'un trouble mental n'en est pas moins obligé à réparation » : V. sur la déclaration d’irresponsabilité pénale notamment l’article 706-133 du CPP (articles 706-119 et suivants en matière d’instruction).
5. Le statut particulier du curateur ou du tuteur
Tout au long de la procédure, le curateur ou le tuteur occupe une place centrale, au point de devenir bien souvent l’interlocuteur privilégié de l’avocat.
Tout d’abord, le curateur ou le tuteur a le droit d’accéder à l’intégralité du dossier. Il pourra ainsi participer de manière active à la défense du majeur protégé. Attention, cela ne met pas pour autant fin au secret professionnel et il ne faut donc, en principe, pas divulguer les informations directement fournies par le majeur protégé à son curateur ou tuteur.
Ensuite, le curateur ou le tuteur (qui, rappelons-le, doit être informé de la date de l’audience, doit, s’il est présent, y être entendu en qualité de témoin (article 706-113, dernier alinéa), ce qui signifie qu’en principe, il ne vous revient pas de le faire citer (économisant de ce fait les délais et coûts qui en découlent).
En revanche, il ne semble pas qu’il soit soumis aux dispositions de l’article 436 du CCP lui imposant, en sa qualité de témoin, de se retirer pendant les débats dans la mesure où il a accès au dossier.
Le curateur ou le tuteur ne peut donc être assimilé à un témoin classique.
Voilà de brefs rappels sur ces dispositions particulières, qui, loin d’être exhaustifs (et qui concernent, vous l’aurez compris, principalement les audiences correctionnelles), auront peut être le mérite d’éveiller certains reflexes lors de l’étude de dossiers pénaux.
Je préciserai simplement qu’ils sont rédigés à la suite d’une procédure de COPJ où le parquet n’avait ni informé le curateur (le curateur ayant été informé directement par le majeur), ni organisé d’expertise psychiatrique (ce qui a donc dû être fait à ma demande) et ou l’audition du curateur a tout d’abord été refusée (avant lecture à l’audience du dernier alinéa l’article 706-113 du CPP suscité). Tout cela pour terminer, heureusement, sur une relaxe.
La question de l’assistance d’une victime sous curatelle ou tutelle peut également se poser mais le code de procédure pénale est silencieux sur ce point. Les règles classiques de la procédure civile trouvent alors à s’appliquer.
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