Les mentions légales constituent un exercice imposé lors de la mise en ligne d'un site internet. Si beaucoup de "clauses" paraissent stéréotypées, et si la tentation peut exister de piller ça et là des mentions légales "passe-partout", c'est pourtant souvent une mauvaise idée, et un arrêt rendu par la Cour de cassation au mois de janvier 2019 en est une nouvelle illustration.

En l'espèce, des associations anti-racistes avaient détecté et porté à la connaissance du Procureur de la République le caractère erroné et vraisemblalement mensonger des mentions légales du site internet de l'association "Égalité et Réconciliation", en ce qu'étaient désignés comme directeurs de la publication deux personnes respectivement condamnées à la réclusion criminelle à perpétuité et à 30 années de réclusion criminelle, et à ce titre incarcérées.

Si l'usage des téléphones portables en détention est monnaie courante, on pouvait toutefois légitimement s'interroger sur la capacité de ces individus à remplir leur rôle de directeurs de la publication d'un site internet depuis la cellule d'un centre de détention.

Le ministère public a dès lors diligenté une enquête, et a fini par poursuivre pénalement le dirigeant statutaire de l'association en question sur le fondement de l'article 6 de la loi du 21 juin 2004 (dite LCEN), lequel punit de la peine d'un an d'emprisonnement de 75.000 € d'amende le fait, pour le dirigeant d'une personne morale dont l'activité est d'éditer un service de communication au public en ligne de ne pas indiquer sur ce site "le nom du directeur ou du codirecteur de la publication et, le cas échéant, celui du responsable de la rédaction au sens de l'article 93-2 de la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982".

Le Tribunal correctionnel comme la cour d'appel ont prononcé la condamnation du dirigeant de l'association sur le fondement de ces dispositions, le prévenu ayant par la suite formé un pourvoi en cassation.

Peine perdue, puisque la Chambre criminelle de la Haute Cour consacre lapidairement la motivation des juges du fond, en visant notamment les dispositions de l'article 93-2 de la loi du 29 juillet 1982, qui impose à tout éditeur d'un service de communication au public en ligne d'avoir un directeur de la publication, lequel ne peut pas être librement choisi par la personne physique ou morale éditant le site internet.

En effet, si une personne physique édite le site internet, alors c'est elle et seulement elle qui peut être directeur de la publication.

Si le site est édité par une personne morale, alors le directeur de la publication est "est le président du directoire ou du conseil d'administration, le gérant ou le représentant légal, suivant la forme de la personne morale".

Rappelons qu'être directeur de la publication d'un site internet ne se résume pas à afficher son nom dans les mentions légales : en effet, sa responsabilité tant civile que pénale peut être engagée à raison des publications mises à la disposition du public, dans les conditions de la LCEN précitée.

La Cour de cassation rappelle ici qu'il est illusoire de désigner des hommes de paille en guise de directeurs de la publication, puisque les juges du fond ont toujours l'obligation d'examiner les faits de l'espèce pour identifier, notamment au moyen de données techniques, le véritable éditeur et, concrètement, le dirigeant réel de la personne morale à l'origine de la mise en ligne du site internet.

Pour cette clause comme pour toutes les autres mentions obligatoires, ou facultatives mais recommandées, l'assistance d'un professionnel est toujours une bonne idée.