Quels sont les critères retenus par le Juge Administratif pour apprécier la réalité et l’intensité des liens personnels et familiaux en France?

Le jugement du Tribunal administratif de Melun du 27 février 2020, n° 1810358, nous éclaire sur cette problématique récurrente du droit des étrangers.

Dans cette affaire, le requérant justifiait d’une entrée régulière et de sa présence en France depuis 2013. Il avait sollicité un titre de séjour vie privée et familiale sur le fondement du 5 de l’article 6 de l’accord franco algérien du 27 décembre 1968 et de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Rappelons à toute fin que ce dernier article dispose:
« 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.
2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »

Si tant est que cet article puisse paraître de prime abord comme particulièrement favorable pour les prétendants à un droit au séjour en France, encore faut-il connaitre l’interprétation qu’en fait le Juge Administratif quand il est amené à statuer sur sa correcte application par l’Administration.

En l’espèce l’autorité administrative avait estimé que le requérant ne justifiait pas de liens privés et familiaux suffisamment intenses et avait donc rejeté sa demande de titre de séjour, l’avait obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et avait fixé le pays à destination duquel il était susceptible d’être éloigné d’office.

Saisi d’un recours contentieux à l’encontre de cette OQTF, le Tribunal administratif de Melun du 27 février 2020 a jugé:

“Le requérant soutient à l’appui de sa requête avoir épousé le 17  février  2018  une ressortissante algérienne, en situation régulière sur le territoire français, avec qui il vit désormais en France, union de laquelle est né un premier enfant le […], son épouse étant enceinte de leur deuxième enfant à la date du présent jugement. Ces éléments ne sont pas contestés par la préfète de Seine-et-Marne en défense.

  • En outre, en produisant une attestation d’hébergement de son épouse en date du 29 novembre 2017, et une facture d’électricité en date du 4 novembre 2018 aux deux noms, il prouve la communauté de vie, certes récente, mais intense entre les époux.
  • Par ailleurs, il fait valoir ses efforts d’intégration professionnelle depuis son arrivée en France en 2013, au travers, notamment, d’une formation professionnelle en BTP attestée à la date du 6 mars 2017 et de l’obtention d’un contrat à durée indéterminée en date du 2 juillet 2018 comme préparateur VO au sein de l’entreprise France Auto 94 située à Villejuif.
  • Dans ces circonstances, eu égard aux liens privés et familiaux du requérant tels que précédemment décrits et à sa volonté d’intégration professionnelle, la préfète de Seine-et-Marne, en lui refusant la délivrance du titre de séjour sollicité, a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par la décision en litige et a, par suite, méconnu les stipulations précitées du 5) de l’article 6 de l’accord franco- algérien et de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.”

Il s’évince de ce jugement que dans ce type d’affaire il est crucial de d’abord prouver, par tous moyens, la communauté de vie entre les époux.
En l’espèce, les pièces versées aux débats, à savoir une attestation d’hébergement de son épouse et une facture d’électricité aux deux noms, auront suffi à emporter la conviction du juge.
L’antériorité de la présence en France du requérant ainsi que ses efforts d’insertion professionnelle ont également été un critère d’appréciation particulièrement important.

Le Tribunal Administratif a donc annulé l’OQTF et a enjoint au préfet de délivrer un certificat de résidence « vie privée et familiale » d’un an.

Je reste à votre disposition pour procéder à un examen approfondi de votre situation au regard de votre droit au séjour.

 

https://benoitgarciaavocat.fr/2020/03/27/appreciation-des-liens-prives-et-familiaux-et-annulation-de-loqtf/