Si l’inaptitude physique d’un salarié ne peut légitimer un licenciement lorsqu’elle résulte d’un manquement de l’employeur à son obligation générale de sécurité (Cass. soc. 17 octobre 2012, n°11-18.648 et Cass. soc. 28 mai 2014, n°13-12.485), l’intéressé ne pouvait pas saisir la juridiction prud’homale d’une demande visant à obtenir, indépendamment de la réparation perçue au titre de la faute inexcusable, une indemnisation au titre des préjudices spécifiques résultant de la perte d’emploi.

Selon la Cour de cassation, une telle demande correspondait en réalité à une demande de réparation des conséquences de l’accident du travail ou de la maladie professionnelle (Cass. mixte. 9 janvier 2015, n°13-12.310 et Cass. soc. 6 octobre 2015, n°13-26.052).

En effet, par application des articles L. 142-1 et L. 451-1 du Code de la sécurité sociale, l’action en réparation des dommages résultant d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle de la compétence des juridictions de la sécurité sociale, que l’accident ou la maladie soient, ou non, la conséquence d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat.

Cette position était pour le moins déconcertante et rendait particulièrement complexe la distinction de la frontière entre les compétences des juridictions prud’homales et de sécurité sociale, dans la mesure où, parallèlement, le juge prud’homal demeurait seul compétent pour connaître d’un litige relatif à l’indemnisation d’un préjudice lié à un licenciement sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc. 29 mai 2013, n°11-20.074 et Cass. soc. 14 novembre 2013, n°11-28.512).

Pour répondre aux interrogations ainsi suscitées depuis 2015 et clarifier ce partage de compétences, la Haute Juridiction est venue préciser dans deux arrêts rendus le 3 mai 2018 que « si l’indemnisation des dommages résultant d’un accident du travail, qu’il soit ou non la conséquence d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, relève bien de la compétence exclusive du tribunal des affaires de sécurité sociale, la juridiction prud’homale est seule compétente pour statuer sur le bien-fondé de la rupture du contrat de travail et pour allouer, le cas échéant, une indemnisation au titre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse » (Cass. soc. 3 mai 2018, n°16-20.850 et n°17-10.306).

Par conséquent, même si le salarié a été victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, le juge prud’homal est compétent pour se prononcer sur l’application des règles relatives à la rupture du contrat de travail et appliquer les sanctions indemnitaires prévues par le Code du travail.

Son intervention est cependant limitée aux conséquences de la rupture abusive ou illicite du contrat de travail ; le salarié ne peut le saisir d’une demande d’indemnisation supplémentaire au titre de la perte de ses droits à la retraite, puisque celle-ci est déjà indemnisée par la rente d’accident du travail (Cass. soc. 3 mai 2018, n°14-20.214).

En pratique, le salarié licencié pour inaptitude à la suite d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle imputable à une faute inexcusable de l’employeur peut désormais contester le bien-fondé de son licenciement pour inaptitude devant la juridiction prud’homale et cumuler la réparation au titre de la faute inexcusable ainsi celle au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse.