Annulant un arrêt rendu par la cour administrative d'appel de Bordeaux ainsi que le jugement que celui-ci confirmait, le Conseil d’Etat a jugé que les sommes appréhendées par un associé ou un actionnaire à la suite d’un rachat d’actions ou de parts par une société à l’IS sont imposées selon le régime des plus-values mobilières peu importent le motif du rachat et la circonstance que ce rachat serait financé sur les bénéfices et réserves autres que la réserve légale.

L’article 112, 6° du CGI prévoit que les sommes attribuées aux actionnaires ou aux associés personnes physiques au titre du rachat de leurs titres sont imposées entre leurs mains comme des plus-values mobilières. Toutefois, sur le terrain de l’abus de droit, l’administration fiscale peut considérer que la réduction de capital qui n’a été effectuée que dans le but exclusivement fiscal pour éluder l’impôt sur les dividendes, doit conduire à ce que les sommes appréhendées par les associés soient imposées comme des dividendes.

Au cas particulier, une assemblée générale extraordinaire d’une société, en date du 17 octobre 2016, a décidé de procéder à une réduction de son capital social, composé de 500 parts, par voie de rachat de 158 de ces parts suivi de leur annulation, et le prix de rachat de ces parts a été imputé, d'une part, sur le capital social, d'autre part, sur un compte de réserves distribuables. L’opération a été placée sous le régime fiscal des plus-values.

À la suite d'un contrôle sur pièces, l'administration fiscale a requalifié l'opération comme procédant d'une distribution de revenus et a assujetti la société au prélèvement forfaitaire non libératoire de 21 %, pour la raison que cette réduction de capital n'était pas motivée par des pertes et s'était traduite par une répartition au profit des associés, sans répartition préalable des réserves autres que la réserve légale. L’administration fiscale requalifie ainsi les sommes appréhendées par prélèvement sur les réserves en revenus distribués. En effet, pour que la répartition échappe à la qualification de de dividendes, il convient que tous les bénéfices et les réserves autres que la réserve légale aient été auparavant répartis.

La société a demandé au tribunal administratif de la Martinique de prononcer la décharge du prélèvement forfaitaire non libératoire et des contributions sociales ainsi que des pénalités correspondantes auxquels elle a été assujettie.

Par jugement du 12 mai 2022, le  tribunal administratif de la Martinique a rejeté la demande tendant à la décharge de ces impositions, et par un arrêt du 16 avril 2024, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé contre le jugement. En cassation, le Conseil d’Etat annule l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux et le jugement du tribunal administratif de la Martinique.

Pour le Conseil d’Etat, en jugeant que les sommes perçues par les associés personnes physiques de la société à l'occasion du rachat par cette dernière de leurs parts présentaient le caractère de revenus distribués relevant du régime fiscal prévu au 1° de l'article 112 du CGI aux motifs, inopérants, que cette réduction de capital n'était pas motivée par des pertes et s'était traduite par une répartition au profit des associés, sans répartition préalable des réserves autres que la réserve légale, la cour administrative d'appel de Bordeaux a commis une erreur de droit.

La société est ainsi déchargée du prélèvement forfaitaire non libératoire et des contributions sociales auxquels elle a été assujettie ainsi que des pénalités correspondantes.

Cette position du Conseil d’Etat nous semble logique puisque comme le relève la haute juridiction, depuis le 1er janvier 2015, les sommes ou valeurs reçues par les actionnaires ou associés au titre du rachat de leurs actions ou parts sociales par la société émettrice sont imposées selon le régime des plus-values de cession. Sont sans incidence à cet égard le motif du rachat et la circonstance que ce rachat serait financé sur les bénéfices et réserves autres que la réserve légale. Le motif du rachat et la circonstance que le rachat serait financé sur les bénéfices et réserves autres que la réserve légale ne doivent pas avoir d’incidence sur le régime d’imposition.

Conseil d'État, 9ème chambre, 15/10/2025, 495120, Inédit au recueil Lebon.

Arnaud Soton.