La rupture du contrat de travail, qu’elle soit à l’initiative de l’employeur ou du salarié est toujours source d’inquiétude pour le salarié qui peut se retrouver du jour au lendemain sans aucune source de revenu. Le présent article a vocation à regrouper les différentes manières de rompre un contrat de travail en s’assurant de ne pas quitter son entreprise « les mains vides ».
I. Les règles en matière de chômage.
A. Droit au chômage en cas de perte d’emploi.
Pour bénéficier de l’allocation de retour à l’emploi (ARE), différentes conditions doivent être respectées par le salarié qui perd son emploi.
Tout d’abord, ce dernier doit s’inscrire auprès de Pôle Emploi.
Ensuite, il ne doit pas avoir atteint l’âge légal de départ à la retraite. A ce jour, tous les salariés nés après 1954 peuvent partir à la retraite à partir de 62 ans. Ils pourront continuer de percevoir l’ARE tant qu’ils n’ont pas le nombre de trimestres requis pour partir à la retraite. Dans tous les cas, l’indemnisation s’arrête à 65 ou 67 ans selon l’âge de naissance.
En outre, le salarié doit avoir travaillé au moins 130 jours ou 910 heures (6 mois) au cours des 24 derniers mois ou 36 mois pour les personnes de plus de 53 ans.
L’une des conditions essentielles de la prise en charge du chômage par Pôle Emploi est la privation involontaire de son emploi. Concrètement, cela signifie qu’un salarié qui démissionne de son dernier emploi ne peut pas prétendre au chômage sauf cas de démissions légitimes (démission pour suivre son partenaire, démission pour créer une entreprise…). Il faut également savoir que la rupture conventionnelle permet au salarié de bénéficier du chômage.
Concernant spécifiquement la question de la période d’essai, si le salarié met fin à sa période d’essai il ne pourra pas percevoir le chômage sauf à rentrer dans l’un des cas de démission légitime. A l’inverse, si l’employeur rompt la période d’essai, le salarié peut prétendre à l’ARE sous réserve d’être capable de démontrer avoir travaillé au minimum 6 mois au cours des 24 derniers mois ou 36 mois pour les salariés de 53 ans ou plus.
Enfin, le salarié doit être apte physiquement à travailler et être à la recherche effective et permanente d’un emploi. Cette dernière condition suppose que le salarié doit établir avec Pôle Emploi un projet personnalisé d’accès à l’emploi (PPAE). De même, il ne peut refuser deux offres raisonnables d’emploi sans risquer la radiation.
Le montant de ARE sera fonction du salaire antérieur gagné étant précisé que ce montant est dégressif de 30% à partir du 7ème mois d’indemnisation dans la limite d’un plancher de 87,65 euros.
B. Attention à l’abandon de poste qui n’ouvre plus nécessairement droit au chômage.
Depuis la loi du 21 décembre 2022, l’article L1237-1-1 du Code du travail dispose que :
« Le salarié qui a abandonné volontairement son poste et ne reprend pas le travail après avoir été mis en demeure à cette fin, par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge, est présumé démissionnaire. Le salarié qui conteste la rupture de son contrat de travail sur le fondement de cette présomption peut saisir le conseil de prud’hommes.
L’affaire est directement portée devant le bureau de jugement, qui se prononce sur la nature de la rupture et les conséquences associées. Il statue au fond dans un délai d’un mois à compter de sa saisine.
Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’exécution du présent article ».
Concrètement, le salarié qui ne reprend pas son travail sans justifier de son absence auprès de son employeur pourrait être considéré comme étant démissionnaire.
Au regard de pôle emploi, il n’a tout simplement plus le droit de percevoir l’ARE.
Un décret qui doit entrer en vigueur le 31 mars 2023 précise que le délai de la mise en demeure ne peut être inférieur à 15 jours calendaires étant précisé que ce délai commence à courir à compter de la première présentation de la lettre recommandée au domicile du salarié.
Toutefois, il semble résulter de la lettre de cet article que l’employeur peut toujours procéder à un licenciement pour faute grave en raison de l’abandon de poste ce qui permettrait au salarié de bénéficier de l’ARE puisqu’il s’agirait d’une perte involontaire de l’emploi.
II. La négociation d’une rupture conventionnelle.
L’article L1237-11 du Code du travail dispose que :
« L’employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie.
La rupture conventionnelle, exclusive du licenciement ou de la démission, ne peut être imposée par l’une ou l’autre des parties.
Elle résulte d’une convention signée par les parties au contrat. Elle est soumise aux dispositions de la présente section destinées à garantir la liberté du consentement des parties ».
Il convient tout d’abord de préciser que la rupture conventionnelle ne concerne que le contrat à durée indéterminée (CDI). Tout autre contrat ne peut pas donner lieu à la signature d’une rupture conventionnelle.
Elle peut également être conclue avec un salarié protégé sous réserve d’autorisation par l’inspection du travail.
Concernant la procédure, l’article L1237-12 du Code du travail et suivants pose l’obligation pour les parties d’organiser au moins un entretien préalable. En pratique, lors de cet entretien l’employeur aura déjà préparé le formulaire de rupture conventionnelle et le salarié n’aura plus qu’à le signer si les modalités pratiques lui conviennent.
En tout état de cause, le salarié qui aurait été trompé au moment de la signature de cette rupture conventionnelle peut mettre en avant le fait que son consentement a été vicié pour obtenir la nullité de cette rupture. Tel peut être le cas en cas en matière de harcèlement moral [1] ou plus généralement si le salarié démontre que l’employeur a eu recours à des manœuvres pour tromper son consentement [2].
Après avoir signé le formulaire de rupture conventionnelle, le salarié dispose d’un délai de 15 jours ouvrables pour se rétracter.
Le montant de l’indemnité de rupture conventionnelle doit être au minimum égal à l’indemnité légale de licenciement ou à l’indemnité conventionnelle de licenciement si celle-ci est plus favorable.
III. La rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur par le salarié.
Sur le plan judiciaire, le salarié peut également rompre le contrat de travail en s’appuyant sur des manquements commis par l’employeur. Une telle procédure suppose l’intervention du juge prud’homale pour constater les manquements de l’employeur.
A. La prise d’acte.
La prise d’acte s’entend de la volonté pour un salarié de rompre immédiatement son contrat de travail pour des faits suffisamment graves qu’il reproche à son employeur.
Concrètement le salarié doit rédiger un courrier à l’attention de son employeur dont l’objet est « prise d’acte » et dans lequel il explique l’intégralité des reproches qu’il formule à son employeur. Ce courrier est semblable à celui d’une lettre de démission sauf que le terme de démission n’est jamais employé.
A titre d’exemple, la jurisprudence a admis la prise d’acte lorsque l’employeur ne paye pas les heures supplémentaires régulièrement effectuées [3] que le salarié soit victime de violences physiques ou morales [4] ou plus généralement d’un harcèlement moral [5].
A l’issue de la prise d’acte, le salarié quitte immédiatement l’entreprise sauf s’il indique dans son courrier vouloir exécuter son préavis. Attention toutefois car lorsque le juge sera saisi, il sera difficile d’expliquer que d’un côté les manquements sont tellement graves que le salarié doit rompre immédiatement son contrat et d’un autre qu’il a demandé à exécuter son préavis.
Il doit ensuite saisir le Conseil de prud’hommes et demander à ce que sa prise d’acte produise les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse (ou nul selon les circonstances) afin de bénéficier de son indemnité de licenciement, de son préavis ainsi que de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Attention, le juge peut considérer que les manquements ne sont pas suffisamment grave et faire produire à la prise d’acte les effets d’une démission. Dans ce cas, il peut condamner le salarié à rembourser le préavis de démission qu’il n’a pas effectué à son employeur.
B. La résiliation judiciaire.
La résiliation judiciaire permet également au salarié qui reproche à son employeur des manquements graves concernant l’application de son contrat de travail d’obtenir la rupture de celui-ci aux torts de l’employeur.
A l’inverse de la prise d’acte, le salarié ne rédige pas de courrier à l’attention de l’employeur pour solliciter la rupture de son contrat mais saisi directement le juge prud’homal en lui faisant part des manquements qu’il considère être suffisamment graves.
Le juge statue ensuite sur les manquements et s’il considère qu’ils sont suffisamment graves, il met lui-même fin à la relation de travail en condamnant l’employeur à payer au salarié une indemnité au titre de l’indemnité de licenciement, du préavis ainsi que des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (ou nul si les manquements sont consécutifs à du harcèlement moral par exemple).
IV. Une alternative à la rupture du contrat : le projet de transition professionnelle.
Le salarié qui souhaite se reconvertir n’est pas dans l’obligation de rompre immédiatement son contrat de travail.
Il peut solliciter un congé, une autorisation d’absence pour se reconvertir. De fait, il reste toujours présent dans l’entreprise (le contrat est suspendu) mais peut pleinement organiser sa reconversion.
Parmi les solutions existantes, on peut notamment s’intéresser au projet de transition professionnelle.
Ce dernier permet au salarié de s’absenter pour suivre une formation certifiante lui permettant de changer de profession. Il s’agit de l’ancien congé individuel de formation.
Pour en bénéficier le salarié doit justifier d’une activité salariée d’au moins deux ans consécutifs dont un an dans la même entreprise. Il formule une demande d’autorisation d’absence à son employeur en indiquant l’intitulé de la formation, la durée de celle-ci, l’organisme qui réalise la formation…
L’employeur peut différer la demande du salarié de 9 mois au maximum si son absence entraîne des conséquences préjudiciables à la production et à la marche de l’entreprise. Il peut la refuser uniquement si trop de salariés sont déjà absents pour ce motif.
Le temps d’absence est assimilé à du temps de travail et le salarié bénéficie d’une rémunération égale à un pourcentage de son salaire moyen de référence.
En conclusion, il existe différentes solutions permettant à un salarié de quitter son emploi sans être privé de ressources du jour au lendemain. Les solutions précitées présentent toutes des avantages et des inconvenants. Il est préférable d’être pleinement renseigné avant d’entamer des démarches judiciaires ou amiables.
Benjamin PIERROT
Avocat au Barreau de Strasbourg
benjamin.pierrot.avocat@hotmail.com
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