Par un arrêt du 13 avril 2016 (n° 14-28293), la chambre sociale de la Cour de Cassation a enfin opéré un revirement de jurisprudence sur la notion de préjudice dit « nécessaire ».
Les juges ont en effet considérés « que l’existence d’un préjudice et l’évaluation de celui-ci relèvent du pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond ; que le conseil de prud’hommes, qui a constaté que le salarié n’apportait aucun élément pour justifier le préjudice allégué, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ».
Cet arrêt rompt donc avec le mécanisme de préjudice automatique, même en l’absence de preuve, dégagé dans un arrêt de la chambre sociale du 29 avril 2003 (n° 01-41364) à l’occasion d’un contentieux sur les règles de procédure en matière de licenciement qui instaura l »expression « cause nécessairement un préjudice ».
Cette jurisprudence « cause nécessairement un préjudice » s’appliquait également en cas de la remise tardive des documents sociaux (certificat de travail, du bulletin de salaire ou de l’attestation Pôle emploi), de la mention des critères d’ordre du licenciement, de l’information du salarié sur la convention collective applicable dans l’entreprise ou encore sur le fait d’exécuter une clause de non-concurrence illicite.
Avec ce arrêt, cette jurisprudence semble être révolue, du moins en ce qui concerne la remise tardive des documents sociaux, objet de l’espèce. En effet, à la lecture de la solution, d’une part, le préjudice doit désormais être prouvé par le salarié et, d’autre part, son existence et son évaluation relèvent du pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond.
La formule employée par la chambre sociale est large et marque l’abandon de la notion de préjudice nécessaire lorsque celle-ci ne résulte pas d’un texte ou d’une règle qui en consacrerait clairement le principe.
Il semble alors que la chambre sociale ait aligné sa jurisprudence sur celle de la chambre mixte de la Cour de cassation et, plus généralement, sur le droit commun de la preuve.
Il ne va pas s’en dire que les avis divergent concernant cet arrêt, certains considérant que cette position adoptée par la chambre sociale nie la spécificité protectrice du droit du travail, tandis que que d’autres considèrent que cela mettra un terme à certains effets d’aubaine. Un autre argument est de dire qu’en justifiant sa demande, le salarié aura plus de chances, si son préjudice est réel, de convaincre le juge de l’importance du dommage subi et ainsi, de voir son préjudice subi réparé intégralement.
Une chose est sûre, la preuve de ce préjudice ne sera pas toujours simple à apporter, le salarié devra mieux préparer son dossier.
Reste à déterminer la portée de ce revirement, dont on peut seulement affirmer, pour le moment, qu’il vaut pour la remise tardive des bulletins de paie et du certificat de travail.
Mais, la généralité de la formule employée semble suggérer une portée large. Il conviendra donc de suivre avec attention les prochaines décisions rendues par la chambre sociale pour en avoir la confirmation.
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